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Contrôle dopaminergique du cortex moteur primaire

1. INTRODUCTION

1.3. Contrôle dopaminergique de la motricité

1.3.1. Contrôle dopaminergique du cortex moteur primaire

Les données directes concernant les effets de la dopamine sur l'activité des neurones de M1 sont rares et conflictuelles. Une série d'expériences réalisées chez le rat anesthésié (Awenowicz and Porter, 2002) et chez le chat anesthésié (Huda et al., 2001) a consisté en l'étude de l'effet de l'application iontophorétique de dopamine à forte concentration ou d'agonistes et d'antagonistes des récepteurs dopaminergiques de la famille D1 ou D2 sur l'activité des neurones de M1 lors d'enregistrements extracellulaires. Les résultats obtenus ont révélé un effet globalement dépresseur de l'activité spontanée et de l'excitation glutamatergique des neurones de M1 nécessitant une activation synergique des deux familles de récepteurs dopaminergiques. En revanche, le blocage des récepteurs D2 par une injection systémique d'un antagoniste de ces récepteurs, l'halopéridol, induit une bradykinésie ainsi qu'une diminution significative de l'activité basale des neurones de M1 sans altérer leur patron de décharge (Parr-Brownlie and Hyland, 2005). De plus, le blocage des récepteurs D2 par une injection intracorticale de raclopride entraîne une diminution de la représentation corticale de la partie distale des membres antérieurs chez le rat (Brown et al., 2009;Hosp et al., 2009) ainsi qu'une augmentation du seuil de déclenchement et de la latence des mouvements évoqués par des stimulations corticales (Hosp et al., 2009). Par ailleurs, un blocage des récepteurs D1 ne modifie pas la cartographie de M1 (Hosp et al., 2009). Chez le rat ayant subi une injection unilatérale de 6-OHDA, la représentation des membres antérieurs distaux dans M1 est également significativement réduite et les habiletés motrices des membres antérieurs est altérée (Plowman et al., 2011). De plus, une

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déafférentation dopaminergique spécifique de M1 altère les capacités

d'apprentissage moteur chez le rat mais pas l'exécution des mouvements déjà appris (Molina-Luna et al., 2009;Hosp et al., 2011), ceci étant associé à une perte du renforcement synaptique de M1 (Molina-Luna et al., 2009). Dans ces conditions, l'apprentissage moteur est rétablit après l'injection d'un agoniste D1 ou d'un agoniste D2 dans M1 (Molina-Luna et al., 2009;Hosp et al., 2011). L'ensemble de ces études suggèrent donc que la dopamine joue un rôle important dans la modulation de l'activité des neurones de projections de M1, notamment dans la plasticité. Par ailleurs, alors que les différentes études s'accordent sur l'implication du récepteur D2, il semble que le récepteur D1 n'agisse pas sur l'activité des neurones de projection de M1. Néanmoins, l'action précise de la dopamine reste à déterminer.

Des pistes de réponses peuvent être suggérées en considérant les études réalisées dans d'autres structures corticales pour lesquelles l'innervation dopaminergique est bien définie. Des études électrophysiologiques in vitro montrent, dans le cortex préfrontal de rongeur, qu'une concentration de dopamine en dessous de 20 µM augmente les courants NMDA dans les neurones pyramidaux de la couche V (Zheng et al., 1999) et possède un effet biphasique sur les courants postsynaptiques GABAergiques inhibiteurs (Trantham-Davidson et al., 2004). En effet, la dopamine entraîne une diminution transitoire de l'amplitude des courants inhibiteurs enregistrés dans les neurones pyramidaux suivis immédiatement par une augmentation persistante de l'amplitude de ces courants inhibiteurs (Trantham- Davidson et al., 2004). Ces résultats suggèrent donc que la dopamine peut moduler les neurones de projection ainsi que les interneurones du cortex. Néanmoins, les effets modulateurs de la dopamine sur l'activité corticale apparaissent complexes. Ainsi, l'application d'antagonistes et d'agonistes des récepteurs dopaminergiques a

