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6. Résultats : données brutes et analyse

6.1. Les missions des deux acteurs

6.1.1. La connaissance des missions de chacun

« Tout ce qui est application, j’adapte. J’adapte les exercices. Mais en même temps j’adapte aussi pour ceux qui ne partent pas avec la maître E »

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Dans l’école A, Madame B. adapte son enseignement aux différents rythmes d’apprentissage des élèves, que ce soit avec les élèves suivis par la maître E qu’avec les autres élèves de sa classe. Cependant, Madame D, la maître E, doit rappeler régulièrement aux enseignants ses missions d’adaptation. Son action se concentre essentiellement sur la compréhension des difficultés de l’élève, sur la réflexion de nouvelles aides méthodologiques pouvant aider l’élève et non sur le travail donné par l’enseignant au groupe classe. Il lui semble important de rappeler aux enseignants les missions du maître E puisqu’elle pense que pour pouvoir travailler ensemble il faut connaître ses missions et les missions de ses collègues, comme le témoignent ces paroles :

En effet, la connaissance des missions de chaque acteur, imposées par les prescriptions officielles, permet à chacun d’intervenir auprès des élèves en difficulté à partir de moyens spécifiques à chaque fonction sans se substituer à l’action de l’autre enseignant mais en suivant des objectifs communs. Selon Brisset, Berzin, Villiers et Volck (2009), par

« Si tu arrives à bien comprendre tes missions, à bien faire comprendre aux collègues tes missions, que de temps en temps quand ça déborde de leur rappeler « Attention moi mes missions de maître E elles sont là, moi je fais de l’adaptation je ne fais pas du soutien, vous ne pouvez pas me demander cela ou moi je ne peux pas répondre à cette demande-là ». Donc de temps en temps, de toute façon, même régulièrement il faut rappeler tes missions. Il faut être toi bien au clair dans ton travail, dans tes missions. « Moi mes missions c’est l’adaptation. Je ne suis pas là pour faire du soutien, je ne suis pas là pour faire refaire un exercice qui est échoué dans la classe, ça n’a aucun intérêt. Moi mes missions c’est de me dire cet enfant il échoue dans la classe régulièrement, pourquoi ? Pourquoi il échoue ? Où est le problème ? Qu’est ce qui fait qu’il n’y arrive pas ? »

Madame D, Maître E dans l’école A.

« Tu ne peux pas faire ton métier si tu ne connais pas les règles, les lois, si tu n’es pas

au clair sur les bulletins officiels, si tu n’es pas au clair sur les missions de tous. Ça c’est incontournable. »

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cette pratique les deux enseignants collaborent de façon étroite et établissent un lien entre leurs actions. Ce lien permet aux élèves de réinvestir en classe ce qu’il a acquis avec l’aide apportée par le maître E.

A l’inverse, un décalage entre les textes institutionnels, décrivant les missions de chacun, et l’application sur le terrain peut empêcher de collaborer étroitement, comme nous le montre l’exemple de l’école B :

Dans l’école B, les deux enseignantes interrogées ne différencient pas le travail qu’elles donnent aux élèves en grande difficulté scolaire suivis par la maître E, Madame P. En classe, ces élèves réalisent donc le même travail que les autres élèves. Ces élèves bénéficient d’un travail différencié seulement lors des séances avec Madame P en groupe différencié : Madame P. adapte les textes en changeant la police ou en ajoutant des couleurs. Elle va également simplifier les exercices donnés aux élèves en difficulté en réduisant le nombre de questions, en passant par de la manipulation à l’aide d’étiquettes ou bien en apportant des aides méthodologiques ou matérielles. Par exemple, lors de ma visite dans l’école B, Madame P travaillait avec sa classe de CP sur la reconstitution de phrases à partir de dessins. Cet exercice provenait du fichier que Madame P utilise avec tous les élèves de sa

« C’est moi qui prépare tous les textes adaptés. »

Madame P, Maître E dans l’école B.

