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Contextes de consommation et sociabilité alimentaire

Le contexte de consommation joue en partie sur le type d’alimentation. Le fait par exemple de manger à domicile ou hors domicile, au restaurant d’entreprise, à la cantine ou au snack influence différemment la qualité et la quantité de l’alimentation. Le fait de manger seul ou en compagnie intervient également sur des aspects tels que l’appétit, ou encore le contenu et la structure des prises, la quantité mangée ou bue, les perceptions gustatives. Dans les Drom, même si la sociabilité existe, le partage des repas ordinaires à la même table ne semble pas une norme sociale aussi forte que dans l’Hexagone. Nous verrons d’abord les principaux lieux de consommation des prises alimentaires avant de détailler la situation de la restauration collective scolaire.

Principaux lieux de consommation alimentaire Les adultes et enfants guadeloupéens prennent majoritairement leurs repas chez eux, particulièrement le dîner et le petit-déjeuner (Orsag, 2010c). Concernant les différences selon le sexe, les hommes prennent plus souvent que les femmes leurs repas chez des amis. Ce sont aussi eux qui mangent plus souvent au restaurant, ainsi que les personnes originaires de France hexagonale.

La commensalité19quotidienne ne constitue pas une norme sociale très ancrée en Guadeloupe, tout comme en Martinique (LOMBION, 2012). Moins de quatre repas sur dix pris la veille de l’enquête Orsag (2010a) sont faits dans un contexte de convivialité. Celle-ci s’avère moins forte chez les personnes à plus faibles revenus, spécialement pour le déjeuner. Les personnes âgées de 55 ans et plus se trouvent davantage seules lors de leurs prises alimentaires au domicile (plus de six personnes sur dix). Les jeunes adultes quant à eux consomment davantage leurs repas en regardant un écran ou en lisant, tandis que la convi-vialité lors du dîner touche plus de jeunes couples sans enfant et de personnes de 35 ans et plus (Orsag, 2010c).

À Mayotte, la grande majorité des consommations alimentaires se fait au domicile. La prise alimentaire a principalement lieu en famille, au domicile comme à l’extérieur. Malgré tout, des différences se dégagent en fonction du sexe et de l’âge : davantage d’hommes mahorais mangent plus souvent seuls

19. La commensalité renvoie au fait de partager de la nourriture avec d’autres personnes alors que la convivialité prend en compte également la disponibilité intellectuelle pour échanger et la durée suffisante de la consommation alimentaire.

Même si certaines analyses s’ouvrent sur la commensalité et la convivialité associées à d’autres types de consommations alimentaires (encas, goûters, apéritifs), elles sont surtout étudiées en lien avec les repas (CORBEAU, 2002 ; FISCHLER, 2012).

Ce document est la propriété exclusive de jean-bernard monier (jbmonier@gmail.com) - 08 octobre 2020 à 06:23

(GUYOT, 2013), parfois dans une pièce du domicile pendant que le reste de la famille mange dans une autre. L’homme du foyer est en particulier peu convié aux repas avec le groupe familial de son épouse du fait de la structure mahoraise matrilocale. Les femmes sont nombreuses à manger seules, mais elles partagent plus souvent leurs repas avec leurs enfants que les hommes.

Les enfants développent ainsi une sociabilité alimentaire plus forte que leurs parents.

À La Réunion, les repas quotidiens ne font pas l’objet d’une forte convivialité : jusque pendant les années 1990, chacun consommait en silence et rapidement (VALENTIN, 1982 ; HUBERT, 1996 ; COHEN, 2000). Au contraire, la convivialité prend une place plus importante lors des repas festifs et pique-niques domini-caux. Le développement de la restauration collective (scolaire ou en entreprise) a contribué à modifier le rapport des Réunionnais à la commensalité.

Enfin, pour la Guyane, l’expertise n’a pas identifié d’études portant sur la commensalité.

Restauration collective

La restauration collective occupe une place particulière, car elle peut contribuer à améliorer efficacement la qualité nutritionnelle de l’alimentation des popu-lations ultramarines. Pourtant, de grandes disparités existent entre les Drom, et les pistes d’amélioration sont multiples (synthèse 8) (voir IV.4).

En effet, ce sont plus de 27 millions de repas par an qui sont servis à La Réunion contre 10 millions en Guadeloupe (DAAF de Guadeloupe, 2014 ; DAAF de La Réunion, 2015) et seulement 1,5 à 2 millions en Martinique. La majorité de ces repas entrent dans le cadre de la restauration scolaire (Restauration collec-tive, 2018).

