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I. 6 : Positionnement de l’étude

II.1 Effet des saisons et des racines d’arbres sur l’aluminisation des minéraux argileux :

II.1.1 Contexte

L’étude sur l’aluminisation des minéraux argileux a été réalisée sur des échantillons de sol prélevés sur le site atelier de Breuil-Chenue dans le Morvan (site géré par l’INRA de Nancy, équipe BEF). Le site de Breuil-Chenue a été mis en place dans les années 1970 et l’objectif principal est de caractériser l’effet des substitutions des espèces forestières sur le fonctionnement global de l’écosystème forestier. Pour cela, une coupe à blanc des peuplements initiaux (taillis sous futaies principalement hêtre et chêne) a été réalisée et des placettes individuelles de 0,1 hectare ont été plantées avec différentes espèces d’arbres (hêtre, chêne, épicéa commun, douglas et pin) (Bonneau et al. 1976). Le sol est un Alocrisol (Baize et al.,2009) développé sur granite (Seddoh, 1973). Ce granite est composé de quartz (34%), de feldspaths (24.2%), d’albite (31%), de muscovite (9%), de biotite (1%) et de chlorite (0.5%) (Mareschal, 2008). Son profil type est décrit en détail dans la thèse de Mareschal (2008) et ses principales caractéristiques sont présentées dans les études de Mareschal (2008) et Legout and Ranger, (2001). Elles sont reportées dans l’annexe 1 de ce manuscrit. Cet Alocrisol présente une texture sablo-limoneuse avec une contribution significative d’argiles granulométriques (fraction <2 µm) comprise entre 16 et 19 %. Le pH augmente légèrement de la surface vers la profondeur de 4.4 à 4.8 tandis que les CECs (somme des cations échangeables Al, Fe, Mn, Ca, Mg et Na, mesurée par ICP-AES, H+ titré après extraction K+ et K+ mesurée par ICP-AES après saturation NH4+ suivant la méthode de Rouiller et al. (1980)) sont faibles et varient de 7 et 2.5 meq.100g-1. De plus, les éléments échangeables sont principalement de l’Al3+ et des H+ (environ 90 % de la CEC). Ces faibles CECs sont dues notamment à la présence d’aluminium non-échangeable (entre 5 et 7.4 g.kg-1) mesuré par extraction chimique au tricitrate de sodium à chaud (Tamura, 1958). Ce contexte de sol forestier acide est favorable à l’aluminisation des

46 minéraux argileux qui rend donc le sol particulièrement pauvre en cations nutritifs échangeables. Les différents types de minéraux argileux aluminisés qui ont été décrits en surface (profondeur inférieure à 25 cm) sont le HIS, le HIV et un interstratifié mica-HIV (Calvaruso et al., (2009), Collignon (2011) et Mareschal et al., (2013)). Une attention toute particulière a donc été portée à l’effet des substitutions d’essences d’arbres sur l’aluminisation des minéraux argileux. En effet, elles acidifient le sol de manière plus ou moins importante à travers la production de NO3- non prélevée par l’arbre(Mareschal et al., 2013). Le douglas et le pin acidifient le plus fortement le sol ce qui facilite la dissolution des formes d’aluminium mal cristallisées et diminue la quantité de feuillets aluminisés. L’épicéa, au contraire, ne provoque pas de transformations minéralogiques sur les HIMs. Cette étude montre que les minéraux argileux et notamment les minéraux argileux aluminisés sont de bons marqueurs du fonctionnement du sol et des conditions environnementales acides notamment à travers leur capacité ou non à fixer de l’aluminium.

En milieu tempéré, les saisons influencent le comportement de la végétation et des organismes vivants. Ces changements impactent l’environnement global du sol et des différences ont pu être observées sur les minéraux argileux aluminisés. Tout d’abord, les « minéraux tests » ont été utilisés pour observer ces différences. Les expériences consistent à placer dans un sol un échantillon monominéral. La vermiculite a été particulièrement utilisée puisqu’elle offre une CEC interfoliaire importante qui lui permet d’absorber les cations présents dans la solution du sol. Ainsi, dans un podzol du massif du Mont-Blanc (France), Dambrine et al. (1989) ont pu montrer que la formation des feuillets HIV est favorisée pendant la saison de croissance des arbres (printemps) alors que ces feuillets HIV se dissolvent pendant l’hiver. Sur un sol brun acide développé sous Douglas du Beaujolais (France), Turpault et al. (2008) ont montré que la formation de feuillets aluminisés augmente entre les saisons hiver et printemps dans le sol global. Ce résultat a été interprété comme étant dû à une minéralisation et une nitrification de la matière organique plus importantes. Sur le site expérimental de Breuil-Chenue des variations saisonnières ont également été observées dans la fraction argileuse (thèse Collignon (2011)). Les résultats obtenus montrent qu’en automne, la quantité d’aluminium fixé dans l’espace interfoliaire est maximale par rapport aux saisons hiver et printemps. De l’automne à l’hiver, l’évolution des HIMs est caractérisée par une dissolution des feuillets aluminisés dans les HIS et les HIV. De ce fait, la quantité d’aluminium dans l’espace interfoliaire des HIS et HIV est plus basse en hiver qu’en automne, été et printemps. De l’hiver à l’été, les feuillets expansibles des HIS et HIV sont à

