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Le Conseil d’Etat doit son existence à la Constitution de 1856 et à la volonté du Roi Grand-Duc de créer, « à côté du Gouvernement, un conseil appelé à délibérer sur les projets de loi et les amendements qui pourraient y être proposés, ainsi que sur les contestations concernant la légalité des arrêtés et règlements généraux; à régler les conflits d’attribution et les questions du contentieux administratif; et à donner son avis sur toutes autres questions qui lui seront déférées par le Roi Grand-Duc ou par les lois »170. Dépouillé de ses fonctions juridictionnelles lors de la révision constitutionnelle du 12 juillet 1996, le Conseil d’Etat se présente aujourd’hui comme un organe consultatif appelé à se prononcer notamment sur les projets et propositions de loi ainsi que sur les projets de règlement grand-ducal.

En matière législative, son intervention consultative consiste à:

- vérifier la conformité des projets et propositions de loi avec la Constitution, les traités internationaux, les actes juridiques de l’Union européenne et les principes généraux du droit (contrôle ex ante);

- contrôler la qualité légistique des textes engagés dans la procédure;

- émettre une opinion générale sur le bien-fondé de la démarche sous-jacente aux projets et propositions de loi lui soumis et sur la cohésion des textes en projet avec le cadre légal en place.

En matière réglementaire, les avis du Conseil d’Etat sont émis dans la même optique, tout en incluant en plus un contrôle de la légalité des textes réglementaires en projet. Le Conseil d’Etat n’est toutefois appelé à se prononcer que si le pouvoir exécutif n’entend pas adopter le projet de règlement grand-ducal en invoquant l’urgence, dans les cas où la loi n’exige pas de consultation obligatoire du Conseil d’Etat.

Tant en matière législative qu’en matière réglementaire, le Conseil d’Etat peut faire accompagner ses avis d’un contre-projet de texte.

D’après sa loi organique, le Conseil d’Etat peut encore être sollicité à émettre un avis de principe sur des questions lui soumises par le Gouvernement avant qu’il ne soit saisi de la part de celui-ci d’un projet de loi ou de règlement en due forme (cf. article 3, premier alinéa de la loi modifiée du 12 juillet 1996 portant réforme du Conseil d’Etat), l’article 83bis de la Constitution prévoyant à son tour que le Conseil d’Etat est appelé à donner son avis « sur toutes autres questions qui lui seront déférées par le Gouvernement ou par les lois ».

Enfin, le Conseil d’Etat peut appeler l’attention du Gouvernement sur l’opportunité de nouvelles lois ou de nouveaux règlements ou de modifications à apporter à des textes normatifs existants, et le Gouvernement peut lui demander de préparer un projet de loi ou de règlement s’il y a accord sur le principe (cf. article 3, deuxième et troisième alinéas de la loi précitée de 1996).

170 Cf. Constitution du 27 novembre 1856, art. 76, deuxième alinéa.

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Article 103 (Articles 84 et 85 selon le Conseil d’Etat)

La révision du 13 juin 1989 avait remplacé le deuxième alinéa de l’article 76 de la Constitution par un nouveau chapitre Vbis qui était spécialement réservé au Conseil d’Etat. Le contenu de ce chapitre se limite à un seul article, l’article 83bis, qui a été modifié le 12 juillet 1996 en vue de supprimer les fonctions du Conseil d’Etat en matière de contentieux administratif. Les auteurs de la proposition de révision estiment que le texte en vigueur, qui est censé y faire l’objet de l’article 103, n’appelle pas de modification. Dans sa prise de position précitée du 22 juin 2011, le Gouvernement y a marqué son accord.

La proposition de révision maintient par ailleurs en l’état la disposition constitutionnelle relative à l’obligation de soumettre toutes les lois à un second vote parlementaire, à moins qu’il n’y ait accord entre la Chambre des députés et le Conseil d’Etat pour dispenser de ce second vote constitutionnel le projet ou la proposition de loi voté(e) une première fois (cf. article 84 de la proposition de révision, article 72, paragraphe 5 selon le Conseil d’Etat).