Si l’on détaille la situation par Drom, les cantines sont bien développées à La Réunion, avec 100 000 repas par jour servis dans le primaire et 50 000 dans le secondaire. Neuf élèves de primaire sur dix déjeunent à la cantine, contre six collégiens sur dix et seulement trois lycéens sur dix (DAAF de La Réunion, 2015). Cette diminution de la fréquentation au second degré peut s’expliquer par le coût pour les familles modestes. En termes de contenu, l’observatoire réunionnais de la restauration collective recommande une meilleure promotion de la production locale (saisonnalité, qualité nutritionnelle).

En Guadeloupe, la cantine est également bien développée, puisque sont servis entre 51 000 et 65 000 repas quotidiens pour les demi-pensionnaires, qui représentent sept à huit élèves sur dix en maternelle et primaire, et quatre à six collégiens et lycéens sur dix. Les collégiens comme les lycéens préfèrent les déjeuners à l’extérieur des établissements scolaires.

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Peu de données existent actuellement pour la Martinique, notamment pour la couverture territoriale et la fréquentation : 10 300 repas quotidiens sont servis en restauration scolaire, avec peu de place pour les circuits courts d’approvi-sionnement.

La couverture de restauration scolaire pour les élèves de primaire en Guyane s’avère très inégale et globalement déficitaire, avec une présence principale-ment sur le littoral et dans l’Ouest. Les deux tiers des enfants guyanais ne bénéficient pas de cantines faute de systèmes de restauration. Même dans les zones géographiques mieux pourvues, la proportion d’enfants ayant une place en restauration scolaire n’est pas optimale : en 2009, seul un peu plus du tiers des enfants de 7 à 10 ans avaient une place à la cantine et 50 % à Cayenne.

Plus des trois quarts des élèves de CE2 prenaient leur petit-déjeuner à la maison tous les jours et la grande majorité déjeune à domicile tous les jours contre un peu plus d’un tiers à la cantine (GOUGAUDet al., 2010). Quant aux collèges et lycées, ils sont nombreux à n’avoir aucune structure de restauration scolaire, les enfants achetant un encas dans les épiceries des alentours.

De son côté, Mayotte ne dispose de service de restauration collective que dans deux lycées récents (sur onze), tandis que les autres établissements servent des collations froides (Restauration collective, 2018). La mise en place d’une prestation d’aide à la restauration scolaire depuis 2005 permet une participation minime des parents.

Ce document est la propriété exclusive de jean-bernard monier (jbmonier@gmail.com) - 08 octobre 2020 à 06:23 DromGuadeloupeGuyaneMartiniqueMayotteLa Réunion Population totale394 110269 352376 480256 500852 92 Nombre de repas annuels10 millions1,5 à 2 millions27 millions Nombre de repas quotidiens51 000 à 65 00010 300100 000 (primaire) 50 000 (secondaire) Fréquentation7 à 8 élèves sur 10 (maternelle et primaire) 4 à 6 sur 10 (secondaire)

9 élèves sur 10 (primaire) 3 lycéens sur 10 Couverture territorialeCantines assez bien développées, gérées par des cuisines centrales, publiques ou privées Couverture territoriale très inégale Restauration scolaire largement déficitaire (2/3 des enfants sans cantine) Seulement 2 lycées (sur 11) avec cantine Majoritairement des collations froides

Cantines bien développées sur toute l’île, gérées par les collectivités locales Synthèse 8 Comparaison de la restauration collective entre Drom rapportée à la population totale. Sources : population générale : chiffres Insee 2017 ; DAAF de Guadeloupe, 2014 ; DAAF de La Réunion, 2015 ; Restauration collective, 2018.

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Les représentations sociales comprennent l’ensemble des systèmes de connaissances, perceptions, mais aussi les valeurs et normes (JODELET, 2015) qui interviennent dans le rapport à l’alimentation. Bien que différenciées selon les catégories socioéconomiques, ou encore les niveaux d’éducation, elles s’insèrent dans des cadres culturels partagés par les membres d’une même société. Les sens donnés à l’acte de manger, les perceptions des habitants sur leur alimentation, enfin le rapport à la corpulence et les modèles corporels permettront de mieux cerner les représentations sociales et culturelles autour de l’alimentation.