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Compatibilité des cristaux avec les concentrateurs luminescents

Comme le décrit l’équation III.8, le gain linéique s’exprime à l’aide des propriétés d’émis- sion (σe.τ) et d’absorption (nt.σap) du cristal laser mais aussi avec les caractéristiques du

système de pompage telles que son éclairement et sa longueur d’onde de pompe (Ep.λp). Le

rapprochement d’un cristal laser et d’un concentrateur luminescent nécessite donc une certaine compatibilité spectrale. Les concentrateurs de Ce:YAG et de Ce:LuAG ont un spectre situé entre 500 nm et 600 nm avec des maximums respectifs à 550 nm et 530 nm (figureII.14). Avec quels cristaux laser ces systèmes de pompage sont-ils compatibles ?

Un moyen simple de déterminer la compatibilité spectrale entre cristaux laser et concen- trateurs est de tracer, pour chaque milieu à gain, ses propriétés d’absorption relatives aux concentrateurs luminescents en fonction de ses propriétés d’émission (III.19). Les propriétés d’émission du milieu à gain correspondent au produit σe.τ. Le facteur de compatibilité d’ab-

sorption du spectre des concentrateurs est défini par :

nt.λp.σap= R nt.λp.σap(λp).dEpp.dλp R dEp dλp.dλp (III.9) Le facteur nt.λp.σap, caractérise la capacité des milieux à gain à absorber le spectre des

concentrateurs, sans considération sur la valeur de l’éclairement de pompe. Sur la figureIII.19, la compatibilité d’absorption du Ti:saphir et du Cr:YAG est évaluée avec le spectre d’émission du Ce:LuAG ; pour les autres cristaux laser, cette compatibilité est évaluée avec le spectre d’émission du Ce:YAG.

Figure III.19 – Propriétés d’absorption et propriétés d’émission pour différents cristaux laser. Pour obtenir un gain linéique élevé, il faut que les produits σe.τ et nt.λp.σap soient les plus

grands possible. Sur la figure III.19, un matériau idéal se situe donc en haut à droite. Pour prendre la mesure de la difficulté à pomper des cristaux dopés aux métaux de transition, les couples (σe.τ; nt.λp.σap) sont ajoutés pour deux matériaux dopés aux terres rares : le Nd:YAG

et le Nd:YVO4. Les cristaux dopés au néodyme ont des produits σe.τ bien plus élevés (jusqu’à

deux ordres de grandeur) que les cristaux dopés aux métaux de transition (hormis le rubis). Afin de prendre en compte l’aspect logarithmique de la figureIII.19, quatre courbes pour les- quelles le produit σe.τ.nt.λp.σap est constant sont ajoutées. La référence prise correspond au

produit σe.τ.nt.λp.σap dans le cas du Nd:YAG, les autres courbes correspondent respective-

ment à une multiplication par 10 ainsi qu’à une division par 10 et par 100 de ce produit. Les cristaux dopés aux métaux de transition sont caractérisés par des produits σe.τ faibles, ce qui

les place à gauche de la figure III.19. Les propriétés d’absorption sont différentes d’un cristal à l’autre, notamment à cause du dopage et de l’accord spectral : cela explique la position des différents cristaux selon l’axe des y.

La compatibilité d’absorption du Cr:YAG et du Cr:forsterite avec les concentrateurs lumi- nescents est faible. Cela s’explique notamment par le fait que le dopage en ions chrome est limité à 0,6 % dans la forsterite et que seuls les ions Cr4+ participent à l’effet laser. Pour