En examinant le chapitre 4 de la proposition de révision relatif à la Chambre des députés, le Conseil d’Etat a estimé indiqué de regrouper dans un seul et même article l’ensemble des dispositions concernant la procédure législative (cf. article 72 selon la numérotation retenue par le Conseil d’Etat).

Dans cet ordre d’idées, il a proposé d’intégrer à l’article en question non seulement les dispositions sur le double vote des lois adoptées par la Chambre, mais d’y prévoir aussi dans un paragraphe 3 l’obligation de soumettre à son avis tous les projets et propositions de loi ainsi que les amendements afférents avant que le texte puisse être soumis au vote de la Chambre. Le paragraphe 4 du même article reprend encore la faculté de la Chambre d’obliger sous certaines conditions le Conseil d’Etat à rendre son avis dans un délai déterminé, et de passer au vote si l’avis n’est pas disponible au terme du délai imparti.

Le Conseil d’Etat a en outre suggéré, à titre subsidiaire, de faire assumer dans l’hypothèse de l’article 50 de la proposition de révision (article 55 selon le Conseil d’Etat), l’interrègne non par le Gouvernement mais par un collège composé du président de la Chambre des députés, du Premier ministre et du président du Conseil d’Etat.

Si le Conseil d’Etat est suivi en ce qui concerne plus particulièrement sa proposition de texte relative à la procédure législative, l’article 103 de la proposition de révision devra être adapté en conséquence.

Le Conseil d’Etat n’entend remettre en cause ni la forme monocamérale du Parlement luxembourgeois ni sa propre fonction essentiellement consultative en matière législative et réglementaire.

S’il partage dans ces conditions avec la Chambre des députés et le Gouvernement l’intérêt de ne rien changer au rôle institutionnel qui est le sien, il s’interroge cependant sur les avantages qu’il y aurait à consolider ce rôle au niveau de la Constitution grâce à une évocation plus détaillée de ses fonctions.

Le souci de réserver à ses fonctions un cadre constitutionnel explicite, équivalent à celui qui y est prévu pour les autres institutions majeures de l’Etat,

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et la nécessité d’adapter le texte de l’article 103 de la proposition de révision aux dispositions relatives à la procédure législative qu’il a suggérées à l’endroit du chapitre traitant de la Chambre des députés, amènent le Conseil d’Etat à proposer la reprise dans la Constitution de ses compétences énoncées actuellement dans sa loi organique de 1996.

Il lui semble utile d’évoquer en particulier à cet égard les aspects de son analyse des dossiers qui, selon la pratique courante, peuvent donner lieu à des

« oppositions formelles » lorsque le dossier législatif comporte des non-conformités par rapport à la Constitution, au droit international, au droit européen ou aux principes généraux du droit.

Quant à l’intervention du Conseil d’Etat dans la procédure d’adoption des règlements grand-ducaux, la possibilité du Gouvernement de renoncer à cette consultation en cas d’urgence peut être limitée par la loi qui peut prévoir que ses règlements d’exécution soient obligatoirement soumis à l’avis du Conseil d’Etat. Il échet en particulier de ne pas écarter la possibilité de cette limitation légale en relation avec la procédure allégée préconisée par ailleurs par le Conseil d’Etat pour transposer les actes juridiques de l’Union européenne, surtout dans le cas particulier où la transposition intervient dans une matière réservée à la loi.

Enfin, tant le texte de la proposition de révision que la loi organique de 1996 prévoient la possibilité de déférer au Conseil d’Etat d’autres questions.

Cette possibilité peut être mise en œuvre soit sur base de la loi, soit à l’initiative du Gouvernement. Aux yeux du Conseil d’Etat, il serait plus logique de se rapporter à la loi pour fixer le cadre de cette dernière forme de consultation, tout en conférant tant à la Chambre des députés qu’au Gouvernement la faculté d’y recourir dans le cadre normatif ainsi tracé.

