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cropping systems to fungal pressure

II. Le cadre d’évaluation de la robustesse

II.1.2. Construction de l’indicateur de perturbations abiotiques

Un indicateur de perturbations abiotiques (indicateur ABIO) a ensuite été développé à l’échelle de chaque parcelle de blé tendre afin de résumer l’intensité des facteurs abiotiques limitants sur l’ensemble du cycle du blé tendre. Cet indicateur a été construit en utilisant le modèle de culture STICS (Brisson et al., 2002). Ce dernier permet de simuler les rendements du blé tendre en fonction des conditions météorologiques de l’année, des caractéristiques du sol et de la conduite des cultures. Néanmoins, en paramétrant le modèle STICS avec des caractéristiques du sol et une conduite du blé homogènes dans le temps, il est possible de détourner le modèle de son usage initial de façon à évaluer l’impact de la variabilité des conditions météorologiques sur le rendement du blé tendre. C’est cette modalité d’utilisation qui a été mobilisée dans cette thèse. L’indicateur ABIO a alors été calculé annuellement en mesurant l’amplitude entre le rendement simulé sur la parcelle étudiée et le rendement maximal simulé sur la période 1983-2014. Plus cette amplitude est grande, plus il est possible de considérer que les conditions météorologiques ont été difficiles (indicateur ABIO élevé). A l’inverse, plus l’écart est faible, plus les conditions météorologiques de l’année ont été favorables à la culture de blé (indicateur ABIO proche de zéro). Cet indicateur ABIO a ainsi été calculé à l’échelle de chaque parcelle de blé tendre sur la période 2011-2014 sur la base des conditions météorologiques observées sur la période 1983-2014 et des caractéristiques pédologiques de chaque parcelle.

Le paramétrage de la conduite culturale dans le modèle STICS a été réalisé de façon homogène pour toutes les exploitations agricoles appartenant à un même environnement, c’est-à-dire à une même zone géographique. Le modèle a donc été paramétré, non pas avec les pratiques réellement observées sur chaque exploitation agricole mais avec les pratiques moyennes observées à l’échelle de chaque zone géographique (date de semis moyenne, précocité variétale moyenne, dates et doses de fertilisation moyennes, etc.). L’indicateur de perturbations abiotiques ainsi défini est donc indépendant des pratiques agronomiques de chaque exploitation. C’est ce paramétrage spécifique du modèle STICS qui nous a permis, par la suite, d’expliquer les différences de robustesse d’une exploitation à l’autre en fonction des caractéristiques agronomiques de chacune.

Cette méthode de quantification des perturbations abiotiques avec le modèle STICS présente l’avantage de synthétiser en un seul indicateur l’impact de plusieurs perturbations abiotiques annuelles sur le rendement du blé. Les performances du modèle STICS ayant été validées à plusieurs reprises pour les conditions pédoclimatiques françaises (Coucheney et al., 2015), nous avons choisi d’utiliser ce modèle. Une méthode alternative aurait été de réutiliser les indicateurs phénoclimatiques calculés pour caractériser les différents environnements de la culture de blé

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tendre en France, et de les agréger sous la forme d’un indicateur unique (Caubel et al., 2015). Séduisante d’un point de vue mathématique, cette option présente néanmoins de nombreuses limites du fait de la nécessaire subjectivité requise pour définir les facteurs de pondération utilisés pour l’agrégation des indicateurs phénoclimatiques. Il serait néanmoins intéressant de développer cette approche alternative, ne serait-ce que pour apprécier la robustesse de nos résultats empiriques.

Certaines limites méthodologiques doivent néanmoins être évoquées concernant cette approche basée sur une utilisation spécifique d’un modèle de culture de façon à en déduire un index de perturbations abiotiques. En premier lieu, on soulignera qu’il est assez difficile d’évaluer la qualité de cet indicateur ABIO car le paramétrage du modèle a été effectué avec des pratiques moyennes et non pas avec les pratiques réellement observées à l’échelle de chaque exploitation. On ne peut donc pas comparer, comme c’est l’usage habituellement, les rendements simulés avec les rendements observés de chaque exploitation. Néanmoins, pour contourner ce problème et vérifier la cohérence globale des résultats, nous avons comparé la moyenne des rendements simulés avec la moyenne des rendements observés dans chaque zone géographique au cours de la période 2011-2014. Les résultats indiquent que ces deux types de rendements ne sont pas significativement différents sur l’ensemble de la période 2011-2014. Ces différences sont néanmoins significatives quand l’analyse porte sur les seules années 2011 et 2012 considérées isolément. En 2011 (respectivement 2012), les rendements simulés sont inférieurs (respectivement supérieurs) aux rendements observés. Ces résultats démontrent la forte sensibilité du modèle STICS à la variabilité des conditions météorologiques, ce qui est un élément positif dans l’optique de construire un indicateur de perturbations abiotiques. Le modèle étant particulièrement sensible aux conditions hydriques, les rendements simulés en 2011, année caractérisée par un printemps très sec, sont très faibles alors que les rendements simulés en 2012, année humide, sont très élevés.

