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1 Connaissance de la personne et de la situation familiale :

Chapitre V : Analyse monographique d’un parcours familial

V- 1 Connaissance de la personne et de la situation familiale :

Monsieur B est né le 15 / 02 / 1932 et est âgé de 77 ans. Il est marié et a eu 2 enfants. L’ainée est décédée il y a quatre ans. Il a suivi une scolarité jusqu’à l’âge de 13 ans puis a travaillé en usine pendant 17 ans. Il a ouvert un commerce d’alimentation avec son épouse pendant 17 ans. Il est en retraite depuis 1989. Le couple vit dans une maison dont ils sont propriétaires. Ils ont des revenus suffisants selon le bilan social. Monsieur B est considéré en Affection Longue Durée (ALD).

En 2005, la fille de Monsieur et Madame B est décédée de complications diabétiques. Cet épisode constitue une épreuve douloureuse intense au niveau émotionnel pour le couple.

Génogramme familial

Monsieur B. est le dernier d’une fratrie de 6 enfants avec une sœur et quatre frères, tous décédés, dont le dernier il y a trois ans.

Depuis deux ans, Monsieur B manifeste des difficultés cognitives qui sont couplées depuis quelques temps à des hallucinations visuelles. Il se plaint depuis longtemps d’oublis, de manque du mot. Un premier examen en neuropsychologie début 2008 met en évidence des troubles cognitifs importants concernant la compréhension orale, la mémoire de travail, la mémoire épisodique et le fonctionnement exécutif. (ANNEXE V). Le Mini Mental State Evaluation (MMSE) est à 11/30, ce qui est très bas compte tenu des capacités antérieures de monsieur B. Les recherches reliées à cet outil ont permis de faire des comparaisons entre différentes catégories de patients Alzheimer et les capacités de décision (Griffith H-R., 2005). Ces études ont permis de cibler la catégorie de patients nécessitant une évaluation approfondie des capacités décisionnelles, celle ayant un MMSE entre 18 et 21.3

A la lecture du compte rendu du médecin de la Consultation Multidisciplinaire de la Mémoire du 17 mars 2009, nous pouvons percevoir une approche essentiellement médicale du diagnostic dans le courrier, avec une incertitude quant à l’origine des troubles « cela ressemble assez peu à une démence vasculaire pure, et on s’oriente plutôt vers une démence mixte ».

3 MMSE de Folstein est coté de 1 à 30 : score supérieur à 24 (normal), score entre 18 et 24 (démence légère),

score entre 10 et 18 (démence modérée), score inférieur à 10 (démence sévère).

Francis 55 ans Cyril 28 ans Marie 47 ans Fabien 17 ans Mr B 76 ans Chantal 50 ans Florent 14 ans décédée en 2005 Mm B 75 ans Patrick 47 ans

Les performances de Monsieur B semblent également fluctuer dans le temps et l’ensemble de ces difficultés a des répercussions significatives en vie quotidienne. Des troubles du comportement, ainsi que des troubles de l’humeur (labilité émotionnelle) sont également présents, laissant suggérer que l’altération du fonctionnement s’étend sur de nombreux domaines. Ce profil neuropsychologique évoque une origine neurologique de type dégénératif.

Le compte rendu de Consultation Multidisciplinaire de la Mémoire du 16 juin 2009 relate une dégradation supplémentaire et rapide de la cognition et du comportement allant dans le sens d’un syndrome démentiel sans réellement poser le diagnostic de pathologie d’Alzheimer. Il reste donc un doute vis-à-vis de l’origine des troubles, cela peut amener chez Monsieur B et chez les proches une anxiété pouvant aller jusqu’à la dépression (Pratt R., Wilkinson H., 2001). L’annonce du diagnostic révélé « peut permettre un soulagement dans le sens où elle permet la verbalisation des émotions, la recherche de nouveaux repères » (Péju L., 2004, p 36). Dans la situation de Monsieur B et Madame B le mécanisme de verbalisation ne peut s’appuyer sur la certitude et oscille entre désespoir et espoir.

