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Chapitre 2 : La boite à outils

2.7 Constitution de l'échantillon

Pour former l'échantillon, j'ai cherché à rencontrer autant d’hommes que de femmes. Une deuxième catégorie fondamentale relève du statut

23 La question sur l'avenir du Québec est alors saisi non pas territorialement, mais culturellement par les participant(e). Cependant, la compréhension équivoque de cette question en complique l'interprétation.

socioprofessionnel, identifié par Daniel Mercure comme fortement corrélé au rapport entretenu au futur-avenir (1982 ; 1995). En conséquence, mon échantillon a été composé de trois groupes divisés également : un tiers de personnes ayant au maximum complété des études secondaires ou un diplôme d'études professionnelles ; un tiers avec un diplôme collégial technique ou général, en cours ou complété ; et un tiers qui sont étudiants à l'université ou qui possèdent un diplôme universitaire. A posteriori, il me faut signaler que les catégories du niveau d'éducation reflétaient partiellement la réalité des trajectoires individuelles. J'ai dû composer avec des entre-deux et des demi-mesures, des participants ayant fait des retours au cégep après quelques sessions à l'université, ou étant en voie d’obtenir un DEC avec l’intention d’aller ensuite à l'université, etc. La répartition finale des répondants selon leur niveau de scolarité s'apparente plutôt à un continuum, mais respecte grosso modo les catégories formelles projetées avant l'enquête.

Je n'ai pas tenu compte du statut socio-économique de la famille d'origine des jeunes, puisque cette variable additionnelle aurait grandement complexifié la construction de l'échantillon. Après coup, en observant de façon inductive cette provenance familiale, qui varie dans l'échantillon à tous les niveaux de scolarité, je ne remarque pas d'influence par rapport à la situation personnelle et aux représentations d'avenir des jeunes rencontré(e)s. Des enfants de famille modeste ont de grandes projections tout comme l'inverse.

Les quotas par niveau de scolarité ont assuré les lignes directrices de la collecte dont la diversification additionnelle a été raisonnée. Au gré de la formation du corpus, j'ai évité les redondances probables dans les profils, basées sur un jugement a priori des personnes désirant participer. Cette précaution était nécessaire pour éviter de ne faire enquête qu'auprès d'une sous-catégorie de ma population à l'étude. Il m'a été impossible de couvrir l'ensemble des groupes sociaux de manière équilibrée dans ce travail. Malgré tout, cette approche m'a semblé la plus à même de saisir l'ensemble des types identifiés par Mercure (1995) – fatalistes, étapistes, continuistes,

prévoyant(e)s, possibilistes – et m'a permis de me pencher sur une diversité

de profils sociaux et d’expériences du temps.

Tous les jeunes rencontré(e)s sont né(e)s dans la province du Québec. Le recrutement s'est fait par méthode boule de neige – c’est-à-dire que j’ai sollicité des personnes connaissant des gens que je connais. J'ai également envoyé des courriels et sollicité des participant(e)s dans un centre jeunesse- emploi pour accroître la diversité des profils. Néanmoins, le recrutement d’ami(e)s d'« ami(e)s » via le réseau Facebook s’est avéré la méthode la plus efficace.

À la lumière de cette remarque, on pourra me reprocher de ne pas avoir saturé mes données.

Le processus de saturation est le suivant. Parmi les hypothèses qui au début émergent en tous sens, se forme assez rapidement un groupe plus stable (généralement lié à la question de départ). À partir de ce noyau, la saturation évolue ensuite par cercles concentriques : autour d'un centre de plus en plus dur, de nouvelles hypothèses sont agrégées et progressivement stabilisées ; la clarification du modèle gagne en étendue. (Kaufmann, 1996 : 103)

Après analyse, je remarque qu'une saturation pour un grand nombre de thèmes émerge après la réalisation de quinze entrevues. Bien que ce projet de maîtrise soit d’ambition modeste, plusieurs idées, croyances et représentations se sont avérées récurrentes. J'ai donc pu saturer le noyau, mais certaines régions périphériques gagneront à être d'avantages couvertes dans des études subséquentes.