47 nouveaux aluminisés et la quantité d’aluminium en été est similaire à celle des HIS et HIV observée à l’automne. L’ensemble des résultats présentés sur différents types de sols montrent que les feuillets aluminisés sont dissous dans les HIS et HIV entre l’automne et hiver et leur formation a lieu entre l’hiver et l’été.

De plus, des variations notables ont été observées entre des échantillons dans le sol global dit « bulk » et le sol dit « rhizosphérique » (zone du sol soumis aux effets des racines d’arbres). Tout d’abord, Turpault et al. (2008) ont observé dans un sol brun acide sous douglas (Beaujolais, France) que l’activité des racines d’arbres conduit à la déshydroxylation des feuillets aluminisés et à l’augmentation de la fixation de K+ dans l’espace interfoliaire des vermiculites. Sur le site de Breuil-Chenue, à partir d’un échantillon de sol développé sous Epicéa, Calvaruso et al. (2009) et Collignon (2011) ont montré que l’action des racines d’arbres dans la rhizosphère diminue la proportion de feuillets aluminisés dans les HIS ce qui permet de retrouver le comportement gonflant des feuillets de smectite par diffraction des rayons X. La proportion de minéraux illitiques augmente dans la zone rhizosphérique des arbres (Calvaruso et al., 2009). Ces évolutions minéralogiques sont particulièrement marquées à une profondeur comprise entre 10 et 25 cm où le processus d’aluminisation dans le sol global et rhizosphérique est le plus marqué. Ces phénomènes ont été interprétés comme étant le résultat de l’activité chimique et biologique qui est plus intense dans la rhizosphère à cause des racines d’arbres. En effet, l’une des fonctions majeures des racines d’arbres est principalement de prélever de l’eau et des cations nutritifs. Pour cela, elles acidifient la zone rhizosphérique et libèrent des acides organiques complexants. Ce sont eux qui aident la déshydroxylation de l’aluminium fixé dans l’espace interfoliaire des feuillets aluminisés. En retour, la CEC de ces minéraux augmente : ils peuvent à nouveau adsorber le potassium de la solution du sol. Cela se marque par l’augmentation de la proportion de feuillets illitiques (Calvaruso et al . 2009).

Les échantillons de sols sous épicéa du site de Breuil-Chenue montrent des variations de la quantité de fer dosé lors de l’extraction chimique avec du citrate-bicarbonate-dithionite (Fer CBD ;Mehra and Jackson, 1960). Elles ont été observées en fonction de la saison ou de l’activité des racines (Calvaruso et al., 2009; Collignon et al., 2012). Le Fer CBD représente le fer sous forme amorphe ou d’oxy-hydroxydes comme la goethite ou l’hématite (Stucki et al., 1987). Sa quantité mesurée sur la fraction <200 µm de sol rhizosphérique diminue car l’activité des racines d’arbres favorise la dissolution des hydroxydes de fer (Calvaruso et al., 2009; Collignon et al., 2012). Elle croît entre les saisons automne et printemps, à cause de

48 l’augmentation de la dissolution des minéraux déclenchée par l’activité biologique intense au printemps. Cette période permet de libérer du fer qui forme soit des amorphes soit des oxydes de fer (Collignon et al., 2012).

Compte tenu des résultats obtenus dans les travaux précédents, les échantillons choisis dans cette étude ont été prélevés entre 10 et 25 cm car à cette profondeur, la quantité d’aluminium fixé dans l’espace interfoliaire des feuillets expansibles est maximale (mesuré par extraction chimique au tricitrate de sodium à chaud, Tamura (1958)). Les échantillons retenus sont ceux prélevés sous épicéa car c’est l’essence d’arbre qui exacerbe les différences minéralogiques. Afin d’affiner l’interprétation des modifications minéralogiques observées en fonction des saisons et de l’effet des racines, notre étude portera sur l’analyse des résultats obtenus après un fractionnement granulométrique de la fraction <2 µm par une étude qualitative des minéraux des argiles, et plus particulièrement des HIMs.

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