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L’apparition de ce terme est liée étroitement au croisement du degré de l’attention au festival et à la diffusion du festival. Le nouveau terme « festivalisation » est présenté par Mark

Forry85, ethnomusicologue américain en 1986. Ici, il semble nécessaire d’examiner l’époque où

82 Cuisenier Jean, « Cérémonial ou rituel ? ». Ethnologie française, n°28, 1998, p.11.

83 Moore Sally F., Myerhoff Barbara G., « Introduction : Secular ritual : Forms and meanings », in : Secular ritual, Moore Sally

F, Myerhoff Barbara G (edt). Van Gorcum, Assen, p.17.

84 Claval Paul, « Champ et perspectives de la géographie culturelle ». Géographie et cultures, n°1, 1992, p.9.

85 Forry Mark, « The Festivalization of tradition in Yugoslavia », paper presented at the 31st annual meeting of Society for

ce terme apparaît. Et ce qui se passait pendant cette période. Avant d’analyser ce terme,

festivalisation, l’année où ce terme est apparu attire d’abord notre attention.

Les années 1980 ont de l’importance à plusieurs titres. C’est la période où on peut observer l’effet du développement économique. La vie des hommes en est influencée forcément. Par ailleurs, on peut remarquer que l’impact de la croissance de l’attention à la culture commence à émerger réellement de la société. L’apparition de ce terme festivalisation

reflète cette tendance sociale. Ensuite, il est redéfini en 1993 par Haüssermann et Siebel86,

sociologues allemands en ce qui concerne la politique culturelle de la ville. Les événements culturels qui se déroulent dans une ville, par exemple, les expositions, les Jeux d’Olympique, le festival de théâtre, de musique, de cinéma et d’autres sortes de festival ont été les éléments pour parler de la festivalisation. Ces sociologues allemands saisissent le rapport étroit entre la politique culturelle et ces événements culturels pour caractériser la ville. Pour citer Becker Franziska : « les grands événements sont de plus en plus utilisés comme des instruments de

politique urbaine ».87 Ces grands événements « aiguillonnent la mise en scène médiatique de la

ville et contribuent ainsi à sa revalorisation symbolique ».88 Ce terme est recherché diversement

depuis les années 2000 par plusieurs voies : géographique, touristique, et sociologique. La façon d’approcher l’analyse de la festivalisation s’est élargie. Cette tendance reflète une évolution du rapport étroit entre le festival et la société. On voudrait ainsi examiner ce qu’il s’est passé à chaque époque pour comprendre l’intégration de ce terme dans la société.

L’intérêt porté au festival est observé depuis l’époque post-industrielle. Le festival s’est développé pendant cette période et encore jusqu’à aujourd’hui. On traite cette ère en la divisant en 3 périodes comme ci-dessous selon le degré de l’intérêt pour la culture et le festival.

2-1) Étape 1 : Les années 80 (1980~1989)

En passant des sociétés agraires aux sociétés industrielles, un grand changement est apparu dans la société. L’activité industrielle (et tertiaire) est encore active. La ville devient l’espace principal des hommes. Ce changement radical de la société permet aux humains, une vie plus aisée et confortable. Avec le développement économique et ayant plus du temps, les

86 HäuBermann Hartmut, Siebel Walter, Festivalisierung der Stadtpolitik: Stadtentwicklung Durch groBe Projekte, Opladen,

Springer Fachmedien Wiesbaden GmbH, Opladen, 1993.

87 Becker Franziska, « Le rétablissement du carnaval à Berlin : Performance publique et politique dans la nouvelle capitale

allemande ». Sociologie et société, vol 37, n°1, 2005, p. 38.

gens commencent à s’intéresser à la qualité de leur vie. Néanmoins, ce développement de la société a son revers de la médaille. Il provoque également des problèmes dans la ville, par exemple ceux de l’environnement, de l’hygiène et de la sécurité. Les années 1980, c’est l’époque où les villes industrielles commencent à se dégrader en raison de ces problèmes inattendus. De ce fait, les villes se heurte aux problèmes suivantes : la perte des populations ainsi que les difficultés économiques. Pour réanimer la ville, on cherche d’autres moyens pour la rénover et améliorer son image. Cette tendance amène à s’intéresser à un secteur qui est alors une marge du développement et qui est également durable. C’est la culture. Antoine Vion, Patrick Le Galès ont signalé qu’elle est comprise comme « un des secteurs-clés de l’action

publique des villes »89.

