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Dans notre contexte d’étude, en acceptant de se positionner dans une protection qui se fait avec les sociétés et non sans ou contre elles, il est malgré tout possible d’observer des

réglementations plus ou moins strictes. La catégorisation des espaces protégés proposée par

l’UICN est à cette fin utile même si, comme toute typologie, il convient de l’aborder avec

prudence. Elle demeure largement mobilisée par les chercheurs comme par les praticiens pour

comparer des réalités très diverses. Le tableau 2.4 ci-dessous explicite les six catégories identifiées

par l’UICN, il en donne les définitions officielles et précise les grandes lignes de chacun de ces

types de protection.

Tableau 2.4 : Catégorisation des espaces protégés selon l’UICN

Catégorie Nom Définition de l’UICN

Types de protection

Quelques exemples mobilisés dans la thèse

Ia

RÉSERVE NATURELLE INTÉGRALE

« La catégorie Ia contient des aires protégées qui sont mises en réserve pour protéger la biodiversité et aussi, éventuellement, des caractéristiques géologiques/ géomorphologiques, où les visites, l’utilisation et les impacts humains sont strictement contrôlés et limités pour garantir la protection des valeurs de conservation. Ces aires protégées peuvent servir d’aires de référence indispensables pour la recherche scientifique et la surveillance continue. »

À des fins d’études

scientifiques ou de protections des ressources sauvages. Réserves naturelles de

Bleikøya (Oslo), de Tornberget (Stockholm), de Knipeflågsbergen (Göteborg) Ib ZONE DE NATURE SAUVAGE

« Les aires protégées de la catégorie Ib sont généralement de vastes aires intactes ou légèrement modifiées, qui ont conservé leur caractère et leur influence naturels, sans habitations humaines permanentes ou significatives, qui sont protégées et gérées aux fins de préserver leur état naturel. »

À des fins de protections des ressources sauvages. Réserve naturelle de Tyresta (Stockholm)

II PARC

NATIONAL

« Les aires protégées de la catégorie II sont de vastes aires naturelles ou quasi naturelles mises en réserve pour protéger des processus écologiques de grande échelle, ainsi que les espèces et les caractéristiques des écosystèmes de la région, qui fournissent aussi une base pour des opportunités de visites de nature spirituelle, scientifique, éducative et récréative, dans le respect de l’environnement et de la culture des communautés locales. »

Dans le but de préserver les écosystèmes et à des fins de récréation. Parcs nationaux de Sipoonkorpi et Nuuksio (Helsinki), de Tyresta (Stockholm) III MONUMENT OU ÉLÉMENT NATUREL

« Les aires protégées de la catégorie III sont mises en réserve pour protéger un monument naturel spécifique, qui peut être un élément topographique, une montagne ou une caverne sous-marine, une caractéristique géologique telle qu’une grotte ou même un élément vivant comme un îlot boisé ancien. Ce sont généralement des aires protégées assez petites et elles ont souvent beaucoup d’importance pour les visiteurs. »

Dans le but de préserver des éléments naturels spécifiques. Réserve naturelle de Safjället (Göteborg), plage de Huk (Oslo) IV AIRE DE GESTION DES HABITATS OU DES ESPÈCES

« Les aires protégées de la catégorie IV visent à protéger des espèces ou des habitats particuliers, et leur gestion reflète cette priorité. De nombreuses aires protégées de la catégorie IV ont besoin d’interventions régulières et actives pour répondre aux exigences d’espèces particulières ou pour maintenir des habitats, mais cela n’est pas une exigence de la catégorie. »

À des fins de conservation, avec intervention en ce qui concerne la gestion. Réserves naturelles de Vestamager (Copenhague), de Laajalahti (Helsinki)

PARTIE I - CHAPITRE 2 CHAPITRE V PAYSAGE TERRESTRE OU MARIN PROTÉGÉ

« Les aires protégées de la catégorie V sont celles où l’interaction des hommes et de la nature a produit, au fil du temps, une aire qui possède un caractère distinct, avec des valeurs écologiques, biologiques, culturelles et panoramiques considérables, et où la sauvegarde de l’intégrité de cette interaction est vitale pour protéger et maintenir l’aire, la conservation de la nature associée ainsi que d’autres valeurs. »

Dans le but d’assurer la conservation de paysages terrestres ou marins et à des fins récréatives.

