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Chapitre 3 Du développement durable à l’acceptabilité sociale

3. Cadre d’interprétation éthique

3.2 Contexte québécois

Depuis les années 60, les régions du Québec n’ont cessé de réclamer plus de pouvoirs sur les décisions qui les concernent. Ces pouvoirs s’articulent dans la capacité d’influencer le développement des régions par les programmes de financement adaptés à la région, par l’autonomie de gestion de ces programmes et aussi par un retour des redevances que le gouvernement du Québec perçoit de la vente des différentes ressources naturelles qui proviennent de ces régions : bois, énergie, mine, forêt, faune, etc.

Depuis des années, des revendications de décentralisation ont été portées par les instances municipales et régionales, comme le Conseil régional de concertation et de développement (CRCD) devenu la Conférence régionale des élus (CRÉ), par les municipalités régionales de comté (MRC) et les villes et les villages qui les composent.

Tous les schémas ou modèles de développement durable prônent une gestion plus près des populations locales. Par exemple, il y a déjà une quinzaine d’année, lors du congrès forestier mondial en 2003 qui s’est tenu à Québec, l’une des recommandations était de s’assurer que les décisions soient prises par ou avec les gens concernés ou impactés par un développement par le biais des stratégies et actions suivantes :

 Formuler et appliquer les dispositions législatives qui traitent de l’aménagement durable des forêts.

 Reconnaître et respecter les droits des propriétaires, des peuples autochtones, des utilisateurs et des travailleurs, ainsi que protéger les valeurs culturelles.

 Établir des ententes de gouvernance efficaces assurant une participation réelle, un partage équitable des bénéfices et permettant la création de différents modèles de régimes fonciers et d’accès aux ressources, appropriés au contexte local.

 Élaborer des politiques forestières et mettre en œuvre des programmes afin de réduire le déboisement et la dégradation des forêts en cohérence et en synergie avec les politiques des secteurs connexes.

 Encourager les mesures incitatives positives et abolir les mesures incitatives ayant des impacts négatifs.

La nouvelle Loi sur les mines présente également des stratégies d’actions visant à impliquer davantage les citoyens dans les décisions pour favoriser l’acceptabilité sociale des projets de développement (Loi sur les mines du Québec, février 20154).

 Dans le cas d’un bail minier, le promoteur doit, préalablement à ladite

demande, procéder à une consultation publique dans la région concernée et selon les modalités fixées par règlement

 Le plan de réaménagement et de restauration doit être accessible au public

au moins 30 jours avant le début de la consultation

 Le ministre juge de la suffisance de la consultation et peut imposer toute

mesure additionnelle

 Le ministre peut assortir le bail minier de conditions visant à éviter les conflits

avec d’autres utilisations du territoire et prendre en considération les commentaires reçus lors de la consultation publique

 Le titulaire du droit minier doit constituer un comité de suivi, selon les modalités

déterminées par règlement, afin de s’assurer du respect des engagements qu’il a pris à la suite des observations qui lui ont été faites lors de la consultation publique

Les obligations de consultation des communautés ont été mises en place dans les lois comme celles sur les mines et la forêt afin d’éviter de se servir des communautés locales comme d’une simple source de ressources naturelles qu’on abandonne après, rendant ainsi la communauté dévitalisée et les gens qui la composent en détresse.

Toutes ces obligations de consultation visent à éviter une impasse, soit celle d’avoir un projet de développement qui remplit des promesses de développement économique sans prendre en compte les préoccupations des personnes directement ou indirectement touchées par le projet. Il y a donc des valeurs en cause dans ce cheminement d’acceptabilité sociale. La transparence, l’écoute et l’intégrité sont des

valeurs qui ont été identifiées comme étant prioritaires par le Conseil patronal de l’environnement pour atteindre l’acceptabilité sociale d’un projet. À travers le rapport du BAPE, nous avons donc recherché, entre autres, la manifestation de ces trois valeurs. Cependant, nous avons également porté une attention sur l’ensemble des valeurs rencontrées tout au cours des deux premiers chapitres et les avons identifiées afin de comprendre si elles peuvent contribuer à un diagnostic de l’état de l’acceptabilité sociale d’un projet.

