• Aucun résultat trouvé

Les produits pharmaceutiques sont aujourd’hui indispensables à la réussite de la grande majorité des thérapies médicales1. Ils sont un élément central du bon fonctionnement des systèmes de santé2 et leur accès a été reconnu comme

« l’un des éléments fondamentaux pour progresser vers la pleine réalisation »3 du droit à la santé. L’importance des médicaments pour la prévention et le traitement des maladies entraîne la « responsabilité qu’ont les Etats de veiller à ce que tous les individus sans distinction aient accès à des médicaments abor-dables, sûrs, efficaces et de bonne qualité »4. Aussi, et au-delà du développe-ment du droit commun de la responsabilité civile5, les Etats doivent notam-ment veiller à ce que les produits pharmaceutiques offrent une sécurité maxi-male et ne mettent pas en danger la santé et la vie des patients6.

La régulation des médicaments, qui est au centre de cette analyse, est ex-trêmement complexe et en constante évolution. Les médicaments, définis par la directive européenne 2001/83 du 6 novembre 2001 comme « toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou pré-ventives à l’égard des maladies humaines [ainsi que] toute substance ou com-position pouvant être administrée à l’homme en vue d’établir un diagnostic médical ou de restaurer, corriger ou modifier des fonctions physiologiques chez l’homme »7, sont, aujourd’hui encore, les produits thérapeutiques les plus

1 Sur l’importance du médicament dans les traitements médicaux et les conséquences des évolutions de la recherche dans ce domaine sur l’approche thérapeutique, voir : FARMER Paul, Pathologies of Power, Health, Human Rights, and the New War on the Poor, With a New Preface by the Author, Berkeley, Los Angeles, London (University of California Press) 2005, pp. 202-203.

2 Les produits et technologies médicaux essentiels ont été identifiés par l’OMS comme faisant partie des éléments indispensables au bon fonctionnement d’un système de santé. Voir : OMS, Eléments essentiels au bon fonctionnement d’un système de santé, 2010.

3 Conseil des droits de l’Homme, Résolution 12/24 du 12 octobre 2009 sur l’accès aux médicaments dans le contexte du droit qu’a toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et men-tale possible, A/65/53.

4 Ibid.

5 Le régime de droit commun de la responsabilité civile a été précisé au sein de l’Union européenne (UE) par la directive 85/374/CEE du Conseil, du 25 juillet 1985, relative au rapprochement des dis-positions législatives, règlementaires et administratives des Etats membres en matière de responsa-bilité du fait des produits défectueux, JO n° L 210 du 07.08.1985, pp. 29-33.

6 Pour une approche plus large des obligations de l’Etat dans ce domaine, voir : DAGRON Stéphanie,

« Regulating pharmaceuticals in Europe : A Human Rights Approach », in den Exter (édit.), Euro-pean Health Law, Antwerpen, Apeldoorn (Maklu) 2017 pp. 133-154.

7 Directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil, du 6 novembre 2001, instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain, JO n° L 311 du 28.11.2001, pp. 67-128, art. 1 al. 2. Cette définition a été reprise dans ses grandes lignes par les Etats membres mais aussi par la Suisse. La loi fédérale du 15 décembre 2000 sur les médicaments et les dispositifs médicaux (RS 812.21, loi sur les produits thérapeutiques, LPTh) introduit certaines variations : elle retient le terme de « produit » et non de « substance » ; elle considère en outre que « le sang et les produits sanguins (…) sont des médicaments » ce qui la distingue de la législation européenne. Une telle in-clusion pose des difficultés selon certains auteurs qui rejettent la tendance à admettre

« l’homogénéité des produits médicamenteux issus du sang ». Voir : GARRAUD Olivier / TISSOT

