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Contenu et réception de la thèse

collective des mathématiques.

1.3 Une thèse, marqueur objectif d’entrée dans la vie col lective des mathématiques ?

1.3.3 Contenu et réception de la thèse

Que contient donc la « belle thèse sur l’approximation des fonction par des e⁄nx» de Schwartz ? Ainsi est-elle qualifiée par Cartan en 1944 dans une lettre à Weil47.

43. Archives Delsarte, 2164

44. À titre de comparaison, l’un des dossiers scientifiques consultés aux Archives du C.N.R.S., concernant un Normalien de la promotion 1940, mathématicien, mentionne la bourse obtenue comme stagiaire au C.N.R.S. : elle est d’un montant de 30 000 Francs en 1944.

45. [Audin 2011]

46. Il serait intéressant de consulter les Archives Hermann-Bourbaki à la Bibliothèque Nationale de France, ainsi que l’annonce un communiqué de presse du 12 novembre 2012.

47. La correspondance entre André Weil et Henri Cartan a été éditée et commentée par Michèle Audin [Audin 2011].

Tome I (1938) André WEIL. Sur les Espaces à Structure uniforme et sur la Topologie géné- rale.

Tome II (1937) C. DE LA VALLÉE POUSSIN. Les nouvelles Méthodes de la Théorie du Potentiel et le Problème généralisé de DIRICHLET.

Tome III (1940) Henri CARTAN. Sur les Classes des Fonctions définies par des Inégalités portant sur leurs Dérivées successives.

Tome IV André WEIL. (1940) L’intégration dans les Groupes topologiques et ses Applications. Tome V (1943) Laurent SCHWARTZ. Étude des Sommes d’Exponentielles réelles.

Tome VI (1948) J. DIEUDONNÉ. Sur les Groupes classiques.

Tome VII (1948) André WEIL. Sur les Courbes algébriques et les Variétés qui s’en déduisent. Tome VIII (1948) André WEIL. Variétés abéliennes et Courbes algébriques.

Tome IX (1950) L. SCHWARTZ. Théorie des distributions (Tome I) Tome X (1951) L. SCHWARTZ. Théorie des distributions (Tome II)

Figure 1.1 – Collection des Publications de l’Institut de Mathématique de l’Université de Strasbourg (1938-1953)

Ainsi que le suppose Leloup, la formation reçue par le doctorant se retrouve dans l’écriture de son mémoire. On peut voir dans celle de Schwartz l’influence de Valiron, rapporteur de la thèse. Leloup explicite le rôle de Valiron comme rapporteur des thèses de théorie des fonctions après 1933 [Leloup 2009, p.343-344]. Schwartz le remercie ainsi dans son introduction :

Je tiens à remercier tout particulièrement M. Georges VALIRON qui, non seulement m’a donné de nombreux conseils, mais encore, par la correspondance qu’il a bien voulu entretenir avec moi, m’a aidé à surmonter beaucoup de difficultés.

Leloup analyse la thèse de Schwartz comme faisant partie des thèses de théorie des fonctions de la variable réelle [Leloup 2009, p.90], et en décrit le contenu de la sorte : « Il y étudie des questions concernant l’approximation de fonctions continues sur [0; +Œ] par des polynômes de Dirichlet de la forme P (X) =qane2fi⁄nX dans le cas où la sérieqn>0 1n converge. Il y regarde également des questions d’extrêmalités de coefficients de polynômes de Dirichlet bornés sur [0; +Œ]. » Ainsi qu’elle le note, Schwartz résume lui-même dans sa biographie [Schwartz 1997, p.175] l’essentiel de son travail en ces termes : « une appli- cation pertinente de l’analyse fonctionnelle et des espaces vectoriels topologiques pour un problème classique d’analyse. » Car l’écriture de Schwartz doit aussi à l’influence de Dieu- donné, de ses cours qu’il a suivis à Clermont-Ferrand, et plus généralement à Bourbaki dans son ensemble.

Précisons tout d’abord le problème d’analyse qui est l’objet de la thèse. Ainsi que Schwartz le résume dans sa « Notice » exposant ses travaux lors de sa candidature à l’Aca- démie des Sciences [Schwartz 1981b], le résultat principal de son premier chapitre poursuit une généralisation, par Charles Müntz, du théorème d’approximation de Weierstrass. Le théorème de Müntz dit la chose suivante :

Soit : ⁄0 = 0, ⁄1, ..., ⁄n, ... une suite donnée de nombres réels 6 0. Alors

toute fonction continue sur [0, 1] est limite uniforme de polynômes généralisés (sommes finiesqanx⁄n, ⁄nœ ) si et seulement si la sérieqŒn=11/⁄ndiverge.

Si la sérieqŒ

n=11/⁄n converge, quelles sont les fonctions continues qui peuvent

être approchées par les polynômes précédents ?

Schwartz commence par effectuer le changement de variable x = exp(≠X), afin de se ramener à un problème « plus maniable sur des sommes d’exponentielles réelles », qui justifie le titre de sa thèse. Il redémontre d’ailleurs aussi le théorème de Müntz de cette manière, avant de donner ses résultats. Le second chapitre traite plus généralement de problèmes d’approximation et de conditions extrémales. Le chapitre 3 traite les « sommes d’exponentielles imaginaires » ; il concerne ainsi les séries de Fourier généralisées, et donne par la suite naissance à des travaux ultérieurs dont nous dirons un mot plus lion.

