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Comment contourner le principe de conservation de la luminance ?

1.1.2 Cas des concentrateurs luminescents pour le photovoltaïque . . . 43 1.2 Description physique des concentrateurs luminescents. . . 44 1.2.1 Le facteur de concentration . . . 44 1.2.2 Éléments déterminants de l’efficacité optique (ηo/o). . . 48

1.2.3 Vision globale des mécanismes en jeu . . . 53 1.3 État de l’art des concentrateurs luminescents éclairés par LED . . . 54 1.3.1 Matériaux utilisés . . . 54 1.3.2 État de l’art des concentrateurs luminescents en Ce :YAG éclairés

par LED . . . 56

2 Développement d’un concentrateur Yb,Er :verre dans le SWIR éclairé par des LED infrarouges . . . . 58

2.1 Choix des LED et des dimensions de l’Yb,Er :verre (G et ηf ill) . . . 58

2.2 Estimations détaillées des composantes de l’efficacité optique (ηo/o) . . . 59

2.3 Optimisation du facteur de concentration (CLED) . . . 61

2.4 Performances du concentrateur Yb,Er :verre . . . 63

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Concentrateurs luminescents éclairés par LED

1.1 Comment contourner le principe de conservation de la luminance ? La luminance est définie comme la puissance émise par une source par unité de surface et par unité d’angle solide. C’est une grandeur fondamentale pour caractériser les systèmes d’éclairage industriels car elle fait le lien entre la source de lumière et la scène à illuminer. À partir d’une source de lumière donnée, est-il possible d’obtenir une nouvelle source de plus forte luminance ?

1.1.1 Le principe de conservation de la luminance

La luminance L d’une source se définit par son flux élémentaire d2F dans un pinceau d’étendue géométrique d2G :

L = d2F

d2G (II.1)

avec l’étendue géométrique élémentaire définie par :

d2G = dSsource.cosθsource.dΩsource (II.2) où l’angle solide élémentaire dΩsource se note (figure II.1) :

dΩsource= dSrécepteur.cosθrécepteur

D2 (II.3)

FigureII.1 – Grandeurs photométriques qui entrent en jeu dans la définition de la luminance. Une LED est une source dont la luminance est constante angulairement (source lamber- tienne ou orthotrope) sur l’ensemble de sa surface (source uniforme). Il est possible d’exprimer simplement la luminance d’une LED avec son éclairement E0.

L’éclairement d’une source est défini par :

E = dF

dSsource (II.4)

Cet éclairement peut s’écrire à l’aide de la luminance en faisant intervenir l’équationII.1 :

dE= L.d

2G

dSsource (II.5)

Une LED étant une source plane et uniforme spatialement, son éclairement est obtenu par intégration sur l’angle solide Ω :

E=

Z

L(θ, φ).cosθ.dΩ (II.6)

La luminance d’une LED étant constante angulairement (L(θ, φ) = L0), l’éclairement de la

source se note :

E0 = L0

Z

cosθ.dΩ (II.7)

En intégrant l’angle solide dans le demi-espace, la luminance d’une LED s’écrit alors :

L0 =

E0

π (II.8)

De prime abord, pour "concentrer" une source lumineuse quelconque, on pense à utiliser une lentille ou un miroir concave. Cela revient à concentrer la lumière issue d’une surface émettrice sur une surface plus petite. C’est par exemple le principe des miroirs ardents d’Archimède (figure II.2.a). Selon la légende, ce dernier aurait utilisé des miroirs concaves pour concentrer les rayons du soleil sur les voiles de navires romains lors du siège de Syracuse, durant la deuxième guerre punique (213 avant notre ère). Si cette anecdote est à placer dans la catégorie des légendes, des dispositifs basés sur le même principe ont vu le jour, comme le four solaire d’Odeillo installé par le CNRS en 1970 (figure II.2.b). Les miroirs de ce four ont dans leur ensemble une dimension de 54 m par 48 m et concentrent la lumière du soleil sur une cible de 40 cm de diamètre. Cela permet d’atteindre des éclairements 10 000 fois plus élevés que l’éclairement du soleil au niveau du sol.

Figure II.2 – a) représentation de la légende du miroir ardent d’Archimède lors du siège de Syracuse par Giulio Parigi (1571-1635). b) Four solaire d’Odeillo (Pyrénées-Orientales) mis en service en 1970.

Il est possible d’augmenter localement l’éclairement d’une source de lumière collimatée comme un faisceau laser gaussien ou une source incohérente ponctuelle éloignée (comme le so- leil). Cependant, cela se fait au prix de l’augmentation de la divergence des faisceaux : c’est la conservation de la luminance (aussi nommée théorème de Liouville [Jannson 86]). En d’autres

termes, on peut localement augmenter la densité des rayons lumineux mais ils sont alors répar- tis dans un angle solide plus grand : la luminance ne peut pas être augmentée par un dispositif imageant. Les LED ne sont pas des sources collimatées mais lambertiennes. Pour réaliser une image ayant un plus grand éclairement que la LED, le système optique imageant devrait avoir une ouverture plus grande que celui de la LED ce qui n’est pas possible puisqu’elle émet déjà dans le demi-espace. Ainsi, pour un système optique parfait, l’éclairement et la luminance d’une LED ne peuvent qu’être conservés.

Dans ses travaux de thèse, Thomas Gallinelli [Gallinelli 17] montre qu’il n’est pas possible d’augmenter la luminance d’un système basé sur une LED, même en multipliant le nombre de sources ou en ajoutant un système optique (figureII.3). Dans les différents cas de figures, le tableauII.1rassemble la luminance des systèmes et les éclairements reçus par un récepteur éloigné. L’éclairement et la luminance d’une LED sont respectivement notés E0 et L0.

