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4.4 Le « bon manager »

4.4.1 Construction de l’équipe performante

La notion d’équipe performante est très présente, du début à la fin de la formation. Cinq

modules d’e-learning sont à réaliser avant le début de la formation (45 minutes par module) :

Qu’est-ce qu’une équipe ? Les quatre stades de développement d’une équipe ; Poser les

fondements de son équipe ; Créer une équipe solidaire ; Développer la performance

collective. Les cadres qui ont réalisé les modules (tous ne le font pas, ils le justifient par le

manque de temps) expriment qu’ils leur ont permis de prendre du recul et de regarder l’équipe

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Représentation d’une équipe performante avec de gros lego. Exemples de réalisation : moto de compétition,

fauteuil stable et agile etc.

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différemment. L’équipe est définie comme un « système » constitué : « de gens aux

personnalités différentes œuvrant à un projet commun, une même mission et avec un budget ».

L’objectif du manager est de faire « grandir » les gens dans cette équipe sans oublier le

résultat, ici le produit final. La cohésion est définie comme étant la collaboration entre les

individus puis cette équipe est dirigée par un capitaine, un leader, un chef d’équipe, un

manager. La différence entre le leader et le manager n’est pas soulevée directement, les

managers vont poser la question et les formateurs vont les amener à y répondre. Nous

retrouvons ici la différence que nous avons pointée dans la littérature : le manager serait

plutôt un gestionnaire et le leader un meneur d’hommes. Il est précisé qu’une équipe

fonctionne quand elle est constituée de 9 à 12 personnes. Une formule concise et frappante

qui exprime l’idée autour de laquelle les formateurs veulent rassembler, tel un slogan, vient

clôturer la session : « faites l’équipe, elle fera le reste ».

Dans le discours sur la construction de l’équipe, une grande partie est dédiée aux quatre stades

de développement d’une équipe (dont la source théorique n’est pas précisée) avec des

allers-retours entre les différents stades. D’après nos recherches le concept des stades d’équipe est

proposé, entre autres, par Vincent Lenhardt, consultant-coach, mais se décompose en trois

stades, celui de l’équipe émergente étant absent. Ce concept est destiné à modéliser les

rapports hiérarchiques et l’organisation du travail dans l’entreprise.

1. Juxtaposition d’individus : L’équipe n’existe pas encore, le rôle du manager est de

guider l’équipe : « tout passe par vous, vous donnez des directives et informez

l’environnement ». Avec un enjeu majeur : être accepté.

2. Equipe émergente : Les individus sont préoccupés par l’organisation de l’équipe. Le

rôle du manager est de structurer l’action collective en définissant les rôles de chacun

et son enjeu est de se faire respecter.

3. Equipe solidaire : Un vécu commun s’est développé, les individus communiquent

facilement entre eux et suggèrent des actions de progrès. Le rôle du manager est de

clarifier les méthodes de travail.

4. Equipe performante : L’équipe est tournée vers les résultats, atteint ses objectifs et est

force de proposition pour améliorer la performance. Les confrontations et critiques

deviennent sources de progrès. Le manager doit maintenir la performance dans le

temps en anticipant les transformations à venir et en déléguant, en accompagnant.

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A ce stade, l’équipe est autonome dans les prises de décision et l’organisation du

travail, le manager (re)connaît et entretient des talents individuels. Les enjeux sont la

remise en question et l’innovation.

Les formateurs tentent de sensibiliser les cadres sur leur rôle dans la motivation de l’équipe :

« vous pouvez avoir du mal à mobiliser un salarié, mais si vous pouviez le voir le dimanche

matin animer une équipe de foot… alors demandez-vous comment vous faites pour motiver

vos équipes ?». Une charte de l’équipe performante est présentée en troisième journée de la

formation. Cette charte reprend principalement les objectifs et les valeurs que les membres de

l’équipe définissent ensemble. Dans un des exemples montrés aux managers, on retrouve :

« oser prendre des risques : aller vers les autres et aller sur le terrain ». Puis, l’exercice leur

est demandé : « Mettez-vous dans un travail créatif et efficace pour construire votre charte

d’équipe-projet : vous partez escalader le Mont Blanc ». L’humour « noir » accompagne ce

nouvel exercice « si on est une cordée et qu’il y en a un qui tombe, on coupe, et il faut que

tout le monde soit d’accord ». Un cadre dit avec beaucoup d’humour « il y a une valeur très

forte dans mon équipe et qu’ils partagent tous, c’est la valeur vénale ». Dans la charte qui

leur est transmise, nous retrouvons des éléments sur l’équipe performante : « une des

caractéristiques de l’équipe performante est sa capacité à communiquer ouvertement et

honnêtement avec les différents intéressés ». L’objectif de la charte serait de fixer des règles,

des valeurs, mais aussi « certaines métriques mentionnées ici ont pour objectifs

l’amélioration du fonctionnement interne de l’équipe et en particulier dans l’amélioration des

comportements. De ce fait la diffusion de ces résultats doit être limitée à l’équipe ». Ainsi, la

charte serait une prescription des comportements à avoir en équipe. Nous trouvons aussi :

« les niveaux d’autonomie spécifiés sont les moyens autorisés qui permettront à l’équipe

d’exercer son expertise collective pour atteindre la qualité des livrables attendus du client

dans les délais et les coûts » et « l’équipe pourra aussi demander des dérogations aux règles

courantes auprès du senior manager ».

Le premier jour, dans le cadre du jeu des Lego®, la consigne est « représentez ce qu’est pour

vous l’équipe performante ». La tendance observée est très paradoxale par rapport au discours

tenu, c’est-à-dire une précipitation à faire, à se lancer dans l’exercice sans échanger sur

l’organisation du travail et la représentation que chacun a de ce qui est ou devrait être une

équipe performante. Un manager l’exprime : « on se lance dans la construction sans réfléchir

et échanger au préalable sur ce qu’est une équipe performante ». La pression du temps (30

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minutes pour réaliser l’exercice) pourrait être un élément pour expliquer cette précipitation.

La compétition serait aussi un autre élément puisqu’en expliquant leur représentation de

l’équipe performante, les équipes vont le faire en comparant leur création et en reprenant les

termes des autres « en plus » ou « en moins » : « la nôtre est moins mobile, mais plus stable »,

« la nôtre est stable et mobile, elle est mieux que celle des autres ». Un manager vient

demander si des pièces peuvent être échangées. Les membres d’une équipe disent « nous

n’échangeons rien », une autre équipe ne fait pas de « troc » de pièces en expliquant « on ne

sait pas où on va donc après ».

Nous retrouvons aussi cette « compétition » lorsqu’il s’agit de mémoriser une page de signes,

la plupart des managers se précipitent dans la retranscription de ce qu’ils ont vu et le font en

individuel. Ceux qui réussissent sont ceux qui s’unissent, c’est le cas d’une équipe sur deux.

Les formateurs insistent sur le besoin de coopérer la dernière journée de la formation.