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Chapitre 6 : Discussion générale

4. Construction des SDR

Il est établi que les SDR se forment de façon épisodique, c’est-à-dire en plusieurs épisodes éruptifs plutôt courts (Hinz et al., 1998 ; Lenoir et al., 2003). Cela est attesté notamment par le fait que les SDR ne retiennent pas une signature magnétique bien exprimée, car les différentes coulées de lave qui les composent enregistrent successivement une polarité différente (Hinz et al., 1999). Ces coulées sont par la suite basculées progressivement donnant lieu à des discordances angulaires – qui sont progressives lorsque les éruptions sont syn-tectoniques. La question qui se pose est : comment ces différents épisodes se répartissent au cours de l’histoire syn-rift s.l. Le manque de datation direct des SDR impose de choisir des analogues terrestres.

A terre, la flexure monoclinale est l’analogue le mieux daté des SDR (e.g.

Geoffroy et al., 1998 ; Lenoir et al., 2003). La littérature s’accorde sur le caractère

épisodique de la formation des ces objets (Lenoir et al., 2003), mais le débat porte sur leur relation temporelle avec le break-up. La majeure partie de la flexure est-elle produite au moment du break-up lorsque les volumes émis sont importants (Klausen, 2008) ? Ou bien la formation de la flexure est-elle prolongée dans le temps, sous la forme d’épisodes magmatiques rapides et discontinus depuis le début du rifting (e.g.

Abdelmalak et al., 2015) ?

Nos données sur l’Afar Central indiquent que la morphologie en flexure monoclinale que nous avons documentée dans la zone d’Arabati est tardive dans l’histoire du rifting. Sa formation a lieu en même temps que la phase principale

d’amincissement crustal entre 7 et 5 Ma, soit quelques 20 Ma après le début de l’extension post-Trapps. On pourrait donc qualifier cette flexure monoclinale en Afar Central, associée à l’amincissement, de tectonique, par opposition aux flexures

magmatiques décrites par Klausen (2008), dans lesquelles une grande partie du

développement du monoclinal se fait par dilatation et injection de dykes. Cela veut dire qu’en Afar, la flexure est complètement exprimée avant la mise en place de la Stratoïde à 4 Ma. Les données de géochimie sur la Stratoïde montrent bien que celle-ci se met en place par la décompression de manteau suite à l’amincelle-cissement lithosphérique, et que cet amincissement lithosphérique est certainement concomitant de l’amincissement crustal (voir à ce sujet le chapitre 4). Ainsi, le pulse de décompression peut être qualifié de post-amincissement, ou inter-tectonique du point de vue des phases d’extensions plus récente que la Stratoïde. Ainsi, nous proposons que la flexure et la Stratoïde pourrait former un SDR.

La situation est différente au Yémen (Mer Rouge et Aden), où l’on trouve des prismes syn-tectoniques. Ils semblent s’être mis en place sur une période de temps assez longue, comme l’atteste le prisme de SDR daté entre 40-16 Ma à la marge volcanique du Golfe d’Aden (Tard et al., 1991). En revanche, il semble y avoir, au sein d’un même SDR, une superposition continue d’épisodes éruptifs depuis le pré-rift jusqu’au break-up (voir figure 4 chapitre 5).

La première explication possible de cette différence est peut-être qu’il y a un biais d’observation, lié à l’échelle, entre les objets imagés en sismique et l’Afar Central. La résolution des images sismiques pourrait ne pas permettre de faire la distinction entre des strates de croissance et des discordances angulaires type onlap, comme celle entre la Stratoïde et le Miocène de la marge Ouest Afar. Il est incontestable qu’à terre, par exemple au Groenland ou à Djibouti, l’on observe des prismes flexurés syn-tectoniques (Geoffroy et al., 1999, 2014 ; Abdelmalak et al., 2015). Mais ces affleurements n’ouvrent qu’une fenêtre réduite sur la pile volcanique complète, puisqu’ils atteignent des épaisseurs de l’ordre du kilomètre au maximum. De fait, un prisme de 5 à 10 km d’épaisseur pourrait peut-être être également composé de strates

inter-tectoniques, comme nous l’avons décrit pour l’Afar Central dans le chapitre 3.

Si cela est vrai, alors le retard entre formation de la flexure et pulse de décompression serait une caractéristique majeure dans le processus de formation des SDR, qui a été préservé en Afar.

