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Chapitre III – Résultats et discussion

III- B.3.3 Fonctionnalisation avec l’EHTES et l’ECHETES

Ces molécules n’ayant que peu de point commun avec l’AUTES et l’APTES, il nous a fallu dans un premier temps mettre au point et optimiser le protocole de fonctionnalisation. La première étape pour cela a été de déterminer une concentration optimale en ECHETES et EHTES pour la solution dans laquelle nous immergeons les surfaces. Cette solution doit offrir un recouvrement maximal des surfaces sans former d’agrégats en surface, qui pourraient par la suite invalider les mesures effectuées avec le SFA. La gamme de concentrations a été basée sur les conditions utilisées pour le greffage de l’AUTES, qui nécessite une concentration très faible (1 mM), mais dont les amines primaires catalysent la réaction. Nous avons décidé de commencer avec un ordre de grandeur de plus, soit 10 mM, pour compenser l’absence de catalyseur, pour monter jusqu’à 100 mM, avec une concentration intermédiaire, 50 mM. Concernant le solvant et la température, aucune modi- fication au protocole de l’AUTES n’a été effectuée – nous utilisons donc de l’éthanol absolu à température ambiante. Le second paramètre que nous avons fait varier est le temps de réaction. En effet, l’AUTES ne nécessite qu’un temps très court en raison de la catalyse par les amines pri- maires, alors que de nombreux alkylsilanes sont mis en présence de substrat activé pendant deux heures.19,196 Nous avons donc laissé les surfaces réagir avec les époxysilanes pendant 2 heures, à

l’instar d’alkylsilanes simples. Une fois la réaction terminée, les substrats sont rincés abondam- ment à l’éthanol absolu, puis insérés dans une étuve pour un recuit de 90 minutes à 120°C. La méthode de caractérisation employée pour confirmer le greffage des monocouches d’EHTES et d’ECHETES sur le mica est l’AFM. En effet, la faible rugosité naturelle du mica (RMS générale- ment inférieure à 0,2 nm 198) permet de facilement d’observer la présence ou non d’une couche

continue de molécules greffées en surface. En outre, l’AFM permet d’évaluer la présence et les dimensions d’éventuels agrégats qui peuvent apparaître lorsque la concentration est trop élevée. Les deux époxysilanes ont donc été greffés sur des surfaces de mica dans ces différentes condi- tions de concentration, puis imagées à l’AFM (Figure III-34).

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Figure III-34. Images AFM de 1 µm2 de surfaces de mica fonctionnalisées avec de l'EHTES (haut) et

de l'ECHETES (bas) à 10 mM (gauche), 50 mM (centre) et 100 mM (droite), obtenues en tapping mode dans l’air.

Les surfaces présentent toutes de petits agrégats de très petites dimensions avec une épaisseur comprise entre 1 et 2 nanomètres et un rayon entre 10 et 30 nm. En revanche, dans le cas des concentrations de 100 mM, de gros agrégats sont visibles, avec cette fois une épaisseur moyenne supérieure à 2 nm pour l’ECHETES et 5 nm pour l’EHTES, et un diamètre de l’ordre de 100 nm pour l’ECHETES et supérieur à 50 nm pour l’EHTES. Étant donné la taille caractéristique des mi- crogels, au minimum de l’ordre de la centaine de nanomètre de diamètre, les petits agrégats ne représentent pas un problème puisque les variations de topologie de surface qu’ils induisent ne se ressentiront pas une fois les microgels chimisorbés. En revanche, les agrégats observés à 100 mM sont suffisamment gros pour modifier localement la hauteur et l’adhérence des mono- couches de microgels. Ces premiers résultats tendent à montrer que la concentration de 100 mM est trop élevée pour la fonctionnalisation du mica. Concernant la rugosité, les valeurs correspon- dant aux images de la Figure III-34 sont rapportées au Tableau III-6.

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Tableau III-6. Valeurs RMS de surfaces de mica fonctionnalisées avec EHTES et ECHETES à 10, 50 et 100 mM.