En juin, la proposition de la consultation multidisciplinaire de la mémoire s’oriente vers des interventions thérapeutiques rééducatives comme la kinésithérapie pour limiter le risque de chute et l’orthophonie pour débuter une rééducation du langage verbal.

Le couple vit depuis près de deux ans avec une maladie inconnue mais qui porte le spectre de la dégénérescence. Entre l’espoir d’une possible évolution des facultés cognitives ou juste un maintien et le risque d’une perte insupportable, comment concevoir l’action médicale proposée ? L’image d’une rééducation sans autre forme adaptative au quotidien ne peut –elle renforcer l’idée d’une possible évolution dans la tête de l’aidant et de l’aidé ? Il ne s’agit pas de dévaloriser une proposition rééducative mais plus de souligner le risque de réductionnisme de l’entreprise vis-à-vis de la complexité de la situation.

La proposition pour l’épouse est de suivre un soutien psychologique. Pour Monsieur B, une hospitalisation de jour a été envisagée avec Madame B. La proposition est faite mais l’épouse « doit réfléchir ».

Pour son épouse, faire le choix de mettre son conjoint en dehors de la maison familiale pour une hospitalisation à la journée est-elle une décision lourde de conséquence ?

Trop rapidement, nous faisons le lien direct entre la capacité cognitive et la capacité décisionnelle.

Bien sûr, la diminution des capacités de raisonnement et des fonctions exécutives limitent l’engagement dans une stratégie amenant à la décision, cependant avant d’arriver à ce stade

G-J Agich (1996) montre qu’il subsiste un mode de décision qui est en lien avec la tâche. P-S. Appelhaum (1999) considère qu’un individu peut être désorienté et capable de faire des choix dans sa vie quotidienne.

Quel est le niveau décisionnel de Monsieur B. sachant que lors de l’entretien avec l’ergothérapeute en février 2009, il est présenté comme « compliant aux soins » ?

Les conséquences des troubles sur l’équilibre familial sont déjà notées dans le premier compte rendu neuropsychologique en 2008 soulignant que « la dépendance envers une aide extérieure, rôle actuellement occupé par sa femme, se fait de plus en plus grande. Il est important de rester attentif au risque d’épuisement de celle-ci et de lui permettre un relais extérieur quand elle parviendra à en faire la demande. »

L’expertise du domicile faite par l’ergothérapeute le 26 / 02 / 09 montre qu’il existe un réel décalage entre les observations faites par Madame B, ce que verbalise Monsieur B, et l’observation des professionnels. En mise en situation au domicile, l’ergothérapeute constate des difficultés dans les tâches dites instrumentales comme lire l’heure, utiliser le téléphone, ouvrir et fermer un robinet.

Monsieur et Madame B minimisent les erreurs faites lors de la toilette et de l’habillage relativisant l’impact sur le quotidien. Son épouse semble être dans un « paradoxe de l’aide » (Nélisse C, 1992) qui consiste bien à demander de l’aide aux professionnels pour être soulagée du fardeau qu’elle porte (Maisondieu J, 2001 ; Darnaud T., 1999) mais elle veut garder une certaine gestion dans la maison en s’engageant dans une production de solutions les moins mauvaises.

Comme le souligne M.Paquet (2001) elle risque de se contraindre à trouver des stratégies de gestion du quotidien, de solutions palliatives souvent coûteuses en énergie et en temps. Déjà en 2008, la neuropsychologue notait dans le compte-rendu : « Madame B semble très présente auprès de son mari et constitue une source de soutien par la compensation de ses difficultés sous la forme de stimulations répétées ainsi que l’élaboration de stratégies de compensation et de guidance comportementale. Ceci alimente la dépendance de Monsieur B vis-à-vis de sa femme … ».

V- 2 Analyse des contextes liés à la situation dans le cadre des entretiens systémiques