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Ce chapitre est l’occasion de présenter l’aire géographique à l’étude. Au sein de la province du Québec, la ville de Sorel-Tracy fait partie de la région administrative de la Montérégie. Cette présentation se décompose en quatre parties : la situation géographique (4.1), la population (4.2), le profil économique (4.3) et l’historique du mouvement syndical du territoire (4.4).

4.1 – Situation géographique

La grande région de Sorel-Tracy se situe à l’est de la Montérégie au sein de la Municipalité régionale de Comté (MRC) Pierre de Saurel18. À la fois à une distance de 70 kilomètres au nord-est de Montréal et à environ 130 kilomètres de la frontière américaine, la localisation de la Montérégie Est, dans la grande région métropolitaine de Montréal lui permet de bénéficier d’un important marché. Bordée au nord par le fleuve St-Laurent, la Montérégie Est s’inscrit dans le triangle formé par les villes de Montréal – Boston – New York. Et, elle est aussi à la portée du marché ontarien. Cette localisation donne accès à un bassin de 100 millions de consommateurs, dans un rayon de 1000 km (Emploi Québec, 2011).

4.2 – Population

Au dernier recensement de 2011, Sorel-Tracy totalisait une population de 34 600 personnes, en hausse de 1,5 % par rapport à 2006 (Statistique Canada, 2012). Un bref historique de l’agglomération nous indique que la MRC Pierre de Saurel se caractérise par une diminution constante de sa population, depuis 1981. Les différents chocs économiques subis par la région depuis les trente dernières années ainsi que le récent découpage des MRC (exclusion de la ville de Contrecoeur) sont fortement responsables de ces baisses (Haf et Lacroix, 2002 : 6).

La plus récente répartition de la population par catégories d’âge et par niveau de scolarité atteint (2006) nous démontre que la population de la MRC est relativement moins scolarisée qu’en Montérégie :

La population de la MRC a un niveau de scolarité inférieur à celui de la Montérégie et de l’ensemble du Québec, ainsi plus de 44 % de sa population détient au plus un diplôme d’études secondaires, une clientèle particulièrement à risque de chômage. La Montérégie et le Québec affichent respectivement un taux de 39,6 % et 38,2 % (Emploi Québec, 2011).

À l’intérieur de ce constat d’Emploi Québec, plus de 30 % de la population âgée de 15 ans et plus ne dispose d’aucun diplôme. Cependant, en terme de diplômes du secondaire et du collégial, la MRC se démarque à la hausse. On peut y voir ici l’importance primordiale de détenir des compétences professionnelles et techniques pour répondre aux besoins des entreprises manufacturières très présentes dans la MRC (Haf et Lacroix, 2002 : 6). Le tableau 4.1, ci-dessous, illustre ce constat à l’échelle de la Montérégie.

Tableau 4.1 : Les emplois localisés en Montérégie selon les principaux secteurs d’activité économique

Emploi localisé

Secteur d’activité économique 2006

Nombre %

Agriculture, foresterie, pêche et chasse 625 3,5

Construction 570 3,2

Fabrication 3 495 19,8

(Première transformation des métaux) (1 985) (11,2) (Fabrication de produits métalliques) (545) (3,1)

Services 12 635 71,5

(Commerce de détail) (2 550) (14,4) (Soins de santé et assistance sociale) (2 780) (15,7)

TOTAL 17 680 100,0

Le taux de chômage de la région administrative de la Montérégie fluctue entre 6 % et 8% au cours des dix dernières années. Il a atteint un record de 7,7 % lors de l’année 2010 (Institut de la statistique du Québec, 2012). En ce qui concerne Sorel-Tracy, le taux de chômage est en constante diminution. On peut voir qu’en 1996, il atteignait 13,1%, en 2001, 8,9% et en 2006, 7,1%.