79 révélé que l'activation du récepteur D1 est responsable de l'augmentation des courants NMDA (Zheng et al., 1999) et de l'augmentation persistante des courants inhibiteurs (Trantham-Davidson et al., 2004). De plus, l'effet inhibiteur observé lors de la première phase de la modulation bimodale des courants inhibiteurs postsynaptiques est causée par l'activation des récepteurs D2 (Trantham-Davidson et al., 2004). A une concentration de dopamine en dessous de 100 nM, il a été suggéré que la dopamine peut augmenter l'amplitude des courants GABAergiques par l'intermédiaire des récepteurs D1 (Trantham-Davidson et al., 2004). Par ailleurs, à de fortes concentrations de dopamine comprises entre 50 et 100 µM, une diminution des courants NMDA par l'activation des récepteurs D2 est observée (Zheng et al., 1999). Il est alors intéressant de noter que le récepteur D1 pourrait augmenter l'excitabilité et la fréquence de décharge des interneurones à décharge rapide du cortex préfrontal chez le rat in vitro (Gorelova et al., 2002). A l'inverse, des analyses de microdialyse in vivo suggèrent que l'activation du récepteur D2, mais pas du récepteur D1, augmente le taux de GABA extracellulaire dans le cortex préfrontal (Grobin and Deutch, 1998) suggérant alors un rôle du récepteur D2 seulement dans l'activation des interneurones corticaux. En effet, lors d'études électrophysiologiques in vitro, il a été démontré que le récepteur D2 active les interneurones GABAergiques (Tseng and O'Donnell, 2004). L'application de quinpirole réduit l'amplitude des courants excitateurs postsynaptiques mesurés sur les neurones pyramidaux des couches profondes ainsi que leur excitabilité par le recrutement de courants générés par les récepteurs GABAA (Tseng and O'Donnell, 2007).

Plus récemment, il a été démontré que l'activité des neurones pyramidaux pouvait être régulée directement par les récepteurs D1 et les récepteurs D2. En effet,

80 lorsque le neurone pyramidal de la couche V du cortex préfrontal in vitro est en train de décharger, l'application iontophorétique de brefs pulses de dopamine à de faibles intensités de courant pour mimer la libération phasique de dopamine indique un effet bimodal de la dopamine sur l'activité des neurones enregistrés dès les premières secondes d'application et ce seulement sur une courte période de temps (Moore et al., 2011). Les récepteurs D1 répondent à la libération phasique de dopamine sur une durée de 0,5 seconde par un blocage de l'émission de potentiels d'action des neurones pyramidaux en inhibant les canaux calciques localement (Zhou and Antic, 2012) par une interaction directe avec les canaux calcique de type N (Kisilevsky et al., 2008). Par la suite, la diffusion et l'élimination diminuant la concentration de dopamine, l'activation des récepteurs D2 augmente l'activité des neurones pyramidaux pendant environ 40 secondes. L'effet activateur du récepteur D2 est retrouvé par Gee et al. (2012) qui précise que lors d'une activation glutamatergique d'un groupe de neurones pyramidaux de projection, l'activation du récepteur D2 provoque une dépolarisation prolongée qui dure plusieurs secondes après l'excitation du neurone. Cette excitation passe par l'activation de conductances calciques de type L et par l'activation des récepteurs NMDA. Cette dépolarisation induite par le récepteur D2 est alors suffisante pour induire l'émission de potentiels d'action. Thurley et al. (2008) montrent, quant à eux, une augmentation transitoire de l'activité des neurones pyramidaux du cortex préfrontal par l'activation du récepteur D1. De même, Tseng et O'Donnell (2004) indiquent une facilitation des courants NMDA par le récepteur D1. Ces changements seraient dépendants de l'activation de la PKA et de la mobilisation du calcium intracellulaire. Toutefois, aucune modification de la membrane des neurones pyramidaux associée à l'activation du récepteur D1 n'a pu être mise en évidence dans cette étude.

81 L'ensemble de ces résultats suggèrent d'une part que la dopamine a un rôle complexe dans la régulation de l'activité corticale, pouvant moduler à la fois les neurones de projection et les interneurones corticaux par des mécanismes différents. D'autre part, ces études soulignent la difficulté d'étudier cette régulation tant les réponses observées semblent dépendantes de la concentration de dopamine utilisée. Il a en effet été démontré que la réponse du récepteur D1 était différente sur l'activité des neurones du cortex préfrontal selon la concentration de dopamine (Vijayraghavan et al., 2007). Ainsi, une trop faible dose, tout comme une trop forte dose de dopamine, entraînent une diminution de l'activité des neurones par l'intermédiaire des récepteurs D1 alors qu'une dose intermédiaire permet l'activation des neurones corticaux. Ces résultats mettent alors en évidence une réponse en U inversé du contrôle dopaminergique des neurones corticaux. Néanmoins, les études les plus récentes tendent à démontrer un effet facilitateur des récepteurs D2 et un effet inhibiteur des récepteurs D1 sur l'activité des neurones pyramidaux. Il apparaît toutefois important de pouvoir réexaminer l'ensemble de ces résultats à la lumière de méthodologies plus physiologiques. En outre, les données concernant la modulation dopaminergique des neurones de projection corticaux sont très souvent réalisées dans le cortex préfrontal de par sa très forte innervation dopaminergique. Néanmoins, malgré l'organisation commune des aires corticales, seule des suggestions peuvent être émises sur la base de ses études quant à la fonctionnalité de l'innervation dopaminergique de M1.