Même si l’énoncé du problème à l’origine de la thèse de Schwartz appartient à la théorie des fonctions, ses méthodes doivent néanmoins beaucoup à l’analyse fonctionnelle, ainsi que l’exprime la citation donnée au-dessus. Il n’est pas le premier à utiliser l’analyse fonctionnelle dans un tel cadre. Schwartz écrit ainsi dans le dernier paragraphe de son chapitre III, intitulé « Note sur les applications à la Théorie des fonctions analytiques » :

L’origine de toutes les recherches concernant les distributions de points singuliers d’une série de Taylor ou de Dirichlet sur la frontière de son domaine de convergence est la thèse de M. Hadamard. (...)

Dans tous les ouvrages précédents, aucune liaison n’existe entre la théorie des séries de Dirichlet et l’analyse fonctionnelle ; aucun des auteurs précédents n’a donné d’inégalités valables pour toutes les fonctions correspondant à une suite d’exposants donnés. (...)

C’est dans l’ouvrage de MM. Paley-Wiener (1934), ouvrage d’analyse fonctionnelle, qu’existe pour la première fois à notre connaissance cette liaison entre les deux théories.

[Schwartz 1943a, p.171-173]

Schwartz commence donc de par de nombreux rappels d’analyse fonctionnelle – cela est noté dans la recension de la réédition de 1959 [Schwartz 1959]48. Il y a ainsi des préli-

minaires rappelant quelques notions de dualité et d’espaces vectoriels topologiques, qu’il a appris à l’occasion des cours de Dieudonné à Clermont-Ferrand. Il est important de mentionner qu’il était familier avec la dualité dès sa thèse ; étant donné le rôle que va jouer la dualité dans sa définition des distributions quelques années plus tard. Nous allons analyser plus précisément ces rappels à la lumière de ses premiers pas avec Bourbaki dans la sous-section suivante.

Un mot tout d’abord sur la réception de sa thèse. En 1959, la thèse de Schwartz ainsi que le chapitre supplémentaire, le troisième, intitulé « Approximation d’un fonction quelconque par des sommes d’exponentielles imaginaires. » [Schwartz 1943a] sont réédités en un seul volume [Schwartz 1959]. Cela donne lieu à une nouvelle recension dans les

Mathematical reviews, par P. Koosis. Il précise tout d’abord que le travail a été publié

pendant la guerre, et n’est que difficilement accessible, d’où la seconde édition. Pour lui, « it occupies an important place in a certain recent development of harmonic analysis ». Il y explique la technique générale de Schwartz consistant en une utilisation simultanée des principes de l’analyse fonctionnelle et de la théorie des fonctions analytiques de type exponentiel.

Schwartz précise les directions dans lesquelles ses résultats sont utilisés ensuite :

48.

These two chapters contain introductory paragraphs setting forth, sometimes with proofs, the functionnal analysis, Fourier transform theory, and entire function theory used in the book.

Ces articles ont donné naissance à plusieurs travaux ultérieurs, d’autres mathémati- ciens et de moi-même, sur les fonctions moyenne-périodiques et l’analyse ou la synthèse harmonique. Ils donnent une convergence de développements suivant des harmoniques dont les fréquences sont distribuées un peu n’importe quand, ce qui est le cas de tous les systèmes vibratoires non périodiques ; donc ils pourraient être susceptibles d’applications physiques.

[Schwartz 1981b, p.21]

Sa thèse a notamment donné lieu ensuite à une note et un mémoire sur les fonctions moyenne-périodiques [Schwartz 1946], [Schwartz 1949c] :

Les résultats de M. Delsarte sont entièrement à l’origine de ce mémoire. J’ai essayé d’appliquer les théorèmes que j’avais démontrés sur les sommes d’exponentielles (...) à l’étude de l’équation (2) dans le cas général.

[Schwartz 1949c, p.849]

Schwartz s’est aussi intéressé, un peu plus tard, à l’analyse et à la synthèse harmonique dans divers espaces ; on peut mentionner notamment [Schwartz 1948b], et [Whitney 1948], qui répond à une question non résolue par Schwartz [Schwartz 1981b, p.22].

La recension très laudative de Koosis se termine par les mots suivants :

The book present a beautiful model of a scientific investigation, and is a joy to read. It should be read not only by those interested in harmonic analysis or Dirichlet series, but also by ordinary graduate students, in order that they may learn good mathematical style and have something to balance the abstractionistic influences to which they are subjected.

[Koosis 1959]

Qu’entend-il par ces influences abstractionistes auxquels sont soumis les étudiants et aux- quelles cette rédaction de Schwartz offre un autre modèle ? Difficile, en 1959, de ne pas y voir une référence implicite au style de Bourbaki. Pourtant, Schwartz est membre de Bourbaki quand il rédige sa thèse, et nous savons l’importance de cette rencontre pour lui. Nous allons regarder plus précisément l’influence éventuelle de Bourbaki sur la thèse de Schwartz.

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