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Contexte et problématique

La connaissance fine des situations à l’origine des réactions négatives des riverains de ligne de tramway (gêne en général, perturbation de la communication et du sommeil, plaintes...) est encore insuffisante et de ce fait peu valorisée dans les cahiers des charges des projets de ligne de tramway, mais aussi dans l’élabo- ration des réglementations relatives au bruit ferroviaire [49].

Peu de travaux scientifiques [50] ont en effet été menés jusqu’à présent sur cette question spécifique du bruit de tramway. On notera cependant ceux de Rylander en 1976 à Göteborg [51], Miedema en 1983 à Rotterdam, La Haye et Amsterdam [52], Alim à Alexandrie en 1992 [53]. Tous utilisent une méthodologie d’enquête associée à des mesures acoustiques. Les travaux de Vogt (1996) [54] portent sur l’évaluation psychoacoustique de différentes technologies de tramway et ont été réalisés en laboratoire.

Deux articles traitant spécifiquement de la gêne due au bruit du tramway sont particulièrement en relation avec l’objectif des travaux menés dans le cadre de cette recherche : celui de R. Rylander et al de 1977 et celui de H.M. Miedema de 1988.

1.1. Gêne due au bruit de tramway et au bruit routier en milieu urbain

Les travaux menés par R. Rylander, M. Björkman et U. Ahrlin avaient pour objectif d’étudier la gêne due au bruit du tramway et de la comparer à la gêne due aux véhicules automobiles dans le cadre du trafic urbain.

Cette étude a été réalisée à Göteborg (Suède). Six sites ont été sélectionnés dans des rues où circulait le tramway et présentant différentes densités de trafic automobile. L’échantillon est constitué de personnes âgées de 18 à 75 ans occu- pant leur logement depuis plus d’un an, et ayant au moins une fenêtre de leur domicile donnant sur la rue sélectionnée.

464 personnes ont été interrogées sur l’ensemble des sites retenus. Elles ont répondu à un questionnaire abordant : les activités perturbées par le bruit, la gêne due au bruit du tramway et au bruit de la circulation automobile. Le bruit dans les différents sites a été enregistré puis grâce au comptage des véhicules, les

niveaux moyens (LAeq) et les niveaux maximums en dB(A) du bruit en général, du

tramway et des véhicules (camions pour les niveaux maximums) ont été calculés pour chaque personne enquêtée.

Les résultats montrent que dans les réponses au questionnaire, la gêne due au bruit du tramway se distingue de celle due au bruit du trafic par le type d’activi- tés perturbées. Ainsi, « écouter la radio/TV » est une activité plutôt perturbée par le bruit du tramway (25 % des personnes interrogées, soit le pourcentage le plus élevé parmi les activités perturbées par le bruit du tramway) tandis que « se repo- ser, se relaxer » est plutôt une activité sensible au bruit du trafic (citée par 11 % des personnes interrogées, soit le pourcentage le plus élevé parmi les activités perturbées par le bruit du trafic).

Les auteurs ne sont pas parvenus à établir une relation « dose-réponse » bien tranchée pour le bruit du tramway ; en d’autres termes, une relation entre une

« dose de bruit » définie comme la valeur du LAeq tramway, et la gêne exprimée

par les riverains, caractérisée par le pourcentage de personnes « très gênées », n’a pas pu être clairement établie.

Les auteurs ont alors recherché une relation entre la gêne due au bruit du tramway et celle due au bruit des véhicules routiers, et respectivement le nombre de tramway et le nombre de camions sur les sites exposés à un niveau sonore maximum d’environ 80 dB(A). Les résultats ont montré que :

La relation « dose-réponse » pour le bruit des véhicules automobiles est –

relativement bonne : une augmentation du nombre de camions entraîne une augmentation du nombre de personnes « très gênées ».

En revanche, en fonction des sites, les relations « dose-réponse » pour le –

bruit du tramway et pour le bruit des véhicules routiers se distinguent : sur 3 sites caractérisés par des trafics mixtes où la vitesse du tramway est •

basse, avec une augmentation comparable du nombre de camions et du nombre de tramway, la gêne due au bruit routier augmente plus vite que la gêne due au bruit du tramway.

Sur les 3 autres sites, caractérisés par une vitesse plus élevée des tram- •

ways et une différence importante entre le bruit de fond et les niveaux maximum en dB(A) du tramway, la pente de la courbe dose-réponse tram- way, à l’inverse, augmente plus vite que celle du trafic routier.

En conclusion, les auteurs n’ont pas pu mettre en évidence une relation nette

entre la gêne due au bruit du tramway et les valeurs du LAeq tramway. Ils estiment

que la différence entre le type d’activités perturbées par le bruit du tramway et celles perturbées par le bruit du trafic routier est une indication sur l’impossibilité de synthétiser, par un même indice, l’exposition à des sources de bruit différen- tes. L’analyse des données recueillies n’a pas permis d’expliquer la différence dans les niveaux de gêne engendrée par le bruit du trafic et du tramway à des niveaux équivalents en dB(A) et avec le même nombre de véhicules/jour. L’hy- pothèse serait qu’en milieu urbain, où plusieurs sources de bruit co-existent, les niveaux sonores ne suffisent pas à expliquer la variabilité de la gêne exprimée. Les auteurs proposent comme piste de recherche de s’orienter vers des analyses fréquentielles du bruit auquel les riverains sont exposés.