3.2.1 Comment utiliser les valeurs dans la perspective de l’éthique

Pourquoi l’éthique dans l’acceptabilité sociale? Levinas (1998) dit que l’éthique naît du rapport à l’autre. C’est parce que nous vivons avec les autres que nous sommes confrontés à des enjeux d’ordre éthique. Ce rapport à l’autre prend plusieurs formes, mais c’est sur la qualité de ce rapport que se construit la confiance et d’où découle la prise de ce qu’on appelle de bonnes décisions. L’éthique se situe au-delà de ce qui est légal ou illégal, ou encore du bien ou du mal. Quand nous sommes confrontés à plusieurs choix et qu’ils sont tous acceptables quant au respect des lois et des règles, c’est l’éthique qui permet de prendre la meilleure décision. René Villemure dit que l’éthique est une réflexion fondée sur les valeurs qui cherche à déterminer le sens de ses actions. Quoi faire pour bien faire? L’action éthique se situe donc en amont de la prise de décisions. L’éthique éclaire dans l’incertitude.

Le ministère du Patrimoine canadien résume en ces mots la différence entre les valeurs et l’éthique : « Les valeurs sont les principes personnels et collectifs qui

guident nos façons de penser, nos décisions et nos comportements, ainsi que la priorité que nous accordons sur le plan émotif à ce qui nous entoure. L’éthique, pour sa part, fait référence à la manière dont nous agissons. » 5

5 Code des valeurs et d’éthique du Patrimoine canada http://www.pch.gc.ca/trans- trans/fra/1365592714960/1365594956848

Dans ce troisième chapitre, nous allons présenter les principaux éléments de la théorie de l'éthique, selon M. Paul Ricœur. Nous verrons que c’est avec l’approche par le « JE-TU-IL » de M. Paul Ricœur que nous pourrions trouver ce qui doit être entendu pour inscrire explicitement le projet de développement minier dans la perspective de l’éthique pour le rendre plus acceptable socialement.

Nous allons donc évaluer comment l’approche de l’estime de soi par le « JE-TU-IL », de M. Paul Ricœur, permet de soutenir le cheminement d’un projet dans une perspective éthique, et ce, dans le but de soutenir le comité de suivi dans ses interventions futures. Nous verrons plus loin comment le comité de suivi pourrait être utile dans l’acceptabilité sociale d’un projet.

Les enjeux d’éthique sont logés entre le développement durable et l’acceptabilité sociale, dans les valeurs et le rapport à l’autre (le « TU » de Paul Ricœur) s’exerçant sur la base de ces valeurs. Voyons comment la présence des valeurs exprimées lors d’audiences publiques nous permet de faire cheminer le projet vers l’acceptabilité sociale.

Avec M. Paul Ricœur, par « l’Approche de la personne » qu’il a développée, nous procéderons par l’identification des interlocuteurs du « JE-TU-IL » dans le projet. Suivront des explications sur le discours des acteurs et comment en faire le traitement dans une analyse a posteriori (après les audiences) afin d’évaluer si un projet de développement des ressources naturelles, en l’occurrence le projet d’une mine d’apatite au lac à Paul d’Arianne Phosphate, se réalise ou peut se réaliser dans une perspective éthique. Comment l’opérationnalisation du « TU » de Paul Ricœur (1990) peut-elle contribuer à la réalisation du projet dans une perspective éthique? Enfin, nous traiterons des conflits, à la lumière du « JE-TU-IL » et quelles avenues seraient à privilégier pour viser cette perspective éthique?

Michel Rainville (1993), Paul Ricœur (1990) et Bruno Cadoré (1997) affirment qu’il faut considérer que lorsqu’une approche de travail est fondée sur des valeurs, il sera plus facile d’affronter des situations complexes.

C’est donc à travers les valeurs que nous pourrons trouver le sens que chacun des acteurs cherche dans le projet et ce qu’il attend du promoteur. Et c’est avec l’approche de l’estime de soi avec le « JE-TU-IL » de Paul Ricœur que nous tenterons d’évaluer dans laquelle de ces positions pronominales, les interlocuteurs peuvent faire une différence afin d’inscrire le projet dans une perspective éthique.

3.2.2 L’éthique pour cheminer vers l’acceptabilité sociale

Dans l’acceptabilité sociale, l’interaction, le rapport entre les individus, se fonde sur les valeurs et l’intégration des valeurs se fait via une démarche éthique, car elle utilise une logique d’autonomie et de responsabilisation des personnes. Elle appelle la créativité et le sens novateur des acteurs organisationnels dans le cadre de la réflexion ayant les valeurs comme principale source d’inspiration, avec un mécanisme plus souple de régulation, le dialogue. (René Villemure, 2010)

3.3 Notions essentielles