« Mes fiches de compréhension pour les très bons il faut qu’il y ait quand même beaucoup de choses pour que voilà ils y passent un peu de temps, pour ne pas qu’ils me fassent ça en deux minutes. Donc voilà pour les autres elle va simplifier, elle va écrire plus grand et puis elle va préparer des étiquettes pour qu’ils puissent les bouger tout ça, que moi je… je n’ai pas toujours le temps de faire »

Madame A, Professeur des écoles dans l’école B.

« Elle met les textes en couleur, avec une graphie plus grande et je vois qu’au final les enfants arrivent à mieux comprendre et ils se sentent moins perdus. […] Je ne différencie pas le travail, je ne donne pas un autre travail au groupe de la maître E.»

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classe. Or, selon Madame P, « le fichier c’est quand même pour les bons élèves. » Selon, il lui était donc nécessaire de différencier ce travail pour les élèves en difficulté :

Elle différenciait donc cet exercice pour les élèves qu’elle suivait à l’aide d’étiquettes. Les élèves reconstituaient la phrase en petit groupe en manipulant (Annexe 3). Les élèves suivis par la maître E avaient le même objectif final que les autres élèves, à savoir reconstituer la phrase sur le fichier, mais ils passaient par différentes étapes intermédiaires afin de respecter leur rythme d’apprentissage. Madame P. affirme que cette différenciation aurait pu être réalisée par sa collègue enseignante :

Il y a donc un décalage entre les prescriptions officielles et les pratiques observées dans cette école puisque, selon le référentiel de compétences du professeur des écoles, l’enseignant doit « prendre en compte la diversité des élèves » et « adapter son enseignement et son action éducative à la diversité des élèves », autrement dit différencier le travail en respectant les différents rythmes d’apprentissage. De plus, la circulaire du 30 avril 2002, relative aux missions du maître E, précise que « les aides spécialisées s’insèrent dans l’ensemble des actions de prévention et de remédiation mises en places par les équipes pédagogiques auxquelles elles ne se substituent en aucune manière ». Or, dans cette école, l’aide apportée par la Maître E remplace l’aide qui devrait être apportée par la différenciation pédagogique fournie par l’enseignant. De plus, dans l’école B, la collaboration entre le maître E et les enseignants ne se construit donc pas autour d’un projet

« L’enseignant doit donc complètement aménager son travail en fonction de ces enfants, ce sont des enfants qui doivent avoir un travail totalement différent. Donc ça demande du temps mais en même temps ce n’est pas non plus infaisable. »

Madame P, Maître E dans l’école B.

« En CP les collègues travaillent sur un fichier; elles avancent sur le fichier pas à pas et moi je prends toutes les illustrations du fichier et on travaille en manipulation et à la fin on remplit la feuille du fichier mais nous on a passé du temps à décortiquer, à faire les exercices du fichier mais avec les étiquettes que j’ai grossies. »

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commun défini et négocié ensemble, comme le témoignent les paroles de Madame N (professeur des écoles) :

Ici, l’enseignante demande à la maître E de travailler sur une activité précise, réalisée avec le reste de la classe, mais en adaptant les tâches aux difficultés des élèves. Ces données rejoignent l’idée de Mérini et Thomazet (2014) qui parlent d’une aide « sous- traitée » au Maître E sans action commune. Or, selon ces auteurs, il y a un risque de manque de lien entre l’action du maître E, différenciant les exercices, et celle de l’enseignant qui n’adapte pas le travail aux difficultés de l’élève.

La connaissance des rôles et missions de chacun est donc essentielle pour éviter une sous-traitance de l’aide au maître E (Mérini, Thomazet, 2014) dont l’action serait peu efficace auprès des élèves en difficulté scolaire puisqu’ils ne pourraient pas faire le lien entre les deux interventions et transférer sa réussite du groupe d’adaptation à la classe.