Réserves naturelles de Delsjön (Göteborg), de Nacka (Stockholm), de Vestamager (Copenhague) VI AIRE PROTÉGÉE AVEC UTILISATION DURABLE DES RESSOURCES NATURELLES

« Les aires protégées de la catégorie VI préservent des écosystèmes et des habitats, ainsi que les valeurs culturelles et les systèmes de gestion des ressources naturelles traditionnelles qui y sont associés. Elles sont généralement vastes, et la plus grande partie de leur superficie présente des conditions naturelles ; une certaine proportion y est soumise à une gestion durable des ressources naturelles ; et une utilisation modérée des ressources naturelles, non industrielle et compatible avec la conservation de la nature, y est considérée comme l’un des objectifs principaux de l’aire. »

À des fins d’utilisation durable des écosystèmes naturels.

Sources : Dudley, éd., 2008 ; ProtectedPlanet.net, 2017

Le gradient qui transparaît avec cette catégorisation n’est évidemment pas neutre en

matière de conceptions idéologiques et d’implications politiques. En revanche, il ne faudrait pas

en avoir une lecture trop simpliste, supposant de la sorte que la catégorie I est intrinsèquement

meilleure que la catégorie VI. En effet, plus on se rapproche des premières catégories de l’échelle,

plus le niveau de protection est strict et élevé, mais une politique de protection plus rigoureuse

n’est pas mécaniquement plus efficace. Et, surtout, elle ne serait pas nécessairement plus adaptée

à chaque situation donnée. Ainsi, en dépit de plusieurs reproches qu’on peut lui adresser, « la

catégorisation de l’UICN reste cependant aujourd’hui l’effort le plus abouti pour permettre une lecture fonctionnelle

pertinente des espaces protégés » (Depraz, op. cit., p. 98).

En partageant ce constat, nous avons aussi recours à cet outil pour discrétiser les

différents espaces de notre terrain d’étude. Quelques exemples sont mentionnés dans le

tableau 2.4. ci-dessus ; on observe que presque toutes les catégories envisagées par l’UICN

peuvent être représentées en son sein. Seule la catégorie VI ne comporte pas d’exemples ; ce qui

semble a priori assez paradoxal si l’on envisage un gradient de naturalité en parallèle de ce gradient

de protection. Par ailleurs, de nombreux espaces protégés qui sont enregistrés dans la base de

données de l’UICN ne se voient pas pour autant attribuer une catégorie : beaucoup restent non

désignés ou non classés eu égard à cette catégorisation. Cela s’explique notamment par le fait que

l’UICN ne considère que les espaces protégés à l’échelle nationale.

En outre, nous avons vu précédemment que le champ lexical de la protection recouvre

des réalités d’espaces protégés protéiformes. Si cet effort de catégorisation en propose une

première approche ordonnée, il n’en demeure pas moins qu’au sein de chacune de ces catégories

l’hétérogénéité est forte : des écarts qui ne relèvent pas seulement du type de milieux protégés,

mais qui se mesurent aussi en fonction des contraintes réglementaires et des statuts juridiques de

chaque espace protégé, pourtant théoriquement pris en compte par l’UICN pour établir son

classement. Comme pour beaucoup de grilles de lecture, l’intérêt de celle proposée par l’UICN

n’est pas dans son application stricte, mais dans les écarts qu’il est possible d’observer entre les

objectifs assignés par le politique (et qui sont assez bien traduits par la catégorisation de l’UICN)

et la réalité des situations et des pratiques que nous observons.

À ce titre, nous proposons de la compléter par une grille plus spécifique qui permettrait

de croiser le gradient de protection au gradient d’urbanité. La figure 2.3. ci-dessous est une

esquisse de pensée qui propose de montrer comment s’établit la « nébuleuse des espaces protégés

urbains » à partir de ce double gradient. Contrairement aux parcs et jardins urbains ou au parcs

nationaux, elle n’est effectivement pas clairement identifiée. Elle emprunte à la fois aux premiers

et aux seconds, tout en se nourrissant du vaste archipel des réserves naturelles. De manière

sous-jacente, la naturalité est présentée comme un faisceau. Cela traduit d’une part qu’elle n’est pas le

contraire de l’urbanité et, d’autre part, qu’elle est bien une projection vers le sauvage depuis un

monde social urbain.

Figure 2.3 : Entre protection et urbanité, l’émergence de la nébuleuse des espaces protégés urbains.

PARTIE I - CHAPITRE 2

CHAPITRE

Cette grille ne prétend absolument pas être une description fidèle de la catégorie d’espaces