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Contexte général

Dans le document Académie d’Orléans – (Page 43-47)

La prise en charge de l’hypertension artérielle (HTA) a fait la preuve de son efficacité sur la réduction du risque cardiovasculaire et de la morbimortalité qui en découle. Les objectifs de la prise en charge et les moyens, médicamenteux ou non, de parvenir à ces objectifs sont évalués et disponibles. Ils font l’objet de recommandations de pratique clinique nationales et internationales précises, argumentées, et régulièrement mises à jour.

Malgré cela, les objectifs thérapeutiques préconisés ne sont atteints que pour une proportion limitée de patients hypertendus connus. En France, environ 20 % d’entre eux ne sont pas traités, et la moitié de ceux qui le sont ne sont pas contrôlés. Les causes de cette situation sont multiples. Certaines ont trait au système de soins, d’autres aux patients, notamment par le défaut d’observance des traitements. D’autres, enfin, sont directement liées aux médecins, quand ceux-ci n’instaurent pas ou n’augmentent pas le traitement de façon appropriée alors que les objectifs thérapeutiques recommandés ne sont pas atteints. C’est cette attitude qui définit l’inertie thérapeutique (IT).

Lawrence Phillips a défini l’inertie clinique (clinical inertia) en 2001. L’inertie clinique ne s’applique qu’à la prise en charge de facteurs de risque quand les cibles thérapeutiques ont été clairement définies, les bénéfices à atteindre ces cibles bien établis, des traitements efficaces disponibles et des recommandations largement diffusées. L’inertie clinique apparait alors quand le soignant n’initie pas ou ne renforce pas le traitement de façon adaptée alors que les objectifs thérapeutiques ne sont pas atteints : “reconnaissance du problème, mais pas de passage à l’acte”. Cette définition initiale reflétait le point de vue personnel de Phillips, et a été élaborée sur des bases purement déductives. Okonufa et al. ont introduit en 2006 le terme “inertie thérapeutique” (therapeutic inertia) en gardant exactement la même définition. Depuis lors les deux termes ont été utilisés sans distinction.

L'IT dans l'hypertension artérielle est considérée par nombre d’auteurs comme une cause majeure du mauvais contrôle de l'HTA. Néanmoins, toutes les tentatives de recherche sur ses mécanismes intimes ou sur les moyens de la réduire se sont heurtées au manque de clarté du concept et au flou de la définition. Très peu d'études ont tenté de clarifier ce concept ou d'affiner cette définition à partir de données empiriques, pour les rendre opérationnels sur une base inductive.

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Revue systématique de la littérature

Nous avons effectué une revue systématique de la littérature sur l'IT dans l'HTA, à la recherche des éléments constitutifs de sa définition et de conceptualisation. Notre objectif était d’aboutir à un concept clair et à une définition opérationnelle sur laquelle les essais cliniques pourraient s'appuyer.

Méthode

Tous les articles susceptibles de fournir des éléments de définition ou de conceptualisation étaient éligibles. Les bases de données MedLine, Embase, PsycInfo, Cochrane library, BDSP, CRD et NGC ont été explorées depuis leurs origines jusqu’à juin 2013.

L’équation de recherche utilisée pour explorer MedLine était :

(("guideline adherence"[MeSH Terms] OR ("practice guidelines as topic"[MeSH Terms] AND ("clinical audit"[MeSH Terms] OR "clinical competence"[MeSH Terms] OR "attitude of health personnel"[MeSH Terms] OR "delivery of health care"[MeSH Terms] OR "physician's practice patterns"[MeSH Terms] OR "nurse's practice patterns"[MeSH Terms]))) AND ("hypertension"[MeSH Terms] OR "antihypertensive agents"[MeSH Terms])) OR "clinical inertia"[All Fields] OR "therapeutic inertia"[All Fields]

Cette équation a été adaptée à chacune des autres bases de données. Google Scholar a été exploré avec les mots-clés “clinical inertia” et “therapeutic inertia”. Les listes de références des articles sélectionnés ont été systématiquement explorées.

L’extraction des données, la comparaison constante et l’analyse ont été conduites par deux chercheurs de façon indépendante. Les divergences ont été résolues par consensus et les désaccords par l’intervention d’un troisième chercheur.

Résultats

Le diagramme de flux montre les résultats en termes bibliométriques

112 codes ont résulté du codage ouvert. Ils ont été regroupés pour l’analyse selon quatre axes : sémantique, “qui” (médecin, patient ou système), “comment et pourquoi” et “pertinence”.

Alors que les causes présumées de l’inertie étaient discutées dans de nombreux articles, la définition l’était très peu. Quelques auteurs ont indiqué le besoin d’une définition exacte. Sémantique Termes Première apparition Définition Inertie clinique

Phillips et al.. Ann

Intern Med

2001,135:825–834.

Souvent, les soignants n’initient pas ou n’intensifient pas le traitement lors de consultations de patients ayant ces problèmes [HTA, dyslipémies, diabète]. Nous appelons inertie clinique un tel comportement : reconnaissance du problème, mais pas de passage à l’acte Inertie thérapeutique Okonufa et al.. Hypertension 2006,3:345-351.

