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Le contentieux de l’excès de pouvoirs

Section 2 : Les juridictions administratives à compétence générale

III. L A JURIDICTION ADMINISTRATIF ET LA RECHERCHE DE LA PROTECTION OPTIMALE DES DROITS

1. Le contentieux de l’excès de pouvoirs

On pourrait le nommer l’arme absolue contre l’illégalité. Il donne au juge un pouvoir que peu de juridictions ou institutions du type ombudsman ont : déclarer un acte illégal, voire le priver de toute existence ou l’annuler, c’est-à-dire le faire disparaître, non pas pour l’avenir seulement, mais depuis sa naissance. L’acte est réputé n’avoir jamais existé, de quelque autorité qu’il émane. Le contrôle par la voie de l’appel et de la cassation n’est pas, en effet, limité aux autorités locales (maire d’une petite commune ou fonctionnaire local d’Etat).

Il englobe directement les actes des plus hautes autorités de la République. Ainsi, le plus humble des citoyens ou un étranger peut-il, sans bourse délier, sans même avoir à rémunérer un avocat, faire annuler un décret du président de la République pris en Conseil de ministre.

Le contrôle concerne aussi bien d’autres actes, comme ceux des responsables d’établissement publics ou même ceux d’organisme purement privés chargés d’une mission de service public, tels les centres régionaux de lutte contre le cancer ou les organismes sportifs chargés d’organiser des compétions nationales ou régionales.

L’ensemble du contentieux de l’excès de pouvoir regroupe, en fait, trois types de recours, très divers par l’importance du fond et leur fréquence statistique.

(a) Etre ou ne pas être : la déclaration d’inexistence

C’est le recours le moins fréquent dans l’hypothèse où l’acte attaqué n’est pas seulement illégal ; à proprement parler, il n’a jamais eu d’existence légale. Pour rares que soient de tels cas, le contrôle a un effet absolu : l’actes est déclaré « nul et de nul effet ». Enfin, pour que la garantie soit maximale, ce recours est possible à tout moment car il n’est enfermé dans aucun délai.

(b) L’appréciation de légalité ou le respect de l’autre

L’hypothèse type est celle où, à l’occasion d’un litige porté devant le juge judiciaire, se pose la question de l’appréciation de la légalité d’un acte administratif, question qui commande la réponse au fond. Dans ce cas, si le juge pénal a reçu compétence pour ce prononcer, il n’en va pas de même pour le juge civil qui doit surseoir à statuer et inviter les parties à saisir le juge administratif, seul compétent, compte tenu des règles de séparation des compétences des deux ordres de juridiction. Il s’agit d’un recours dit « sur renvoi » pour

lequel le Conseil d’Etat a seul compétence pour statuer en appel des jugements des tribunaux administratifs.

Dans ce cas, le conseil voit sa compétence limitée aux questions faisant l’objet d’un jugement judiciaire avant dire droit. Il statue dans les limites du renvoi et doit répondre à l’ensemble des questions posées en respectant l’autonomie du juge judiciaire. Par exemple, il ne lui appartient pas de se prononcer sur la qualité ou l’intérêt du demandeur à agir. En revanche, le conseil refuse, à bon droit, de statuer s’il ne s’agit pas d’un acte administratif ou s’il n’est pas compétent à l’égard de la question posée.

Contrairement au recours précédent, le recours sur renvoi a fait l’objet de plusieurs centaines de cas de saisine au cours des deux décennies précédents Deux exemples permettent d’illustrer le propos : un litige civil oppose deux propriétaires voisins, alors que la solution au fond dépend de savoir si le permis de construire de l’un d’eux est légal, ou bien se trouve posé devant un tribunal de grand instance un litige privé dont la solution dépend de la définition de la limite du domaine public maritime.

Cependant, même si ces deux types de recours ne peuvent être négligés, le grand œuvre du Conseil d’Etat pour la protection des libertés et du droit a été l’invention du recours pour excès de pouvoir.

(c) La voie royale du contrôle de la légalité républicaine : le recours pour excès de pouvoir

Son nom indique sa portée. Le pouvoir, en tant que tel, n’est pas

sanctionnable. Il est même la garantie d’une société organisée. Son excès seul doit être banni et, s’il advient, il faut le sanctionner avec rigueur.

Une décision célèbre du Conseil d’Etat de 1950, Dame Lamotte, en donne une définition lapidaire. Il s’agit du « recours qui est ouvert, même sans texte, contre tout acte administratif, et qui a pour effet d’assurer, conformément aux principes généraux du droit, le respect de la légalité ».

(1.2)Le juge administratif substitué à l’Etat à l’égard des actes des collectivités territoriales

Les lois de décentralisation intervenues à compter de 1982 ont supprimé la tutelle – souvent pesante- que l’Etat exerçait sur les collectivités locales. Elles ont prévu son remplacement par le contrôle de légalité que doivent exercer les préfets de région et de département. Ceux-ci, en cas d’illégalité d’une délibération d’une commune, d’un département ou d’une région, saisissent le tribunal administratif qui peut annuler l’acte pour illégalité.

Bien que la loi ne soit pas prononcée sur la nature de ce recours, dit « déféré du préfet », le Conseil d’Etat a jugé qu’il s’agissait d’un recours pour excès de pouvoir et en a, pour l’essentiel, appliqué les règles.

D’une part, toutes les délibérations ne font pas l’objet d’une transmission obligatoire aux préfets. D’autre part, le Conseil d’Etat a jugé que les préfets n’étaient pas légalement tenus de saisir le juge administratif. Enfin, quel que soit le courage des serviteurs de l’Etat, le suicide professionnel y a peu d’adeptes. Déférer l’acte d’une collectivité territoriale dirigée par un membre de la majorité gouvernementale de l’heure peut présenter quelque danger…ou, à tout le moins, le haut fonctionnaire concerné peut-il le croire, sans aucun doute à tort.

Il reste que le recours pour excès de pouvoir reste aujourd’hui une arme essentielle du respect de la légalité auquel le Conseil d’Etat demeure particulièrement attaché, qu’il soit directement compétent pour le reconnaître ou, indirectement, par la voie de la cassation des arrêts rendus par les Cours d’appel.