le Cr:YAG et le Cr:forsterite, un éclairement de pompe plus important serait le bienvenu, ce qui explique pourquoi ces cristaux sont généralement pompés par des lasers Nd:YAG. Les colquiriites dopées au chrome ont des compatibilités d’absorption avec les concentrateurs plus grandes que le Cr:YAG et le Cr:forsterite grâce à un dopage plus important (notamment pour un dopage du LiSAF à 5,5 % en ions chrome). Le saphir dopé au titane est caractérisé par une compatibilités spectrales similaire aux colquiriites dopées à 3,0 %. L’alexandrite présente l’une des meilleures compatibilité spectrale avec le Ce:YAG grâce à un bon recouvrement spectral avec le spectre d’émission du Ce:YAG (visible sur la figure III.13) malgré un dopage en ions actifs limité. Le rubis est un cristal à part : son temps de fluorescence élevé le rapproche des ions dopés aux terres rares en terme de produit σe.τ. Bien que l’absorption du rubis possède

un excellent recouvrement spectral avec le spectre d’émission du Ce:YAG, le faible dopage en chrome limite ses capacités d’absorption.

Après cette étude de compatibilité spectrale, il faut faire intervenir l’éclairement de pompe (Ep) qui entre en compte dans l’expression du gain linéique. Le tableau III.5 statue sur la

possibilité du pompage des cristaux dopés aux métaux de transition avec les concentrateurs luminescents dont nous disposons (annexeC). Ce tableau fait intervenir l’éclairement de pompe en calculant la valeur de Ep telle que le gain petit signal G0 atteigne 1,02 (noté Ep,G0=1,02),

c’est-à-dire en déterminant l’éclairement de pompe nécessaire pour atteindre le seuil laser lorsque les pertes de la cavité sont de 2 % lors d’un aller et retour (valeur arbitraire qui cor- respond, de manière empirique, à la limite d’une cavité "facile à aligner").

Un indicateur de compatibilité entre système de pompage et cristal consiste à calculer le taux de pompage, défini par le rapport entre l’éclairement de pompe et Ep,G0=1,02 :

r = Ep Ep,G0=1,02

(III.10) avec Ep, l’éclairement de pompe du milieu à gain disponible avec les concentrateurs sur une

durée de pompe ∆tp qui dépend du temps de fluorescence du cristal étudié (annexe C).

Le taux de pompage renseigne sur la facilité d’atteindre le seuil d’oscillation. Le tableau III.5 montre qu’avec les concentrateurs à notre disposition l’obtention d’un effet laser semble compromis pour le Cr:YAG et le Cr:forsterite (r<1). Pour le Ti:saphir, le rubis, l’alexandrite et les colquiriites, un effet laser est donc envisageable (r>1).

Cristal Concentrateur σe.τ (10−20 nt.σa Ep,G0=1,02 r (taux µs.cm2) (cm−1) (W/mm2) de pompage) Cr:LiSAF Ce:YAG 321 13,7 5,3 14 Cr:LiSGaF Ce:YAG 290 8,2 7,8 9.5 Alexandrite Ce:YAG 143 11 11 6.7 Cr:LiCAF Ce:YAG 221 6,2 12 6.1 Ti:saphir Ce:LuAG 90 4,7 17 5.9 Rubis Ce:YAG 6860 4,2 6,7 3.9 Cr:YAG Ce:LuAG 132 0,42 232 0.43 Cr:forsterite Ce:YAG 39 0,98 311 0.32

Table III.5 – Bilan de la compatibilité entre les cristaux dopés aux métaux de transition et les concentrateurs luminescents de Ce:YAG ou de Ce:LuAG à température ambiante en utilisant les concentrateurs décrits dans l’annexeC

Cependant, le tableauIII.5 est donné à température ambiante : il faut prendre en compte l’évolution du produit σe.τ avec la température. La figure III.20 illustre l’évolution avec la

température du produit σe.τ pour le Cr:LiSAF, l’alexandrite et le Ti:saphir. Si le Cr:LiSAF

présente les meilleures caractéristiques à température ambiante, c’est clairement l’alexandrite qui se distingue à plus haute température : cela s’explique grâce aux propriétés spectrosco- piques de l’alexandrite développées en annexeB.

Figure III.20 – Évolution du produit σe.τ avec la température pour le Cr:LiSAF, l’alexandrite

et le Ti:saphir.

