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La constitution du réseau personnel : le rôle du background relationnel

Conclusion section 3

1.4.2 La constitution du réseau personnel : le rôle du background relationnel

S’interroger sur la constitution (genèse, formation, construction) du réseau personnel de l’entrepreneur revient à envisager que l’entrepreneur peut agir de façon pro-active sur la configuration de son système relationnel (Hite, 2005). Or, cette constitution du réseau personnel de l’entrepreneur n’a fait l’objet que de peu de travaux empiriques. Pour les sociologues Minguet et Moreau (2006), deux explications peuvent être apportées au fait que la formation du réseau constitue un « impensé ». En premier lieu, beaucoup d’auteurs considèrent le réseau personnel50 comme une variable indépendante de l’entrepreneur : soit le réseau est préexistant (institutions d’accompagnement présentes sur le territoire d’implantation, par exemple), soit l’entrepreneur dispose de réseaux « naturels », qui lui sont donnés à la naissance, et sur lesquels il n’a pas de prise (degré de cohésion de sa famille ou de sa communauté d’origine, par exemple). En second lieu, d’autres auteurs considèrent que l’initiation de l’échange se fait sur la base d’un utilitarisme économique : la confiance entre les acteurs est une condition mineure de l’échange et, en fait, le réseau personnel ne se forme que si l’intérêt à échanger est optimum.

Au terme d’une étude empirique portant sur le cas des entreprises de Nouvelles Technologies, Minguet et Moreau (2006) proposent que la formation d’un réseau personnel est une « co-construction » sociale. En effet, l’entrepreneur sélectionne parmi un ensemble d’acteurs ceux dont les objectifs sont compatibles aux siens. Et les acteurs sollicités (famille, amis, co-créateurs, salariés, entreprises, sociétés d’investissement ) procèdent de même. La formation du réseau personnel consisterait donc à la constitution d’un champ des possibles.

50

Les auteurs emploient le terme de « réseau de soutien » mais le définissent comme « la chaîne des acteurs impliqués dans la création de l’entreprise, et qui propagent des ressources matérielles ou immatérielles vers l’entrepreneur » (Minguet et Moreau, 2006, p. 2)

Figure 4 - La formation d’un réseau de soutien d’Entreprises de Nouvelles Technologies

Créateur Investisseursollicité Ressources Crédit

entrepreneurial

Délimitation d’un champ des connexions possibles Délimitation d’un champ des connexions possibles

Démonstration de ses compétences de créateur

Minguet et Moreau (2006), p. 33

Cela rejoint les propositions de Larson et Starr (1993) qui, dans la première phase de leur modèle d’évolution du réseau, définissent la formation du réseau comme l’évaluation « opportuniste » d’un ensemble de relations possibles. Ainsi, par un processus d’essais-erreurs et par des efforts de coordination, les deux parties évalueraient la faisabilité et l’adéquation des ressources potentielles au besoin de l’entreprise en création.

A partir de l’étude de huit cas d’entreprises nouvellement créées (Etats-Unis, secteur informatique), Hite (2005) identifie trois modes d’entrée dans le réseau : relation personnelle, relation économique et mise en relation par un tiers. A chacun, de ces modes d’entrée correspond un type de confiance « a-priori »: confiance en la bienveillance de l’autre (« personnal goodwill trust »), confiance en la compétence de l’autre (« personnal competency trust ») et confiance en la qualité de l’information fournie par la tierce personne (« social trust »). L’auteur ne s’intéresse qu’aux liens devenus par la suite encastrés relationnellement (forts). Sur les 300 liens cités par les enquêtés, les données n’étaient de qualité suffisante que pour 160 liens et parmi-eux, 94 liens ont été identifiés comme étant de simples relations marchandes. Dés lors, sur les 66 liens étudiés (de 3 à 15 par entreprise), l’auteur trouve que 66% étaient des relations personnelles, 14% étaient des relations

économiques et 20% sont entrés en relation avec ego par le biais d’un tiers. Dès lors, le rôle du background relationnel de l’entrepreneur, de son réseau social et professionnel pré-existant, est primordial.