Jean-règlementés8. Ils sont notamment plus règlementés que les dispositifs médi-caux qui sont définis en droit européen comme étant des produits (« instru-ment, appareil, équipeinstru-ment, logiciel, implant, réactif, matière ou autre ar-ticle »9) destinés à être utilisés chez l’homme pour un usage médical (diagnos-tic in vitro, diagnos(diagnos-tic, prévention, contrôle, prédiction, pronos(diagnos-tic des maladies etc…) « et dont l’action principale voulue dans ou sur le corps humain n’est pas obtenue par des moyens pharmacologiques ou immunologiques ni, par métabolisme, mais dont la fonction peut être assistée par de tels moyens »10. La règlementation des dispositifs médicaux a profondément évolué depuis quelques années11 en réaction aux crises sanitaires liées à l’utilisation de cer-tains dispositifs12. La nouvelle règlementation européenne adoptée en avril 2017, et qui entrera en vigueur dans tous les Etats membres à partir de 2020, renforce ainsi considérablement les exigences de sécurité de ces produits dont la mise sur le marché est conditionnée par une procédure de certification13. Cette nouvelle règlementation impose ainsi notamment une évaluation cli-nique des dispositifs les plus dangereux qui tend à se rapprocher de l’évaluation, à travers des essais pré-cliniques et cliniques précis, de la qualité, de l’efficacité et de l’innocuité des médicaments. Le renforcement de ces exi-gences en matière de sécurité s’accompagne d’un renforcement des responsa-bilités des institutions chargées de délivrer le label de conformité14. Il est inté-ressant de noter qu’à la différence des Etats européens et de l’Union euro-péenne (UE), et malgré les différences entre les approches relevées au niveau européen pour la mise sur le marché des médicaments, d’une part, et des

Daniel, « Les produits sanguins thérapeutiques : des médicaments ou des produits de santé à part [Blood components : Are they drugs or special medicines ?] », in Transfusion clinique et biologique : Journal de la société française de transfusion sanguine (Paris) 2016, pp. 127-131.

8 Voir les critiques émises par les auteurs suivants concernant le niveau moindre de sécurité des dispositifs médicaux par rapport aux médicaments : SPRECHER Franziska, « Klinische Versuche mit Medizinprodukten : die Sicht des Arztes », in RÜTSCHE (édit.), Medizinprodukte: Regulierung und Haftung, Weiterbildung Recht, Bern (Stämpfli) 2013, pp. 35-75 ; STORDEUR Sabine / VINCK Imgard / NEYT Mattias / VAN BRABANDT Hans / HULSTAERT Frank, « Mise sur le marché européen des dispositifs médicaux innovants à haut risque : l’efficacité clinique et la sécurité sont-elles garanties ? », in Re-vue d’épidémiologie et de santé publique (Paris) 2013, pp. 105-110.

9 Voir : règlement (UE) 2017/745 du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2017 relatif aux dispositifs médicaux, modifiant la directive 2001/83/CE, le règlement (CE) 178/2002 et le règlement (CE) 1223/2009 et abrogeant les directives du Conseil 90/385/CEE et 93/42/CEE, JO n° L 117, p. 1, art. 2 al. 1.

10 Ibid.

11 SPRECHER Franziska, « Anpassung der Medizinproduktverordnung (MepV). Mehr Sicherheit bei Medi-zinprodukten – und Schritt halten mit der EU », Sicherheit & Recht (München) 2015, pp. 115-120.

12 Voir par exemple :JOURDAIN-FORTIER Clothilde, « L’affaire PIP ou la difficile réparation en Europe des dommages corporels de masse causés par un dispositif médical défectueux », in Revue internatio-nale de droit économique (Dijon) 2015, pp. 5-35.

13 Cette nouvelle règlementation est issue des deux règlements suivants : règlement (UE) 2017/745 ; règlement (UE) 2017/746 du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2017 relatif aux dispositifs médicaux de diagnostic in vitro et abrogeant la directive 98/79/CE et la directive 2010/227/UE de la Commission, JO n° L 117, p. 176.

