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Au Québec, la disparition de plusieurs espèces et la précarité actuelle de certaines autres sont reliées de près aux activités humaines. La détérioration ou la destruction des habitats est la principale agression qui entraîne la raréfaction des espèces. Cette modification des habitats est en partie causée par certaines pratiques liées à l’exploitation forestière et au développement de la villégiature.

La conservation de la faune et de ses habitats représente un aspect important du travail accompli par la Société de la faune et des parcs. C’est pourquoi la Société a établi des priorités en matière de conservation afin d’assurer le maintien de la diversité biologique et la protection du milieu naturel. Certaines de ces priorités concernent la conser vation des milieux de vie de la faune dans les secteurs forestiers de même que la gestion durable du territoire dans un contexte de gestion intégrée des ressources.

En Mauricie, les priorités de la Société, en ce qui concerne la conservation des espèces et des habitats, vont à la sauvegarde de la tortue des bois et à la protection des espèces piscicoles sensibles au développement de la villégiature (touladi et omble chevalier). En collaboration étroite avec les partenaires du milieu, plusieurs espèces sens ibles ou habitats d’espèces sensibles ont été sauvegardés grâce à des efforts concertés de protection. Des sommes considérables ont été investies pour ces espèces, ce qui démontre que la conservation de la faune et des habitats peut entraîner des impacts économiques non négligeables.

2.1 Les espèces menacées ou vulnérables : le cas de la tortue des bois

Adoptée, en 1989, la Loi sur les espèces menacées ou vulnérables permet au gouvernement d'établir une liste d'espèces susceptibles d'être désignées menacées ou vulnérables. La liste joue un rôle préventif en officialisant la situation très précaire des espèces qui y sont inscrites et oriente les moyens pour stabiliser et améliorer leur situation.

La tortue des bois est l’une des espèces qui figurent sur la Liste des espèces de la faune vertébrée susceptibles d'être désignées menacées ou vulnérables. À l’instar d’autres espèces qui apparaissent sur cette liste, la tortue des bois a reçu une attention particulière afin d’assurer sa protection. À la fin des années 1990, des travaux d'acquisition de connaissances (inventaire, utilisation de l'habitat, etc.) lui ont été spécialement dédiés en Mauricie. Ces travaux auront permis d'accroître les connaissances sur l’espèce. Ainsi, dans la région, plus de 500 000 dollars ont été investis dans la recherche et l’acquisition de connaissances de même que dans des activités de conservation et d’intendance (dont une partie sur terres publiques) pour la tortue des bois.

Le fruit de tout le travail effectué au Québec sur la tortue des bois a été compilé dans un rapport sur la situation de l’espèce1. On y apprend que les principales menaces pour la survie de la tortue des bois sont la dégradation et la destruction de son habitat, l'accroissement de l'activité humaine (dérange ment), la capture d'individus à des fins de collection et de commerce, la mortalité accidentelle (routes, machinerie agricole) et la destruction des nids par des prédateurs. En se basant sur le rapport de situation de l’espèce, le comité responsable de la désignation d'un statut a recommandé que le statut de « vulnérable » soit attribué à la tortue des bois. Ce statut sera officialisé sous peu, en vertu des pouvoirs attribués au gouvernement par la Loi sur les espèces menacées ou vulnérables.

Par la suite, l'équipe multidisciplinaire qui sera chargée de son rétablissement devra préparer un plan d'action provincial comprenant l'identification des actions à mettre de l'avant afin d'éviter sa disparition (modalités de gestion, protection, conservation). La rédaction de ce plan visant le rétablissement de la population de tortue des bois devrait débuter en 2003-2004.

Par ailleurs, la Société de la faune et des parcs travaille actuellement, avec l’aide de partenaires du milieu, sur un projet de conservation volontaire (programme d’intendance) de la tortue des bois en Mauricie. Le programme de protection s’inscrira dans les objectifs de la création d’aires protégées légalement désignées (création d’une réserve naturelle en milieu privé, protection de l’habitat d’une espèce vulnérable ou menacée, site protégé par la Fondation de la faune du Québec).

1 GALOIS, P. et J. BONIN. 1999. Rapport sur la situation de la tortue des bois (Clemmys insculpta) au Québec. Faune et Parcs Québec. Direction de la faune et des habitats, Québec. 45 p.

Entre-temps, des mesures de protection ont déjà été convenues entre la Société de la faune et des parcs du Québec et le ministère des Ressources naturelles afin de protéger la tortue des bois. Elles ont été élaborées conformément à l’Entente administrative concernant les espèces menacées ou vulnérables de faune et de flore dans les milieux forestiers du Québec2.

Bien que pouvant être perçue comme une contrainte à l’exploitation forestière, la conservation d’une espèce en situation précaire, telle que la tortue des bois, peut avoir des impacts positifs et s’avérer avantageux du point de vue économique, écologique et social.