Malgré ces bonnes performances globales, certains résultats produits par le modèle STICS ont toutefois été écartés car ils présentaient des écarts jugés trop importants avec les résultats observés. C’est le cas notamment des simulations de rendements correspondant à l’année 2012 et à la zone F (régions Lorraine et Champagne-Ardenne) : les rendements simulés ont été jugés trop élevés et surtout non représentatifs des mauvais rendements observés en raison de l’épisode de gel intense (10 jours à -10°C sans couverture neigeuse) et du faible endurcissement des cultures. Ce résultat montre que le modèle STICS présente certaines limites et ne permet pas de simuler des processus complexes comme l’endurcissement des cultures face aux températures froides, pas plus que la défaillance de pollinisation lors de périodes froides au moment de la méiose, comme dans certaines régions en 2016. Concrètement, les exploitations de la zone F pour l’année 2012 n’ont donc pas été retenues dans la suite de l’analyse.

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II.1.3. Approche économétrique pour évaluer la robustesse du

rendement

Pour évaluer, à l’échelle de chaque système de culture, la robustesse du rendement du blé face aux perturbations abiotiques, un modèle économétrique a été développé (Equation 1). Les deux variables explicatives de ce modèle sont l’indicateur ABIO et la réserve en eau du sol, ces deux dernières étant définies à l’échelle du système de culture par le biais de variables indicatrices prenant la valeur 1 pour le système de culture considéré, 0 sinon :

𝑦𝑖𝑘𝑡= 𝑐 + [𝑎𝑘. 𝐷(𝑘)]. 𝐴𝑊𝐶𝑖+ [𝑏𝑘. 𝐷(𝑘)]. 𝐴𝐵𝐼𝑂𝑖𝑡 (1)

où 𝑦𝑖𝑘𝑡 est le rendement observé sur la parcelle 𝑖 dans le système de culture 𝑘 l’année 𝑡, 𝐷(𝑘) est la variable indicatrice correspondant au système de culture 𝑘, 𝐴𝑊𝐶𝑖 est la réserve utile de la parcelle 𝑖 et 𝐴𝐵𝐼𝑂𝑖𝑡 est l’index de perturbations abiotiques mesuré sur la parcelle 𝑖 l’année 𝑡.

La robustesse (ou inversement la sensibilité) du rendement de chaque système de culture est ainsi mesurée par le coefficient 𝑏𝑘 associé à l’indicateur ABIO. En intégrant la variable de la réserve utile comme seconde variable explicative, ce modèle économétrique permet, d’une part, de mieux estimer le potentiel de rendement de chaque système de culture, et, d’autre part, de mesurer la robustesse du rendement face aux perturbations abiotiques indépendamment des caractéristiques pédologiques. Le coefficient 𝑏𝑘 estimé pour chaque système de culture est, en quelque sorte, « purgé » de l’effet de la réserve en eau du sol. Par conséquent, les différences de robustesse d’un système à l’autre, mesurées à travers leurs différences sur le coefficient 𝑏𝑘, ne peuvent être reliées qu’à des différences de pratiques agronomiques (au sens large) et non à des différences liées aux caractéristiques pédologiques. La variable de la réserve utile a été sélectionnée car elle permet de synthétiser plusieurs caractéristiques des sols : leur profondeur, leur texture, leur teneur en cailloux, etc. Néanmoins, on soulignera le fait que cette variable n’est pas toujours correctement renseignée pour chaque parcelle, voire chaque exploitation du réseau FERMEcophyto. Cette incertitude a été, autant que possible, minimisée en complétant les informations de la base de données FERMEcophyto avec celles de la base de données régionales des sols d’ARVALIS-Institut du Végétal.

Bien que simple et parcimonieux en termes de variables explicatives, le modèle économétrique développé est satisfaisant d’un point de vue statistique puisqu’il explique les trois quarts de la variance du rendement du blé. En outre et de façon plus importante, près de la moitié des coefficients 𝑏𝑘 associés à la variable de perturbations abiotiques différenciée par système de culture sont statiquement différents les uns des autres. Ceci nous permet de mettre en évidence, d’un point de vue statistique, un effet système de culture sur la robustesse du rendement du blé et un impact des caractéristiques de ces systèmes de culture sur la robustesse du rendement face aux perturbations abiotiques.

Les niveaux de robustesse du rendement, estimés à travers les coefficients 𝑏𝑘 associés à chaque système de culture, ont ensuite été comparés à l’échelle nationale en prenant en compte les disparités régionales. Pour ce faire, le zonage issu de la classification des environnements de la culture de blé tendre a été réutilisé afin de comparer les rendements moyens et la robustesse des rendements entre les exploitations de chaque zone, c’est-à-dire entre des exploitations ayant été soumises à des perturbations proches, à la fois en nature et en intensité. Si nous n’avions pas utilisé ce zonage, l’effet régional aurait masqué les différences de performances en raison des écarts de

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potentiels de rendement et d’exposition aux perturbations abiotiques d’une région à l’autre. Pour contourner ce problème, nous avons utilisé ce zonage géographique pour identifier, au sein de chaque zone, les différents profils de systèmes de culture au regard de deux critères : d’une part, le rendement moyen (c’est-à-dire le rendement obtenu face à des perturbations abiotiques moyennes) et, d’autre part, la robustesse du rendement face à des perturbations abiotiques. Une fois discriminés en fonction de ces deux critères, les différents profils de systèmes de culture dans chaque zone géographique ont été regroupés à l’échelle nationale afin de pouvoir étudier les pratiques agronomiques permettant d’expliquer les différences de robustesse.