Dans ce contexte social, l’intérêt pour la culture s’est dilaté et accru au niveau national. Il est important de comprendre ce fond qui influence jusqu’à aujourd’hui la compréhension du festival au sein de la société. Le label « Capitale Européenne de la Culture » est fondé dans la foulée de ce mouvement en 1985. Ce mouvement répond à la volonté collective des villes européennes de se présenter à l’extérieur. En implantant la culture dans un quartier industriel et abandonné, les villes voulaient améliorer leur image. Dans ce sens, être labélisé permet non seulement de renouveler l’image de la ville mais aussi de faire connaître le nom de cette dernière. Les villes se rendent compte qu’avec l’aide de la culture, la croissance économique pourrait être développée constamment. « Miles (2000) souligne que ‘cultural quarters’ est un

des signes remarquables de la ville post-industrielle».90 La culture régénère la ville industrielle

et se rapproche de ses habitants. Dans cette perception, la culture se retrouve de plus en plus au sein de la société européenne dans les années 80.

A cette époque en France, cette tendance est accélérée en s’entremêlant étroitement avec la question de la décentralisation culturelle. « La décentralisation apparaît comme un moyen de

permettre à toute création artistique et culturelle de se réaliser »91. Par ailleurs, elle permet à

chaque ville d’être d’autonome pour mettre en valeur son territoire en relation avec sa propre politique culturelle. Les lois de décentralisation de 1982 permettent aux villes d’aller de l’avant avec les festivals. On peut ainsi constater la croissance du festival dans les années 80. Le festival

89 Vion Antoine, Le Galès Patrick, « Politique culturelle et gouvernance urbaine : l’exemple de Rennes ». Politiques et

management public 16, n°1, 1998, p.2.

90 Richard Greg, Palmer Robert, Eventful Cities : Cultural management and Urban Revitalisation. Oxford, Elsevier, 2010, p.10.

est conçu pour permettre non seulement à la ville de se développer en s’appuyant sur sa particularité mais aussi de se distinguer. Il devient donc l’idée fondamental au fil du temps.

2-2) Étape 2 : Les années 90 (1990~1999)

L’intérêt pour l’effet économique en renforçant l’image culturelle s’agrandit si bien que le rapport entre la culture et la ville s’intensifie dans les années 1990. Matthieu Giroud et Boris

Grésillon92 analysent la période entre 1990-1999 comme celle d’un événement touristique et

d’un élément de marketing urbain pour promouvoir la ville.

Dans cette période, deux différences émergent. L’une est le développement du tourisme suite à la croissance de l’intérêt des gens pour le loisir et pour profiter de la vie. Et l’autre est la création de l’Union Européenne en 1993. L’intérêt à la qualité de la vie a déjà commencé dans les années précédentes. Chacun sait comment profiter du temps de loisir. Certains partent dans la nature pour se reposer. Certains partent dans une autre ville pour la découvrir. Quelle que soit la façon, l’envie de bien passer ce moment de liberté devient de plus en plus forte. Au regard de cette tendance, l’EU donne de plus larges possibilités aux citoyens. Le changement fondamental en Europe à cette époque influence non seulement l’économie mais aussi le tourisme. L’abolition des frontières entre les pays européens permet de visiter facilement les pays voisins. L’avantage de cette union attire également des visiteurs du monde entier. Ce contexte social de fond renforce le développement du festival en associant festival, tourisme et loisir et en renforçant la relation entre les festivals et les villes. « The conceptualisation of festival practice as socially

sustaining devices is important to consider in the context of sustainable tourism »93. Les

recherches sur le tourisme des événements culturels de cette époque reflètent la façon dont le festival se situe au sein de la société pour accueillir le monde.