Parmi les biais éventuels de mon enquête, il est possible que mon échantillon soit trop homogène politiquement malgré mes tentatives de le diversifier. La méthode boule de neige limite l'étendue du recrutement. Je suis personnellement à gauche politiquement et engagé dans différents milieux : coopératif, étudiant, communautaire. Dans le schéma d'entrevue, aucune question ne portait directement sur l'orientation politique des répondant(e), de sorte qu'il m'est difficile de mesurer ce biais potentiel. Chose certaine, je n'ai pas rencontré d'apologue du néo-libéralisme, de la nécessité de réduire l'implication de l'état dans la société pour laisser agir le marché, plus efficient dans l'allocation des ressources. De la même manière, l’échantillon ne compte pas de participant dont la richesse matérielle des parents lui assure

un futur qui pourrait être exempt de travail. Je n'ai pas non plus rencontré de jeune pratiquant s'identifiant à un groupe religieux organisé. Finalement, aucun de mes répondant(e)s ne s'est identifié au climatosceptisme, ce courant de pensée, notamment véhiculé sur les radios de la ville de Québec – CHOI Radio X et FM93, qui s'attèlent à taxer les changements climatiques de vue de l'esprit et de complot éco-terroriste mené par un groupe d'intellectuels. Ce sont des biais avec lesquels je dois composer dans l'analyse et qui laissent une porte ouverte pour de nouvelles études par celles et ceux désirant prolonger ma démarche.

Parmi les universitaires qui ont participé à la recherche, deux proviennent du domaine de la santé et trois des sciences humaines et sociales. J'ai donc laissé de côté les sciences naturelles. L'économiste rencontré souhaite améliorer l'État providence en en accroissant l'efficience. Parmi les autres jeunes, une s'est plainte des gens recourant à l'assistance sociale et qui profitent du système. D'autres jeunes ne savaient pas ce qu'est un service public et il a fallu que j'explique la question. Ces personnes ignoraient aussi la situation actuelle de la réforme du système de santé, des hausses de tarif dans les garderies ou des coupes de service public dans la population. Sur la question de l'avenir des services publics, ces quelques répondant(e)s n'avaient rien à dire et je vois mal comment ils pourraient s'opposer aux transformations en cours.

Néanmoins, la seule question qui me permet d'estimer le positionnement politique des jeunes concerne leurs préoccupations face à l'avenir collectif en relation avec la détérioration de l'environnement. Dans mon échantillon, les deux tiers (10/15) des participant(e)s sont préoccupé(e)s par l'écologie. Bien que ce résultat puisse nous prédisposer à conclure une trop grande homogénéité de mon échantillon, il est important de savoir que mes résultats rejoignent ceux de Frédéric Nadeau (2013). À partir d'un échantillon de quatre classes de cégep, 100 des 140 jeunes de Québec sondé(e)s évaluaient l'écologie comme un des trois enjeux majeurs de notre époque. Sans prétendre à une représentativité, je peux affirmer que mon échantillon est conforme en ce point aux résultats d'une enquête plus large.

Finalement, je crois que la projection personnelle dans le futur individuel et l'avenir collectif est relativement indépendante de l'orientation idéologique des gens. Autant un Donald Trump qu'un Bernie Sanders peuvent mener une campagne politique en argumentant la détérioration du monde et la menace qui plane sur le peuple si rien n'est fait pour changer la situation. Pour ces deux personnes, la forme de l'anticipation de l'avenir converge dans la menace anticipée, et ce, même si l'anticipation diverge sur la nature de la menace et le genre d'actions à entreprendre pour y remédier. Hillary Clinton, de son côté, considère l'horizon collectif comme étant stable et fait campagne sur une panoplie d'enjeux qui lui semble importants à améliorer : régulation des finances, droit des minorités sexuelles, utilisation des armes à feu, etc. Ainsi, il peut y avoir une différence formelle d'anticipation de l'avenir plus importante entre Hillary et Bernie, qu'entrent des candidats qui sont qualitativement aux antipodes – Bernie et Donald. C'est dans ce sens que, malgré la possibilité de biais idéologique de recrutement attribuable à la méthode boule de neige, je considère secondaire son impact potentiel sur les résultats de cette recherche. La richesse matérielle influence davantage le rapport à l'avenir que la croyance idéologique (Mercure, 1995) et ne pas avoir rencontré de jeunes ayant des parents millionnaires est probablement le plus gros biais de mon enquête.