L’inertie thérapeutique, c’est-à-dire la carence des soignants à l’initiation ou au renforcement d’un traitement médical quand un paramètre clinique anormal est détecté.

Inertie du patient

Vinyoles. Hipertension 2007,24:91–92.

Trois inerties sont des obstacles au changement : l’inertie du praticien, l’inertie, du patient and l’inertie des autorités de santé.

Inertie des autorités de santé Vinyoles. Hipertension 2007,24:91–92.

Trois inerties sont des obstacles au changement : l’inertie du praticien, l’inertie, du patient and l’inertie des autorités de santé.

Inertie du praticien

Vinyoles. Hipertension 2007,24:91–92.

Trois inerties sont des obstacles au changement : l’inertie du praticien, l’inertie, du patient and l’inertie des autorités de santé.

Moser et al.. J Clin Hypertens 2009,11:1–4.

L’inertie du praticien est définie comme la carence à initier ou intensifier le traitement chez les patients ayant des chiffres de PA > 140/90 mmHg, ou > 130/80 mmHg chez les hypertendus ayant un diabète ou une

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maladie rénale ou coronaire.

Myopie clinique

Reach. Diabetes Metab

2008,34:382–385.

Nous suggérons que ne pas donner la préférence aux bénéfices à long terme de l’intensification du traitement découle d’un mécanisme commun à la non-observance du patient et l’inertie du médecin. Nous appelons ce mécanisme « myopie clinique ».

Momentum thérapeutique

Faria et al.. J Am Soc Hypertens 2009,3:267–276.

Inertie thérapeutique, momentum thérapeutique et inertie du praticien sont tous des termes synonymes d’inertie clinique.

Rodrigo et al.. Int J

Clin Pract

2013,67:97–98.

La réticence à diminuer ou arrêter le traitement quand sa prescription n’est plus nécessaire ou n’est pas fondée sur des preuves. Nous l’avons appelé « momentum thérapeutique ». Inertie diagnostique Gil-Guillén et al.. Blood Press 2010,19:3–10.

L’inertie diagnostique a été définie comme la carence à reconnaitre le diagnostic d’HTA chez un sujet non considéré comme hypertendu et dont les chiffres tensionnels sont élevés.

Qui

Tous les auteurs s’accordaient sur le rôle central du praticien dans ce phénomène. Beaucoup insistaient néanmoins sur l'intrication des différents acteurs de l'inertie et sur la responsabilité des patients et du système de santé. La complexité de la relation entre l'inertie du soignant et l'adhésion ou les préférences du patient a souvent été discutée. Comment et pourquoi

« L’incertitude clinique » (clinical uncertainty) et la vérification de la permanence des mesures tensionnelles qui en découle ont été considérées soit comme une nécessité, selon des médecins généralistes dans une étude qualitative, soit comme une pure perte de temps pour certains auteurs.

La notion de « contrôle acceptable » (acceptable control) avait deux acceptions différentes: une pression artérielle suffisamment proche des objectifs fixés pour être satisfaisante, ou une cible spécifique pour un patient donné, adaptée des recommandations. Ces deux acceptions étaient l'objet de controverses.

Des « demandes concurrentes » (competing demands) sont un facteur établi d'inertie, mais la pertinence de la priorisation était discutée.

Le « scepticisme envers les recommandations » (guidelines skepticism) incluait la méfiance envers les preuves étayant les recommandations, les divergences entre les différentes recommandations, des objectifs de traitement considérés comme irréalistes et/ou inappropriés aux soins primaires. Chacun de ces facteurs était controversé. Tous les auteurs s’accordaient pour considérer les résultats d'une « surestimation des soins » (overestimation of care) comme une "pure inertie" qui devrait être spécifiquement et systématiquement combattue.

Caractère approprié

Plusieurs auteurs soulignaient que l'absence d'intensification du traitement pour un patient qui n’est pas aux objectifs tensionnels pouvait en fait refléter des soins appropriés. L'écart avec les recommandations pouvait être une transposition appropriée des résultats d'essais à la vraie vie. Quelle qu’en soit la cause, la nécessité d’expliciter toute décision de ne pas intensifier un traitement a été soulignée par certains auteurs, afin de distinguer l'IT de l'inaction appropriée.

Conclusion

Cette revue a retrouvé des écarts majeurs entre les auteurs concernant la définition et la conceptualisation de l'IT. Alors que certains affirmaient que la décision du praticien doit s'appuyer sur des chiffres et uniquement des chiffres, d'autres considéraient l’inertie comme un choix potentiellement raisonnable et adéquat.

La définition initiale proposée par Phillips, et à laquelle la plupart des auteurs se réfère, ne prend pas en compte la complexité de la relation médecin-patient et la prise de décision partagée en soins primaires. Notre analyse des données nous a conduits à conclure que le concept d'IT doit être divisé en deux concepts distincts, à savoir l'inaction appropriée et l'IT inappropriée. Des définitions consensuelles et opérationnelles de ces concepts sont maintenant nécessaires.

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Dans le document Académie d’Orléans – (Page 43-47)

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