14 Règlement (UE) 2017/745, chap. IV.

positifs médicaux, d’autre part, le législateur suisse n’hésite pas à réunir dans une même loi les dispositions applicables à ces deux types de produits15. Une adaptation de la loi applicable aux produits thérapeutiques en conséquence de l’évolution de la règlementation de l’UE relative aux dispositifs médicaux, est actuellement en discussion16.

La règlementation européenne applicable aux produits pharmaceutiques s’est développée à partir de 1965. C’est la survenance d’évènements indési-rables liés à l’utilisation thérapeutique de médicaments qui a conduit, en Eu-rope, à l’évolution et au développement de règlementations destinées à assurer la sécurité des patients. Les crises sanitaires survenues dans la seconde moitié du XXème siècle sont à l’origine de cette règlementation et de la structure insti-tutionnelle chargée de sa mise en œuvre. Ces crises portent le nom des diffé-rents médicaments concernés : le Stalinon à la vitamine F distribué en France dans les années 1950, le Distilbène distribué de 1941 à 1978 en Europe comme aux Etats-Unis17, le Contergan consommé de 1957 à 1961 par des femmes en-ceintes dans le monde entier18 ou bien encore, beaucoup plus récemment, le Vioxx (qui a été retiré du marché mondial en 2004 par l’entreprise Merck)19, le Médiator en France20 et les pilules contraceptives dites de 3ème et 4ème généra-tion qui ont fait l’objet, en Suisse comme ailleurs dans le monde, de nom-breuses poursuites judiciaires21. En Europe, ces crises ont engendré la mise en place de procédures d’autorisation des médicaments permettant le contrôle de la qualité, de l’efficacité et de l’innocuité des médicaments avant leur mise sur le marché, ainsi que le développement de procédures de surveillance des mé-dicaments qui permettent le contrôle de la sécurité des produits tout au long de leur durée de vie.

15 Voir supra note 7.

16 Voir : DFI, Rapport explicatif sur l’adaptation de la loi sur les produits thérapeutiques (nouvelle règlementation sur les dispositifs médicaux) et de la loi fédérale sur les entraves techniques au commerce du 2 mars 2018.

17 BONAH Christian / GAUDILLIÈRE Jean-Paul, « Faute, accident ou risque iatrogène ? La régulation des événements indésirables du médicament à l’aune des affaires Stalinon et Distilbène », in Revue française des affaires sociales (Paris) 2007, pp. 123-151.

18 Sur l’affaire du Contergan, voir notamment : KIRK Beate, Der Contergan-Fall, eine unvermeidbare Arzneimittelkatastrophe ? Zur Geschichte des Arzneistoffs Thalidomid, Wissenschaftliche Ver-lagsgesellschaft (Stuttgart) 1999.

19 Concernant cette affaire, voir : THOMAS John W., « The Vioxx story : would it have ended differently in the European Union ? », in American Journal of Law and Medicine (Boston) 2006, pp. 365-380.

20 Sur les faits et les faiblesses de la régulation mis en évidence par cette affaire, voir notamment : AQUILINO Morelle / PADIS Marc-Olivier, « Mediator : l’histoire d’une seconde défaite de la santé pu-blique », Esprit (Paris) 2011, pp. 71-79.

21 Arrêt du Tribunal fédéral 4A_365/2014 et 4A_371/2014, du 5 janvier 2015. Concernant les plaintes déposées aux USA et plus récemment en Allemagne, voir : Le Monde, « Aux Etats-Unis, 15 000 plaintes déjà déposées contre Bayer », 14 décembre 2012 ; Libération, « La pilule yasminelle assi-gnée en justice en Allemagne », 17 décembre 2015.

L’analyse de la protection de la sécurité des patients au sein de l’Union eu-ropéenne impose par conséquent l’étude plus détaillée de cette régulation (II) ainsi que l’analyse des évolutions récentes qui témoignent d’un changement dans l’approche des questions de sécurité des médicaments (III).

II. La régulation européenne : une protection tout au long

Documents relatifs