Dans ces conditions, le Conseil d’Etat préconise de reformuler dans le sens indiqué la rédaction de l’article 103 de la proposition de révision et de prévoir à cet effet deux articles distincts, le premier traitant de ses compétences, le second évoquant la façon de régler la composition et le fonctionnement de l’institution. Quant au premier de ces articles, il est proposé de reprendre les dispositions pertinentes de l’article 2 de la loi organique de 1996, tout en y apportant les aménagements rédactionnels énoncés ci-avant. Il paraît en particulier de mise d’ajouter de façon explicite les actes juridiques de l’Union européenne parmi les normes de droit supérieures auxquelles les projets de textes examinés par le Conseil d’Etat doivent être conformes. Quant au contenu du second de ces articles, le Conseil d’Etat propose de reprendre de manière littérale le libellé du deuxième alinéa de l’article 103 de la proposition de révision.

Dans la mesure où sont visés les avis du Conseil d’Etat relatifs aux projets et propositions de loi, le texte proposé reprend ainsi le principe déjà inscrit parmi les dispositions destinées à régir la procédure législative (cf.

article 72 selon la numérotation du Conseil d’Etat), tout en mettant dans le contexte sous examen l’accent sur le contenu de l’avis plutôt que sur les aspects procéduraux. Une redondance analogue se retrouve d’ailleurs aussi dans les dispositions traitant du pouvoir exécutif qui est exercé en commun par le Chef de l’Etat et le Gouvernement (cf. articles 52, deuxième alinéa et 99,

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paragraphes 1er et 2 de la proposition de révision, devenus les articles 42 et 79, deuxième alinéa selon le Conseil d’Etat). Cette approche semble justifiée aux yeux du Conseil d’Etat pour assurer l’agencement logique interne des différents chapitres de la future Constitution.

Tout en donnant aux deux articles la numérotation qui se dégage de ses propositions de reformulation du texte de la proposition de révision relatives aux articles précédents, le Conseil d’Etat suggère d’y réserver le libellé suivant:

« Art. 84. Le Conseil d’Etat donne son avis sur les projets de loi et les propositions de loi ainsi que sur les amendements qui pourraient y être proposés. S’il estime qu’un projet de loi ou une proposition de loi comporte des dispositions non conformes à la Constitution, aux traités internationaux auxquels le Grand-Duché de Luxembourg est partie, aux actes juridiques de l’Union européenne ou aux principes généraux du droit, il en fait mention dans son avis.

Sauf les cas d’urgence à apprécier dans les limites de la loi par le Chef de l’Etat, le Conseil d’Etat donne son avis sur les projets de règlement à prendre pour l’exécution des lois et des traités internationaux et pour l’application des actes juridiques de l’Union européenne. S’il estime que le projet de règlement n’est pas conforme aux normes de droit supérieures, il en fait mention dans son avis.

La Chambre des députés et le Gouvernement peuvent déférer au Conseil d’Etat toutes autres questions selon les modalités prévues par la loi.

Art. 85. L’organisation du Conseil d’Etat et la manière d’exercer ses attributions sont réglées par la loi. »

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Chapitre 7.- De la Justice

Le chapitre réservé à la Justice, dans la proposition de révision, présente la particularité que deux questions fondamentales ont été réservées dans l’attente d’une prise de position du Gouvernement, celle de l’organisation judiciaire et celle de la création d’un Conseil national de la justice.

Dans sa prise de position du 22 juin 2011, le Gouvernement a suggéré la création d’un Conseil national de la justice. Il a annoncé son intention de

« modifier la hiérarchie judiciaire avec la finalité d’aboutir à une simplification de l’organisation judiciaire et à une meilleure répartition des compétences », et

« d’instaurer une cour suprême au sommet de cette hiérarchie ». Si le « texte organique de la Cour suprême est appelé à trouver sa place à l’endroit de l’article 120 nouveau », la prise de position indique cependant que « en raison des discussions en cours au sujet de l’introduction de la Cour suprême, (…) le Gouvernement ne peut pas encore se prononcer définitivement sur la configuration de l’article en question ».