En effet, les gestes de protection qui sont posés peuvent avoir une incidence dans la communauté par la valeur écotouristique ou la renommée que ces gestes procurent à la région. Par ailleurs, la tortue des bois, de par son statut précaire et sa présence dans plusieurs bassins versants (dont ceux de la rivière Saint-Maurice et de la rivière du Loup), a un rôle important à jouer comme indicateur de la qualité des milieux de vie tant pour la faune que pour les humains qui y résident.

2.2 Les espèces sensibles : le touladi et l’omble chevalier

Alors que la majorité des espèces animales évoluant en milieu terrestre peuvent se déplacer afin de se soustraire à une menace ou un danger immédiat dans l’habitat, les espèces aquatiques, dont les poissons, sont captives de l’habitat que représente le plan d’eau où elles sont confinées.

Les données historiques montrent que l’omble chevalier est disparu d’au moins six lacs en Mauricie et d’une trentaine dans le sud du Québec. Cette espèce est sensible à l’introduction d’espèces compétitrices et à l’eutrophisation des plans d’eau, surtout due au développement de la villégiature. Ce développement est, quant à lui, facilité par la construction des nouveaux chemins forestiers. Ainsi, le déploiement du réseau routier forestier a des conséquences directes sur l’accessibilité au territoire des villégiateurs et des pêcheurs. Il a également un impact sur les plans d’eau qui abritent des espèces sensibles comme l’omble chevalier.

Le touladi, quant à lui, est un poisson prisé par les pêcheurs sportifs. Son cycle vital est bien connu : il se reproduit l’automne à un âge relativement avancé, à partir de sept ans en moyenne, dans des zones de galets en pente forte, soumis à l’action des vagues et donc peu profondes. Les populations de touladi sont sensibles à la surexploitation par la pêche et leur récupération est longue et incertaine. De nombreuses mesures ont été adoptées pour contrôler ce facteur : abandon de la pêche d’hiver, réduction des limites de prises, remise à l’eau des poissons et réduction de la saison de pêche. Ces mesures n’ont pas entraîné de réduction de l’intérêt pour la pêche au touladi. Toutefois, en dehors des territoires fauniques, il existe peu d’autres moyens de contrôler la pêche sans la fermer totalement, avec les pertes économiques que cela entraîne. D’autre part, le marnage des réservoirs peut exonder les œufs de touladi et entraîner leur mortalité; des recherches et

2 Entente administrative MRN-MEF concernant la protection des espèces fauniques et floristiques susceptibles d’être

des ententes partielles, en partenariat avec Hydro-Québec, sont en cours à ce sujet3. Sans être majeur, il existe un lien entre les opérations forestières dans les bassins versants et la gestion de l’eau. En termes de gestion intégrée des ressources et d’impact sur la faune et leurs habitats, l’eau et la forêt sont deux composantes incontournables.

2.3 Les demandes régionales

La protection des habitats des espèces sensibles et menacées ou vulnérables est un élément clé de survie. Certains habitats (ex : aire de confinement du cerf de Virginie, héronnière) bénéficient déjà d’une protection légale en vertu du Règlement sur les habitats fauniques de la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune. D’autres habitats ne sont pas inclus dans ce règlement, comme l’habitat de la tortue des bois.

Ainsi, plusieurs espèces ne bénéficient pas d’une protection adéquate de leurs habitats.

C’est pourquoi nous demandons :

Que les mesures de protection de la tortue des bois (Entente MRN -FAPAQ) concernant les activités reliées aux opérations forestières sur les terres du domaine de l’État soient appliquées de façon rigoureuse.

Que les mesures de protection qui seront incluses dans le Plan de rétablissement de la tortue des bois soient prises en considération dans la planification des activités d’exploitation forestière.

Qu’une partie des sommes provenant des redevances de l’exploitation de la forêt en Mauricie soit consacrée aux projets de conservation de la faune et des habitats des espèces menacées et vulnérables et des espèces sensibles.

Que le développement de la villégiature riveraine respecte les principes du développement durable. Nous proposons les exclusions suivantes :

§ les lacs à touladi et à omble chevalier, en autant que l’habitat soit de bonne qualité;

§ les lacs de moins de 20 ha pour leur fragilité environnementale et par équité sociale (privatisation effective des lieux);

§ les tronçons des rivières à ouananiches (très restreintes en Mauricie).

Que la gestion des réservoirs pour l’hydroélectricité ou la régularisation des eaux tienne compte de besoins des espèces de poissons présentes, surtout les activités entourant la reproduction. Les espèces les plus sensibles sont le doré jaune au printemps et le touladi à l’automne.

3 La restauration du touladi des réservoirs de la Haute-Mauricie. Plan de mise en œuvre et suivi de l’efficacité des mesures. Entente de partenariat entre le ministère de l’Environnement et de la faune et Hydro-Québec, décembre 1998.

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