Suite à la croissance du nombre de festivals et à sa diversité lors des années précédentes, on peut constater l’accessibilité croissante par les publics. En entrant dans la catégorie plus générale des vacances, le festival n’est plus limité au public spécialisé qui s’y intéresse. On peut ainsi saisir à travers ce phénomène que le festival contribue à amortir le sens ‘culturel’ en

92 Giroud Matthieu, Grésillon Boris, « Devenir capitale européenne de la culture : principes, enjeux et nouvelle donne

concurrentielle ». Cahiers de géographie du Québec, vol. 55, n°155, 2001, p.237-253.

93 Quinn Bernadette, « Problematising ‘Festival tourism’ : Arts festivals and sustainable development in Ireland ». Journal of

s’appuyant sur la culture populaire. Il est alors en état d’approcher le grand public. L’intérêt pour le festival commence à intégrer la question des publics.

2-3) Étape 3 : Les années 2000 (2000~ - La nouvelle ère)

Au fil des mouvements culturels, le mot ‘culture’ et ‘industrie culturelle’ se rapprochent. Ceci explique non seulement le développement dans le secteur de la culture mais aussi son développement dans le secteur économique. En anglais, l’apparition du mot « commodification » qui définit la commercialisation culturelle fait apparaître à quel point l’industrie de la culture s’est développée. Ce changement démontre non seulement que la culture permet de comprendre ce qui se passe autour de la vie sociale mais aussi que la culture est approchée et diffusée en répondant à la demande de chaque époque.

Dans cette nouvelle période, on peut remarquer une grande différence sociale par rapport au passé. C’est le développement technologique. Cette évolution des Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) permet à chaque individu d’accéder à un monde plus large et ouvert. Bernard Miège analyse ainsi ce développement, « les évolutions du procès

global de médiatisation de la communication »94. La disponibilité de la communication

contribue à élargir les expériences. Cette expansion de l’accessibilité directe ou indirecte permet de découvrir des cultures diverses. Dès lors, les expériences indirectes portent alors autant d’importance que les expériences directes. Il sera ainsi demandé d’approcher la relation entre le festival et la ville à travers cette tendance.

Le développement des concepts de ‘mondialisation’ et de ‘globalisation’ signifie dans un premier sens l’ouverture au monde inconnu. Ce phénomène produit un mélange : entre les éléments endogènes et exogènes. Dans le cas du festival, celui-ci se déroule dans une ville précise alors que nombre de visiteurs viennent de l’extérieur. Par ailleurs, la facilité de l’accès aux informations de nos jours attire encore un public lointain et différent. « The contemporary festival therefore becomes a potential site for representing, encountering, incorporating and

researching aspects of cultural difference »95. Le festival d’aujourd’hui porte en lui cette

ouverture. Cette dernière permet non seulement d’améliorer la particularité du festival qui se

94 Chaptal Alain, « Les Tic entre innovation technique et ancrage social ». Distances et savoir, vol 5, 2007, p. 459

concentrait sur une seule forme culturelle mais aussi d’attirer un public plus large au niveau international.

Notre regard sur le festival s’est développé et affiné. Il y en a de nombreux et de variés aujourd’hui. Le terme de festivalisation devrait être retravaillée en fonction du parcours et de ce contexte. On peut consulter rapidement ce que Andrew Smith dit : « festival, events and culture more generally are used to frame the contemporary city, highlighting that festivalisation is not just an instrumental process involving new economic modes, but one which involves the

wider reframing of the city as a site of play and consumption »96. Cette définition implique

l’importance de comprendre le fond du contexte social afin d’approcher ce terme. La raison pour laquelle on prête attention au terme festivalisation dans cette thèse, c’est qu’elle sous- entend que cette notion comprend la flexibilité du festival au fils du temps. Owe Romström définit ainsi : « « festivalisation » est un de ces nombreux mots en « -isation » en vogue à la suite de ce qu’on pourrait appeler « le tournant processuel » dans les sciences sociales, au même

titre que « globalisation », « hybridation », « médiatisation » et bien d’autre encore »97. Dans

cette perspective, on peut saisir l’adaptation du festival à la tendance de notre époque. On peut ainsi analyser la festivalisation dans ce sens. On progresse en revisitant la définition de la festivalisation aujourd’hui.