Dans la perspective de mieux comprendre le processus de formation d’un lien nouveau, Anderson et Jack (2002) tentent de définir les « règles » de création d’un lien à partir d’entretiens auprès d’entrepreneurs et d’une étude expérimentale (mise en relation de deux entrepreneurs). Les étapes vont de la rencontre et l’exploration d’affinités et de points communs jusqu’à l’identification de complémentarités mutuelles et la découverte de potentiels de collaborations, l’étape ultime étant le partage de capital social.

Tableau 21 - Les étapes de création d'un lien nouveau

Rencontre Exploration d’affinités Identification de points communs Établissement de congruences Découvrir des potentiels PARTAGER DU CAPITAL SOCIAL v e lo pp e m en t du li eu

Source : Anderson et Jack (2002), p. 206

A partir de l’étude des pratiques de réseautage de 5 entrepreneurs en série (entretiens semi-directifs réguliers sur une période de 18 mois, Canada), Bowey et Easton (2007) identifient, en plus de divers facteurs de contingence, 5 variables influençant ces pratiques. L’accès à des ressources (financement, liens, technologie, information sur le marché, discussions) est la motivation pour réseauter. L’idéologie (principes, systèmes de croyances, vision de ce qu’un alter peut faire) fournit un cadre pour interpréter et évaluer le comportement social des alters. Les critères de la relation (qualité des apports, transparence, sociabilité, fiabilité) sont un

moyen pour tester la probabilité que ces idéologies soient vraies et que les ressources restent accessibles. Le capital social net (éléments attribués à la relation par des acteurs autres qu’ego et alter : réputation, intégrité, crédibilité, statut) intervient moins fréquemment et joue en fait le rôle de mécanisme de test additionnel. Enfin, le mécanisme final de test est la compatibilité des intérêts d’alter et ego (la congruence des besoins et motivations de chacun). En fait un changement dans une composante de chaque variable entraîne l’augmentation ou la diminution du capital social présent dans la relation. De plus, les auteurs soulignent l’importance des facteurs de contingence : « il y a un nombre extraordinaire de facteurs de contingence différents qui conditionnent chaque relation, relation qui varie déjà en fonction des composantes de chaque variable »51 (p. 285).

Figure 5 - Les mécanismes conduisant au développement d’une relation

Mécanisme de test primaire (critères de la relation) Mécanisme de test final (compatibilité des Intérêts des alters) Cadre de référence (idéologie) Motivation à la base de la relation (accès à des ressources) Mécanisme de test additionnel (capital social net)

Changements dans le capital social Facteurs de contingence Facteurs de contingence Facteurs de contingence Facteurs de contingence

Source : Bowey et Easton (2007), p. 284

Le parallèle avec le modèle de formation du capital social d’Anderson et Jack (2002) est souligné par les auteurs.

51

Traduction de “there was an extraordinary number of different contingent factors that conditioned each relationship, which also varied based on the underlying components of each drivig force.” (Bowey et Easton, 2007, p. 285)

Tableau 22 - Parallèle entre le modèle de formation du capital social dans un lien d'Anderson et Jack (2002) et celui de Bowey et Easton (2007)

Etapes Modèle d’Anderson et Jack (2002)

Modèle de Bowey et Easton (2007)

Motivation de la création du lien Rencontrer un alter Accès à des ressources

Evaluation de l’alter Explorer des affinités Idéologie

Evaluation de l’alter bis Identifier des points communs Capital social net

Vérification de l’évaluation faite Etablir des congruences

Critères de la relation Compatibilité des intérêts d’alter et

ego

En outre, l’étude de Bowey et Easton (2007) montre qu’il existe un modus operandi commun aux 5 cas pour créer ou détruire le capital social présent dans une relation. Les activités facilitant la création de capital social sont l’échange de services, les relations sociales (dîner, activités sportives, etc), la résolution de problèmes en commun, la réalisation des tâches répondant aux attentes et l’utilisation de communications transparentes.