Une seconde explication est qu’il y a peut-être un vrai lien chronologique entre le moment où se font l’amincissement et la flexure et le moment où le magma est mis en place à la surface. Il pourrait y avoir un mécanisme qui bloquerait le magma en profondeur pendant le développement de la flexure sous forme de sous-plaquage et ferait de cette dernière une structure apparemment pré-magmatique, même si le magma est stocké en base de croûte. Et ce serait l’inverse aux marges où la partie syn-tectonique du prisme est la mieux exprimée.

Ainsi, la flexure telle qu’on l’a décrite en Afar Central pourrait-être le « début » du SDR, qui signe le moment de l’amincissement de la croûte. Ce début est bien exprimé en Afar Central, là où l’essentiel des volumes de laves Miocène ont été retenues en base de croûte, et où la décompression du manteau a eu lieu tardivement. Les SDR « classiques » exprimeraient alors plutôt le fait que l’amincissement et la décompression mantellique sont synchrones, ce qui pourrait-être dû au break-up lithosphérique. La description que nous avançons ici présente l’avantage de répondre au problème de la différence d’échelle d’observation entre sismique et terrain posé plus haut, puisque l’on peut maintenant considérer que la phase de « début » serait d’autant plus difficile à observer que le break-up produit de grande quantité de magma qui le masque.

En résumé, la part syn-tectonique, ou partie « haute » des SDR est exprimée par de grands volumes de laves agencés en strates de croissance, dont la mise en place est provoquée par un pulse majeur de décompression dû à une phase importante d’amincissement pendant le break-up lithosphérique. La partie inter-tectonique, ou partie « basse » des SDR est exprimée par des volumes de laves agencés en onlap sur des formations plus anciennes déjà flexurées au cours d’un épisode d’amincissement crustal et lithosphérique précédent. Cela signifie que moins la partie « basse » est exprimée, plus le début du rifting et le break-up sont rapprochés dans le temps, et plus l’amincissement crustal et lithosphérique nécessaire à la mise en place de grands volumes de laves doit être « final », c’est à dire, mener à la rupture lithosphérique et à la mise en place de la croûte océanique.

CHAPITRE 7

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CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES

1. Conclusions

Afin de mieux comprendre les processus d’amincissement et de break-up des marges passives volcaniques, nous nous étions fixé pour objectif de documenter les interactions tectono-magmatiques lors des phases précoces de la divergence en utilisant comme laboratoire naturel le rift Afar ; ce qui était la condition requise et manquante à l’interprétation de cette zone en tant qu’analogue aux marges volcaniques. Nos principaux résultats suggèrent que l’extension est accommodée de façon distribuée en surface en Afar Central pendant le Miocène. Ceci est compatible avec l’existence de grands détachements dans la croûte qui l’amincissent et contrôlent la mise en place d’importants volumes de sous-plaquage. Au stade précoce du rifting, de l’Oligocène au Miocène, nous montrons que des phases tectoniques ponctuelles alternent avec des périodes de magmatisme prolongées. Nous proposons que le système flexure + Stratoïde en Afar Central est analogue au début de la formation des SDR. Au Pliocène, la production de grands volumes de flood basalts se produit après l’amincissement crustal et lithosphérique tardif, ce qui suggère que la formation des SDR en Afar Central est contrôlée par des épisodes tectoniques antérieurs. Nous montrons qu’il existe une différence entre l’Afar Central, marge longue, asymétrique et fortement sous-plaquée, et les marges volcaniques de la Mer Rouge et du Golfe d’Aden, plus courtes et symétriques et où l’amincissement et la mise en place des prismes de SDR sont synchrones. Nous suggérons que cette différence est due en premier lieu à l’absence ou la présence de manteau lithosphérique sous ces deux types de marges et en second lieu à la segmentation précoce héritée de l’initiation du rifting qui renforce cet effet en distribuant inégalement le magma sous-plaqué et érupté. Enfin, nous proposons que le break-up aux marges volcaniques se traduit par l’amincissement extrême de la croûte continentale initiale, qui est progressivement remplacé par du sous-plaquage mafique et des laves subaériennes pour finir par former la première croûte océanique.

2. Perspectives

Nous proposions une distinction partie hautes et basses des SDR : syn- ou inter-tectonique. Comme nous l’avion remarqué dans le chapitre précédent, la distinction « architecturale » est peut-être un biais d’observation, c’est-à-dire que si nous pouvions obtenir une coupe sismique de l’Afar Central, peut-être verrions nous