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Chapitre II – Méthodologie

II- B.5.1 Considérations générales

Le SFA est un appareil qui découle de recherches et de développements de plusieurs groupes de recherches depuis le milieu du 20ème siècle. En 1954, Derjaguin et al ont introduit pour la première

fois un « appareil de mesure de forces ». 182 Ils utilisent pour cela une sphère contre un plan dans

le vide, les deux étant en verre, et mesurent la distance de séparation par interférométrie, et la force par un système de microbalance. Les distances ainsi mesurées ne peuvent être inférieures à 100 nm en raison de la rugosité importante du verre. Par la suite, Bailey et Courtney-Pratt amé- liorent l’appareil et la technique en introduisant l’utilisation de surfaces de mica, une géométrie de cylindre croisés, et un interféromètre de Fabry Perrot,183 le tout étant finalement adapté par

Tabor, Winterton et Israelachvili en collant des surfaces de mica avec une face argentée sur des lentilles de verre. 184,185 Les surfaces sont désormais mises en mouvement par un translateur pié-

zoélectrique, permettant de mesurer les interactions avec une précision bien plus grande et les séparations avec une résolution de l’ordre de l’angström, et menant ainsi à l’établissement des premiers profils de force. En 1973, Tabor et Israelachvili ont également rapporté le développe- ment d’un appareil permettant la mesure de forces de friction entre deux surfaces,186 avant d’être

perfectionné pour étudier des surfaces immergées. 187

Le substrat utilisé préférentiellement dans le SFA est le mica muscovite en raison de son extrê- mement faible rugosité qui permet de mesurer des distances allant jusqu’à l’angström, et de sa transparence lorsque son épaisseur devient inférieure à quelques dizaines de micromètres. Les surfaces utilisées dans le SFA ont généralement une épaisseur de l’ordre de quelques micro- mètres, permettant l’utilisation de l’interférométrie optique. Le mica est un matériau biréfrin- gent, ce qui signifie qu’il possède deux indices de réfraction. Les expressions de dispersion des composantes β et γ sont : 187

𝜇 = 1.5846 +4.76 × 10

𝜆

𝜇 = 1.5794 +4.76 × 10

𝜆

(XVIII) (XIX)

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Les feuillets de mica sont collés sur des lentilles cylindriques en verre de même rayon de courbure, et celles-ci sont disposées de façon que les axes de révolution des cylindres soient perpendicu- laires (Figure II-6).

Figure II-6. Représentation schématique de la géométrie « cylindres croisés » et son équivalence géométrique. Avec la permission de 188.

Cette configuration en cylindres croisés est essentielle car elle permet d’avoir un contact ponc- tuel, elle est équivalente mathématiquement à celle d’une sphère sur un plan, et grâce à l’ap- proximation de Derjaguin,126,189 permet de lier la force normale mesurée et l’énergie de surface :

𝐸(𝐷) =

𝑓 (𝐷)

2𝜋𝑅

Avec 𝐸(𝐷) l’énergie en fonction de la distance de séparation 𝐷 pour des surfaces planes, 𝑓 (𝐷) la force normale en fonction de la distance de séparation 𝐷, et 𝑅 le rayon de courbure des cy- lindres.

En outre, en cas d’endommagement ou de contamination d’une des surfaces, il est possible de déplacer une des surfaces pour avoir un nouveau point de contact vierge. Notons également que sous l’effet de charge normale appliquée, les surfaces peuvent se déformer élastiquement (no- tamment la colle entre le mica et le cylindre) ; le contact n’est alors plus ponctuel, mais une sur- face circulaire.

L’originalité de cette technique réside la mesure de la séparation entre les deux surfaces, qui s’effectue par interférométrie optique. Pour ce faire, une couche d’argent d’environ 50 nm est

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déposée sur les surfaces de mica, sur la face collée sur les lentilles de verre. Ainsi, lorsqu’elles sont traversées par la lumière, les surfaces créent un interféromètre de Fabry-Perrot. Des franges d’interférence sont créées, appelées franges d’ordre chromatique égal (Fringes of Equal Chroma- tic Ordre, FECO) et lorsque les surfaces s’approchent, les longueurs d’onde de ces franges se dé- calent (Figure II-7). Il est possible à l’aide des franges de calculer la séparation entre les surfaces et l’indice de réfraction du film confiné entre les surfaces de mica. La théorie de l’interféromètre sera abordée plus loin.

Figure II-7. Représentation schématique de l'appareil de mesure de forces de surface. Avec la per- mission de 188.

La forme des franges est également une conséquence de la géométrie cylindres croisés du con- tact. En calibrant la caméra pour convertir le nombre de pixels en dimension réelle, il est possible de calculer les rayons de courbure des cylindres localement au point de contact, de déceler tout

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endommagement et aussi de mesurer l’aire d’un contact. En effet, lorsque les deux surfaces sont en contact, le sommet des franges s’aplatit proportionnellement au diamètre de l’aire de contact. La valeur de cette aire de contact est essentielle pour normaliser la contrainte exercée, et ainsi s’affranchir des caractéristiques géométriques propres à chaque expérience et pouvoir alors com- parer plusieurs études entre elles.

Le SFA que nous utilisons a été modifié pour réaliser les mesures tribologiques, c’est-à-dire étu- dier le comportement des surfaces en contact sous cisaillement. Simplement, un actuateur pié- zoélectrique assure le mouvement tangentiel de la surface inférieure. La force de friction est ob- tenue en mesurant la déformation des ressorts verticaux supportant la surface supérieure (Figure II-8), grâce à des jauges de contrainte fixées sur ces ressorts sur lesquelles nous reviendrons par la suite.

Figure II-8. Représentation schématique du fonctionnement des mesures tribologique du SFA. Du point de vue pratique, nous appliquons une charge normale sur les surfaces en rapprochant les surfaces l’une de l’autre, puis la surface inférieure est déplacée latéralement selon des cycles (mouvement imposé triangulaire) à une vitesse constante que nous imposons par deux para- mètres, la fréquence et l’amplitude du mouvement. Si le déplacement induit des forces de cisail- lement, nous observons une déflexion du ressort vertical qui est mesurée par le signal électrique des jauges de contrainte. L’intégralité des éléments (surfaces, ressorts, jauges, actuateur piézoé- lectrique) est située dans la chambre fermée du SFA dans laquelle est injectée la solution à étu- dier. 190

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