Le tableau III.6 rassemble les taux de pompage des colquiriites dopées au chrome, de l’alexandrite et du Ti:saphir à température ambiante, à 50˚C et à 100˚C. L’évolution du taux de pompage avec la température suit l’évolution du produit σe.τ. En effet, l’ensemble des

taux de pompage baisse avec la température sauf pour l’alexandrite qui, à 100˚C, présente le meilleur taux de pompage.

Taux de pompage

Cristal Température ambiante 50˚C 100˚C

Cr:LiSAF 14 12 1,8

Cr:LiSGaF 9,5 8,5 2,5

Alexandrite 6,7 8,5 11

Cr:LiCAF 6,1 4,3 0,39

Ti:saphir 5,9 4,7 3,1

Table III.6 – Évolution du taux de pompage à température ambiante, 50˚C et 100˚C.

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Conclusion

Ce chapitre dresse un bilan des cristaux laser dopés aux métaux de transition et compatibles avec un système de pompage basé sur un concentrateur luminescent dopé au cérium éclairé par LED.

Les éléments constitutifs du gain laser sont répartis en trois catégories : les propriétés d’émission du cristal laser, les propriétés d’émission du système de pompage et la compati- bilité spectrale entre le cristal laser et le système de pompage (figure III.18). Une étude de compatibilité spectrale ainsi que le calcul du taux de pompage aident à statuer sur les cristaux dopés aux métaux de transition compatibles avec un pompage par concentrateur luminescent éclairé par LED.

Plusieurs éléments se dégagent de l’étude menée dans ce chapitre. Parmi les cristaux dont le taux de pompage est supérieur à 1, le rubis a le taux de pompage le plus faible. Ce cristal a fait l’objet de plusieurs essais infructueux. Dans ces travaux de thèse, la priorité est don- née aux cristaux accordables. Le saphir dopé au titane, les colquiriites dopées au chrome et l’alexandrite possèdent une bonne compatibilité spectrale avec les concentrateurs luminescents. À température ambiante, le taux de pompage du Cr:LiSAF est de loin le plus élevé, suivi par le Cr:LiSGaF. L’alexandrite, le Cr:LiCAF et le Ti:saphir ont des taux de pompage deux fois moins élevés. Une hausse de la température change la donne : à 100˚C, l’alexandrite présente le meilleur taux de pompage.

Ainsi, il est difficile de savoir quel est le meilleur cristal à pomper par concentrateur. C’est pourquoi, nous avons réalisé une approche expérimentale du pompage de laser par LED via des concentrateurs luminescents. Une étude systématique de quatre cristaux accordables est effectuée : l’alexandrite, le Ti:saphir, le Cr:LiSGaF et le Cr:LiSAF.

Lasers dopés aux métaux de

transition pompés par LED

Objectifs

L’objectif de ce chapitre est double. Dans un premier temps, il s’agit de démontrer expérimentalement que le concept de pompage par LED s’applique aux cristaux dopés aux métaux de transition. Pour cela, des dispositifs expérimentaux visant l’obtention d’un effet laser en régime relaxé avec plusieurs milieux à gain sont étu- diés. Lorsqu’un effet laser est obtenu, il est totalement caractérisé par des mesures d’efficacité, d’accordabilité et de gain petit signal. Ce chapitre vise, dans un se- cond temps, à orienter le pompage par LED vers la construction de systèmes laser plus complexes. D’abord, plusieurs lasers fonctionnant en régime déclenché sont mis au point, le régime déclenché étant la porte d’entrée vers des systèmes laser plus complexes. Ensuite, un système laser abouti est présenté : il s’agit d’une source ac- cordable dans l’UV basée sur un laser cavity-dump pompé par LED pour la détection d’agents NRBC (nucléaires, radiologiques, biologiques, chimiques).

Sommaire

1 Caractérisation de la tête de pompage . . . 101 2 Lasers en régime relaxé . . . 104