Le Conseil d’Etat a pris connaissance de l’avis commun de la Cour supérieure de justice, du Parquet général, du Parquet près le Tribunal d'arrondissement de Luxembourg, du Tribunal d'arrondissement de Diekirch, du Parquet près le Tribunal d'arrondissement de Diekirch et de la Justice de paix de Diekirch, de l’avis de la Cour administrative, ainsi que des avis particuliers du Tribunal d'arrondissement de Luxembourg et de la Justice de paix d'Esch-sur-Alzette sur la proposition de révision171.

Intitulé et subdivision du chapitre 7

Alors que les auteurs de la proposition de révision maintiennent l’intitulé du chapitre VI de la Constitution actuelle « De la Justice », le Gouvernement propose de retenir, à l’instar de la Constitution belge, l’expression « Du pouvoir judiciaire » qu’il considère comme une notion plus précise.

Le Conseil d’Etat constate que le concept de « pouvoir » ne figure dans l’intitulé d’aucun des chapitres de la Constitution. Les intitulés des chapitres suivent une logique organique. La détermination des fonctions ou pouvoirs des organes est opérée dans les dispositions pertinentes figurant dans chaque chapitre. Dans cette logique, le Conseil d’Etat entend le recours à la notion de

« pouvoir » évoquée dans la prise de position gouvernementale à l’article 104, à l’instar de la référence au « pouvoir exécutif » dans l’article 52 de la proposition de révision (articles 42 et 79 selon le Conseil d’Etat) ou à celle au pouvoir législatif que le Conseil d’Etat a proposé d’ajouter à l’article 61 de la proposition de révision (article 59 selon le Conseil d’Etat). Pour des raisons de cohérence avec les autres intitulés, il déconseille d’utiliser le concept de

« pouvoir » dans l’intitulé du chapitre, alors qu’il le proposera pour le libellé de l’article 104 de la proposition de révision (article 86 selon le Conseil d’Etat).

Il y aura donc lieu de s’en tenir au libellé de la proposition de révision et d’écrire: « Chapitre 7.- De la Justice ».

171 Cf. doc. parl. n° 60304.

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Contrairement aux autres chapitres prévus dans la proposition de révision, celui relatif à la Justice requiert une prise en compte tant des propositions avancées par la commission parlementaire que d’un ensemble important d’éléments de réorganisation de l’appareil judiciaire et du fonctionnement de la Justice qui se dégagent de la prise de position gouvernementale. Dans la mesure où il entend proposer une nouvelle structure du chapitre sous examen qui s’écarte aussi bien de l’approche parlementaire que de la prise de position gouvernementale, le Conseil d’Etat a préféré analyser les réflexions et propositions en présence selon la structure qu’il suggère lui-même de réserver aux dispositions visées plutôt que de rester en ligne avec la trame qui se dégage de la proposition de révision.

La proposition de révision articule le chapitre en quatre sections portant les intitulés suivants: « Dispositions communes », « Des juridictions de l’ordre judiciaire », « Des juridictions administratives », « De la Cour Constitutionnelle ». Le Gouvernement, dans sa prise de position, propose l’ajout d’une cinquième section intitulée « Du Conseil national de la Justice ».

Dans la logique de la création de la Cour suprême et de la suppression concomitante de la Cour constitutionnelle ainsi que de l’atténuation de la division en ordre judiciaire et administratif qu’implique cette réforme, le Conseil d’Etat propose une articulation différente comportant les quatre sections suivantes intitulées respectivement: « De l’organisation de la Justice »,

« Du statut des magistrats », « Du Conseil national de la justice » et « Des garanties du justiciable ».

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Section 1re.- De l’organisation de la Justice (selon le Conseil d’Etat)