1.2. Relation « dose-réponse » pour l’exposition au bruit du tramway

H.M. Miedema et R. van den Berg ont réalisé une enquête par questionnaire associée à une campagne de mesures, en 1983 à Rotterdam, La Haye, et Ams- terdam. L’objectif de cette recherche est d’établir une relation dose-réponse pour le bruit du tramway. Les sites d’enquête sont caractérisés par un environnement sonore auquel contribuent principalement le bruit du trafic routier et le bruit du tramway. 5 types de situation d’exploitation du tramway sont représentés : en courbe, à l’arrêt, à une intersection, en ligne droite où le tramway est séparé des autres trafics, aux voies d’arrivée ou de départ du dépôt. 69 mesures de bruit ont été réalisées sur les 29 sites retenus. Des indices de bruit ont ensuite été calculés pour chacune des 685 personnes interrogées.

Les résultats de l’enquête montrent que :

11 % des personnes interrogées citent le bruit du tramway comme princi- –

pale caractéristique environnementale désagréable de leur quartier ; sur 391 personnes qui se déclarent gênées par du bruit extérieur à leur –

logement, 44 % citent comme première ou unique source, le tramway ; pour une même valeur de

LAeq (24 heures), le pourcentage de personnes

« très gênées » par le bruit du tramway est plus important dans les sites en courbes et dans les intersections que dans les sections droites. Cette diffé- rence est expliquée par la présence de bruits particuliers comme les bruits de crissement, d’impact et probablement de sonnettes.

L’analyse des données permet de conclure que la gêne totale due au bruit extérieur, toutes sources confondues, ne dépend pas uniquement du bruit routier mais qu’il existe bien une contribution du bruit du tramway. Pour 76 % des person- nes interrogées, la gêne due au bruit du tramway est supérieure ou équivalente à la gêne due au bruit du trafic routier. De plus, il apparaît que si la gêne due au bruit du tramway est supérieure ou égale à la gêne due au trafic routier, la gêne totale diminue si la gêne due au tramway diminue (la gêne due au trafic routier ne changeant pas).

Pour les auteurs, le niveau de bruit est un déterminant du niveau de gêne, mais les différences observées en fonction des configurations de sites tendent à montrer une contribution importante des bruits spécifiques comme les crisse- ments par exemple. Ce résultat confirme les conclusions de R. Rylander sur l’in- térêt d’une analyse fréquentielle pour examiner la composition du bruit perçu par les riverains.

Ils ont également observé que le pourcentage de gens « très gênés » était plus élevé dans les sites autour des dépôts, où le nombre de passages de tramways pendant la nuit est plus important que sur les autres sites. Sur ces sites, un plus grand nombre de personnes se déclarent gênées au moment de l’endormisse- ment ou pendant leur sommeil. Ils en ont donc déduit que la gêne ressentie pen- dant la période d’endormissement ou nocturne a une incidence sur l’expression de la gêne sur 24 heures.

Ils concluent que les descripteurs principaux de la gêne due au bruit du tram-

way sont : le LAeq (24heures), la présence de bruits spécifiques comme les cris-

sements et bruits d’impact et le LAeq (23h-7h).

1.3. Principaux enseignements de la revue de littérature

Ces deux recherches n’ont pas explicité totalement la gêne due au bruit du tramway en milieu urbain. Ainsi R. Rylander et H.M. Miedema ne sont pas parve- nus à établir une relation claire entre le pourcentage de gens gênés et un indice

acoustique, le LAeq (24heures), qui représente une moyenne énergétique du bruit

dû au tramway sur une période de 24 heures. Ils ont cependant montré que la pré- sence d’événements sonores particuliers comme des bruits de crissement dans les virages peuvent être une variable explicative de la variation du niveau de gêne pour un niveau global équivalent. Il semblerait que pour expliquer la variabilité de la gêne due au bruit du tramway, la gêne instantanée, en d’autres termes celle ressentie au passage du tramway, et la gêne de long terme due à la circulation des tramways doivent être considérées.

Les auteurs ont clairement établi que la présence simultanée de plusieurs sources de bruit, en règle générale, le tramway et la circulation automobile, complexifie l’établissement d’une relation dose-réponse. Rylander conclut qu’il n’existe pas de relation entre le niveau de gêne dû au tramway et celle due au trafic. Il montre, dans son étude, qu’en fonction de ce que l’on pourrait nommer le bruit de fond, en d’autres termes le bruit de la circulation routière, la pente de la relation dose-réponse est plus forte lorsque le bruit du tramway est dominant. Cela nous amène à poser l’hypothèse d’un descripteur acoustique de la gêne due au bruit du tramway qui tienne compte à la fois des niveaux du bruit du tramway mais aussi de celui du bruit de fond et de ses fluctuations au cours de la journée en fonction de la densité du trafic.

À la lumière des conclusions obtenues par ces auteurs, cette recherche s’ef- force d’appréhender non seulement le bruit du tramway et la gêne occasionnée mais aussi le contexte sonore dans lequel il se situe. Il s’agit donc également de détailler un peu plus que ce qu’ont fait Miedema et Rylander dans leurs recher- ches respectives, les caractéristiques du bruit de fond.

Par ailleurs, cette recherche intègre aussi des variables non acoustiques pour aborder la gêne due au bruit du tramway. Les personnes interrogées sont riverai- nes de la ligne du tramway mais également, pour une partie d’entre elles, usagers. Il paraît donc important d’explorer comment cette dualité peut avoir une incidence sur la variabilité de la gêne exprimée. D’autres éléments comme l’intégration du tramway dans le quartier et les changements que la ligne a pu impliquer en ter- mes, par exemple, d’aménagements sont également pris en compte.

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