Concentration 10 mM 50 mM 100 mM

Valeurs RMS EHTES 0,234 nm 0,167 nm 0,409 nm

ECHETES 0,227 nm 0,078 nm 0,108 nm

Ces valeurs apportent plusieurs informations. Tout d’abord, la rugosité est à son minimum à la concentration intermédiaire de 50 mM pour les deux molécules, ce qui indique que cette concen- tration forme les monocouches les plus lisses. Ensuite, la rugosité avec l’ECHETES est systémati- quement inférieure à celle avec l’EHTES, ce qui indique que l’ECHETES forme les monocouches les plus lisses. Ces premiers résultats montrent que 50 mM est une concentration menant à des sur- faces satisfaisantes et que l’ECHETES semble être la meilleure molécule pour la fonctionnalisation de nos substrats en surfaces époxy. Néanmoins, il faut vérifier la stabilité des deux monocouches en milieu aqueux et évaluer si les microgels se greffent mieux sur l’une des deux molécules. Dans ce but, des mesures d’angle de contact ont été effectuées pour déterminer quelle molécule formait la couche la plus hydrophobe, protégeant ainsi les liaisons Si-O-Si de l’hydrolyse. Ainsi, il apparaît que les couches d’EHTES présentent un angle de contact avec l’eau pure de 55°, et de 70° pour l’ECHETES, indiquant à nouveau un meilleur comportement pour ce dernier. Notons éga- lement que des mesures d’ellipsométrie ont été effectuées, mais les deux molécules donnent la même épaisseur de 0,5 ± 0,05 nm, ce qui est cohérent avec la longueur de leurs chaînes carbonées respectives. Ce résultat, bien qu’il confirme le dépôt d’une monocouche homogène et du carac- tère plus hydrophobe de l’ECHETES, ne permet pas d’évaluer la stabilité hydrolytique des couches.

Afin d’évaluer la robustesse de ces monocouches auto-assemblées d’époxysilanes en milieu aqueux, il suffit de les immerger dans de l’eau Milli-Q, puis de les comparer avec l’état de la sur- face avant l’immersion. C’est donc ce qui a été fait avec nos surfaces fonctionnalisées avec l’EHTES et l’ECHETES (à partir d’une solution 50 mM) pendant 15h dans l’eau à température ambiante, puis séchées et à nouveau imagées en AFM (Figure III-35). Ces images montrent que la couche

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d’EHTES est altérée en milieu aqueux, puisqu’il y a apparition de multiples agrégats plus volumi- neux qu’avant l’immersion. En revanche, la couche d’ECHETES n’est pas perceptiblement modi- fiée par ce traitement.

Figure III-35. Images AFM de surfaces fonctionnalisées avec EHTES (haut) et ECHETES (bas) avant (gauche) et après immersion (droite) pendant 15 heures dans de l'eau Milli-Q, obtenues en tapping mode dans l’air.

La dernière étape nécessaire pour déterminer lequel des deux alkylsilanes est le plus approprié pour nos systèmes est la réactivité vis-à-vis des microgels. Pour cela, il faut immerger les surfaces fonctionnalisées dans une solution de microgels dans les mêmes conditions de concentration, température et temps d’exposition. Les conditions choisies sont donc les suivantes : solution de

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microgels MPNS à 0,1%w, à 50°C pendant 3 heures. Les surfaces fonctionnalisées ont été immer- gées dans cette solution immédiatement après le recuit, puis rincées à l’eau Milli-Q et séchées à l’azote après réaction. Ces surfaces décorées de MPNS ont ensuite été imagées en AFM (Figure III-36).

Figure III-36. Images AFM de microgels MPNS greffés sur des surfaces fonctionnalisées avec EHTES (gauche) et ECHETES (droite) , obtenues en tapping mode dans l’air.

Ces images nous suggèrent que les surfaces fonctionnalisées avec des époxysilanes mènent bel et bien à un greffage chimique, l’indication principale étant la disposition aléatoire des nanopar- ticules sur la surface, contrairement à la physisorption qui engendre un arrangement hexagonal (Figure 49). Également, il est possible de déterminer la densité de greffage des microgels, et il apparaît que l’EHTES mène à environ 8 ± 1 microgels/µm2, contre 10 ± 1 microgels/µm2 dans le

cas de l’ECHETES. Ceci est très certainement imputable au comportement de l’EHTES en milieu aqueux, comportement décrit précédemment (Figure III-35).

En conclusion, l’ECHETES forme des monocouches auto-assemblées plus lisses, plus homogènes et plus stables en milieu aqueux que l’EHTES, ce qui en conséquence mène à un greffage légère- ment plus dense des microgels sur les substrats fonctionnalisés. Il s’agit donc de la molécule la

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plus adaptée pour le greffage chimique de nos microgels. En outre, le protocole optimal de fonc- tionnalisation des substrats est très peu modifié comparé à celui de l’AUTES : après activation des surfaces, celles-ci sont immergées dans une solution d’ECHETES dans l’éthanol absolu à 50 mM pendant 2 heures à température ambiante, puis rincées à l’EtOH absolu et séchées à l’azote sec avant d’être mises au recuit pendant 90 minutes à 120°C. Les surfaces sont alors fonctionnalisées, et prêtes à être immergées dans la solution de microgels désirée pour effectuer le greffage chi- mique (Figure III-37).

Figure III-37. Schéma de l'activation d'un substrat suivi du greffage d'une monocouche d'ECHETES.