4.3 – Profil économique

Le territoire de Sorel-Tracy est un territoire riche en ressources naturelles. Selon Haf et Lacroix (2002), son développement économique a commencé par l’essor de la construction navale liée à l’exploitation des pins et des sapins. Sa position géographique privilégiée, au confluent du Saint-Laurent et du Richelieu, lui a permis d’enregistrer un premier développement économique au cours du XIXème siècle. La Seconde Guerre mondiale freina temporairement l’activité industrielle de la localité. Les emplois se sont raréfiés de plus en plus rares. Il faut attendre l’arrivée des futurs fleurons de la région pour voir le taux de chômage diminuer dans les années 1950. Ces fleurons sont spécialisés dans le textile (Canadian Celanese), dans la construction navale (Marine Industrie Limité) ainsi que dans la métallurgie (Sorel Forge, Quebec Iron and Titanium). La guerre de Corée (1950-1955) renforce l’activité de l’industrie métallurgique soreloise. Ainsi, en 1957, de nombreuses entreprises se recyclent dans la fabrication de pièces métallurgiques (Aciers Slaters), au vu de l’ampleur que prend cette industrie dans la localité. En 1963, les implantations d’entreprises locales dans ce secteur s’accélèrent (Tioxide et Aciers inoxydables Atlas). Certaines entreprises sont en pleine croissance, elles décident alors de profiter des opportunités de marché reliées au développement d’Hydro Québec. Marine Industrie Limitée investit dans la construction d’installations ayant pour objectif de produire du matériel hydro-électrique (Haf et Lacroix, 2002 : 12).

L’essoufflement de la région est déclenché par les premiers licenciements massifs au début des années 1980. Marine Industrie Limitée se voit perdre 15 000 travailleurs suite à son acquisition par la Société Générale de Financement du Québec (SGF). Le taux de chômage de la région soreloise atteint un record : 40 %. Marine Industrie Limitée est vendue à la société française Alstom en 1986. Ce fleuron de l’essor économique local marque un tournant majeur dans le portrait industriel de la région avec la fin de la construction navale soreloise (Haf et Lacroix, 2002 : 12).

À la fin des années 1980, il devient évident que la base économique traditionnelle qui caractérisait la région de Sorel subit un inexorable effritement et qu'il est peu probable que l'industrie lourde retrouve un jour son dynamisme d'antan. La fermeture définitive de MIL en 1988 sonne le glas du chantier naval. Pour la population locale, ce déclin économique rapide constitue un véritable choc social. Ainsi, le secteur manufacturier qui accapare encore près de la moitié des emplois au début des années 80 n'en représente plus que 30 % en 1991, l'activité manufacturière se concentrant plus que jamais dans la métallurgie et la machinerie industrielle et commerciale. Au début des années 1990, la métallurgie occupe 12 220 emplois en Montérégie, dont 3 460 emplois pour la seule MRC Bas-Richelieu, soit environ 5 % des emplois dans ce secteur industriel à l'échelle de la province. Plus finalement, la transformation primaire emploie près de 800 personnes, alors que la fabrication métallique occupe plus de 2 500 personnes (Haf et Lacroix, 2002 : 26).

Les années 2000 marqueront la renaissance de l’économie locale avec le besoin réel d’un plan de relance industriel. Le parc industriel régional de Sorel-Tracy constitue un des éléments de ce plan. Acquis en 2001 par la Société des parcs industriels de Sorel-Tracy19, le parc industriel est l’élément déclencheur de la promesse d’investissement de 21 millions de dollars de la part des cinq entreprises présentes sur le site (Alstom Canada, Fabspec, Air Liquide Canada, les Charcuteries Europol et Tracy Métal). Par ailleurs, le gouvernement québécois et le gouvernement fédéral y injectent respectivement 21 et 7 millions de dollars afin de relancer la région du Bas-Richelieu (Haf et Lacroix, 2002 : 14). Dans cette dynamique de renouveau, le réseau institutionnel régional est renforcé et stimulé par la

19 La société des parcs industriels était anciennement appelée Corporation de développement des parcs

naissance du regroupement indépendant pour la relance de la grande région de Sorel-Tracy, la création du Centre de Transfert Technologique en Écologie Industrielle (CTTEI) et la société des parcs évoquée ci-dessus. De plus, le centre local de développement se voit renforcé dans son rôle de développement régional par la venue d’un nouveau commissaire industriel. À partir des années 2000 et jusqu’à aujourd’hui, les profondes mutations au sein des institutions soreloises ont été le véhicule de la volonté de changement et de renouveau de cette localité (Groupe de Reconversion Régionale et Industrielle, 2007 : 3).