Figure II.3 – Trois cas de figure mettant en évidence l’impossibilité d’augmenter la luminance d’une LED. a) cas d’une LED seule, b) cas d’un ensemble de LED, c) cas d’un ensemble de LED avec un système optique.

Éclairement délivré Luminance Source Lambertienne unique E0.sin2(θmax) L0= Eπ0

N sources Lambertiennes E0.sin2(θmaxN sources) LN = L0

Ajout d’un système optique E0.sin2(θmaxImagerie) Limagerie= L0.T

Table II.1 – Luminance de la source et éclairement reçus par un récepteur dans le cas d’une LED, d’un ensemble de LED et d’un ensemble de LED avec un système optique de transmission T (T<1).

Pour s’affranchir de la loi de la conservation de la luminance, il faut s’extraire du cadre dans lequel elle s’applique en faisant intervenir par exemple des processus d’absorption et d’émission dans le système optique placé après la source.

1.1.2 Cas des concentrateurs luminescents pour le photovoltaïque

Le principe de concentration luminescente est un moyen élégant de contourner la conser- vation de la luminance. En 1976, Weber et Lambe présentent un système qu’ils nomment

luminescent greenhouse collector for solar radiation [Weber 76]. Cette première référence à un concentrateur luminescent a pour but d’augmenter le rendement des panneaux photovol- taïques. Un concentrateur luminescent est basé sur un processus d’absorption/émission par des luminophores à l’intérieur d’un matériaux d’indice élevé, le plus souvent de forme parallélépi- pédique (figureII.4). Une grande diversité de matériaux, de géométries et d’architectures ont été développés depuis la fin des années 1970. Deux articles de revue ont été publiés sur le sujet [Debije 12,Rafiee 19]. Du point de vue de la matrice qui constitue les concentrateurs, plusieurs types de matériaux ont été étudiés comme les polymères [Yang 09,Meinardi 14,Turnbull 10], certains cristaux [de Boer 16b, Barbet 16b, Sathian 17] ou des verres [Zhang 15]. De nom- breux luminophores ont été testés comme des terres rares [Huang 13,de Boer 16b,Weber 76], des colorants [Currie 08], des boîtes quantiques [Bomm 11, Purcell-Milton 12, Meinardi 15, Meinardi 17] et des nanocristaux [Erickson 14,Meinardi 14].

Figure II.4 – Principe du concentrateur luminescent pour le photovoltaïque. Exemple de géométrie carrée avec quatre cellules photovoltaïques pour les surfaces vitrées.

L’idée du concentrateur luminescent pour le solaire est de décorréler la collecte de la lumière et sa conversion en électrons. Un panneau solaire classique présente de grandes cellules photo- voltaïques qui permettent de collecter et de convertir la lumière du soleil. Avec un concentra- teur luminescent, les cellules photovoltaïques sont plus petites : il est donc possible d’utiliser des types de cellules qui sont plus efficaces même si elles sont plus onéreuses. De plus, un concentrateur luminescent a l’avantage de coupler aussi la lumière diffuse et ne nécessite pas de système de suivi du soleil. Les inconvénients principaux des concentrateurs luminescents pour le photovoltaïque sont leur faible rendement par rapport à d’autres système et la faible durée de vie des polymères utilisés. Néanmoins, il est possible de trouver des configurations où ils peuvent être d’un grand intérêt : par exemple, les concentrateurs luminescents de grande dimension semi-transparents dans le visible peuvent être utilisés comme surfaces vitrées sur les bâtiments [Meinardi 15,Meinardi 17,Meinardi 14,Zhao 13].

Dès 1980, Eli Yablonovitch propose une approche thermodynamique des concentrateurs luminescents dans laquelle il élargit le principe de conservation de la luminance en présence d’absorption et d’émission [Yablonovitch 80]. Dans cet article, Yablonovitch définit le facteur de concentration (C) du concentrateur comme étant le rapport des luminances en entrée (L) et en sortie (L’) du système et définit une limite théorique fixée par la seconde loi de la thermodynamique :

C= L 0 L = λ2 λ02.exp h.c k.T 1 λ− 1 λ0  (II.9) où λ et λ’ sont respectivement les longueurs d’onde absorbée et émise.

Si ce principe permet de contourner la conservation de la luminance, on vérifie bien qu’il y a conservation de l’énergie car cette augmentation de luminance se fait au prix de pertes (notam- ment le décalage de Stokes) qui seront développées plus en détails par la suite. La limite ther- modynamique proposée par Yablonovitch permettrait d’obtenir des facteurs de concentrations très élevés de l’ordre de 104-105. Dans les faits, le rapport des luminances des concentrateurs

luminescents atteint, au mieux, quelques dizaines pour les concentrateurs solaires [Shanks 16]. Même si les travaux théoriques de Yablonovitch ont été validés par la suite, plusieurs études tentent d’expliquer cette différence entre la limite théorique et les mesures expérimentales du facteur de concentration de ces dispositifs [Papakonstantinou 15]. Les études théoriques prennent en compte des objets parfaits (efficacité quantique, état des surfaces, réabsorption), un faible écart de ces objets parfaits pouvant entraîner une chute drastique du facteur de concentration.

Le principe du concentrateur luminescent a émergé du domaine du photovoltaïque. Ce- pendant, d’autres applications tendent à apparaître depuis le début des années 2010 comme les concentrateurs luminescents pour l’illumination [de Boer 16b] ou le pompage de lasers [Barbet 16a]. Avant de présenter les systèmes existants de concentrateurs luminescents dédiés à l’illumination, une approche plus détaillée des mécanismes à l’œuvre dans ces objets s’impose.