Pour finir, cette localité peut se résumer ainsi :

La ville de Sorel-Tracy, située au confluent du Saint-Laurent et du Richelieu, s’enorgueillit d’être la quatrième plus vieille ville du Québec. Son développement économique a été basé sur la construction navale puis sur le secteur de transformation des métaux pour devenir une importante ville industrielle durant la Deuxième Guerre mondiale. Après le déclin des années 1980, le redressement économique s’est orienté vers les créneaux de l’environnement et du récréotourisme, tout en conservant un secteur métallurgique et d’industrie lourde (Presse Canadienne, 2008 : 24).

Cette section aura permis de découvrir la région de Sorel-Tracy, de manière à dresser le portrait qui entoure notre étude.

4.4 – Mouvement syndical

Le milieu ouvrier de Sorel-Tracy représente un bastion du syndicalisme qui a marqué profondément l’histoire syndicale québécoise. Les luttes et les grèves déclenchées dans les années 1930 ont longtemps été présentes dans la mémoire collective des Québécois. En 1937, ces luttes sociales regroupèrent 3000 travailleurs issus des principales industries de la métallurgie, du textile et des chantiers maritimes (Haf et Lacroix, 2002 : 16).

Les grèves de Sorel en 1937 représentent un conflit social d'envergure dressant le Capital, appuyé par les pouvoirs politiques, contre le Travail, épaulé par le pouvoir religieux. Évènements marquants du syndicalisme québécois, ces grèves constituent un temps fort de la lutte des travailleurs pour améliorer leurs conditions de travail dans une ville où l'emploi dépendait largement d'un seul employeur, Marine

Industries, entreprise détenue par les frères Simard (Rouillard, 2010 : 108).

Cependant, suite à la grève de 1937, les conditions de travail s’améliorent sans pour autant consolider l’autorité syndicale face aux patronats. À tel point que les syndicats disparaissent les uns après les autres subséquemment à ce conflit.

Ce n’est qu’au début des années 1940 que les ouvriers métallurgistes de Sorel Industries Limited (SIL) se regroupent dans une nouvelle organisation syndicale. Ces mêmes ouvriers déclenchent une grève le 21 novembre 1959 afin d’obtenir la semaine de 40 heures. Celle-ci durera 13 semaines et se terminera le 2 mars 1960. D’autres mobilisations auront lieu, dont la grève des 1 000 ouvriers de la QIT en août 1962 : ils obtiendront la reconnaissance syndicale qui était au cœur de ce conflit de travail en avril 1963 (Haf et Lacroix, 2002 : 16).

Ainsi, les grèves ont continué à alimenter les une des presses régionales puisque les pressions sur les conditions d’emploi et la sauvegarde des emplois étaient fortes. L’obtention ou le maintien des emplois a constitué la base de mobilisation des gens de la région. Le rôle des organisations syndicales dans le maintien des entreprises est à souligner.

Certains ont durement critiqué ces actions syndicales en les considérant comme des obstacles au bon fonctionnement des entreprises de la région ; d'autres au contraire, croient qu’elles témoignent de la capacité d'organisation et de structuration du milieu ouvrier pour défendre ses intérêts, transmettre ses revendications et se doter de moyens de pression efficaces (Haf et Lacroix, 2002 : 17).

S’agissant de cette dynamique régionale institutionnelle, il est intéressant d’analyser la capacité des acteurs économiques de la région à maintenir et développer l’héritage des organisations syndicales revendicatrices des années d’avant-guerre dans la lutte pour les gains et la sauvegarde d’emplois, à travers l’obtention des investissements.

Le chapitre suivant présentera nos études de cas soreloises dans la perspective d’opérationnaliser notre objet d’étude.