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5.B Une conjecture sur les effets probables de la mise en gratuité des transports en commun à Paris

Les éléments de la théorie économique développés ci-dessus nous permettent de synthétiser les effets attendus sur les différents composants des coûts généralisés des différents modes de transport à Paris. Commençons par reprendre les résultats de Haywood et Koning (2015) présentés ci-dessus. Ils estimaient la valeur monétaire du temps moyen passé dans le véhicules par les usagers des lignes 1 et 4 du métro parisien à 3.07 €. Cette valeur monétaire correspond aux 9.6 minutes passées dans le véhicule, en tenant compte de la saturation du véhicule. Le temps moyen total de trajet « porte-à-porte » déclaré est de 46 minutes. Une simple extension des résultats des auteurs, réalisée avec les valeurs qu’ils appliquent, permet d’estimer le coût généralisé moyen des usagers des lignes 1 et 4 du métro parisien à 10.35 € par trajet. Sans tenir compte des éventuels effets induits tels que le report modal, la hausse de saturation ou l’augmentation des fréquences, la gratuité des transports en commun constitue une mesure qui réduit le coût généralisé du métro de moins de 5% (les auteurs estiment le coût moyen du ticket de métro à 0.5 €). A titre de comparaison, la congestion moyenne sur ces deux lignes aux heures de pointe augmente le coût généralisé de 6.3%. Sur cette base, on peut s’attendre à ce qu’une baisse à zéro du tarif des transports en commun en augmente l’attractivité pour les usagers, mais à ce que l’élasticité de la fréquentation des transports en commun par rapport à leur coût soit relativement faible.

Pour la suite du raisonnement, et par souci de simplicité, nous allons distinguer le court, le moyen et le long terme et considérer les effets induits par une mesure de gratuité sur le coût généralisé de l’automobile et du rail. Le cas du bus est analogue à ce dernier à ceci près qu’il peut aussi être affecté par la congestion sur les routes. L’idée est donc de synthétiser les effets sur les différentes composantes des équations (2) et (6) présentées ci-dessus.

A court terme, la réduction des coûts monétaires directs pour l’utilisation des transports publics devrait en augmenter l’attractivité. L’impact sur le report modal depuis l’automobile ne devrait pas être très spectaculaire puisqu’on a vu que l’impact de la gratuité sur le coût généralisé des transports en commun était inférieur à 5%, sans tenir compte des effets induits par cet éventuel report modal. A court/moyen terme, on peut donc s’attendre à un certain report modal de l’automobile vers les transports publics. Ce report modal devrait être accompagné d’une réduction (probablement très faible) de la congestion automobile et d’une hausse de la saturation des transports publics.

L’ampleur de ce dernier effet dépend directement de l’état de saturation actuel de l’infrastructure et de sa capacité à absorber une demande additionnelle. En tout état de cause, une partie du gain de coût généralisé associé au passage à la gratuité pour l’utilisateur des transports publics sera compensée par la hausse de leur saturation. L’effet sur la qualité des transports publics (et sur les temps d’attente aux arrêts) est difficile à estimer mais il apparaît peu probable, étant donné sa saturation actuelle, qu’il soit en mesure d’augmenter les fréquences et donc de bénéficier de l’effet Mohring.

A supposer que l’on observe effectivement un certain report modal de l’automobile vers les transports publics, il faut aussi s’interroger sur les effets d’équilibre général à long terme. Un tel report modal impliquerait une hausse de l’attractivité de la ville de Paris puisque les coûts généralisés de transport y auraient diminué. Cette hausse de l’attractivité de Paris pourrait pousser le prix des logements à la hausse (si le nombre de logements reste constant) ou se traduire par une accélération de la croissance démographique dans l’aire urbaine parisienne qui augmenterait les coûts généralisés des transports pour tous les utilisateurs (sous l’hypothèse que les transports en commun parisien ne bénéficient pas de l’effet Mohring, ce qui est moins évident à long terme et avec la mise en place du Grand Paris). Cela se traduirait par une hausse de la saturation des transports en commun et une augmentation de la congestion automobile. Les effets décrits ci-dessus indiquent les tendances auxquelles on doit s’attendre suite à la mise en place de la gratuité des transports en commun à Paris à court, moyen et long terme. La quantification précise de ces effets est très difficile à mettre en œuvre. Pour tenter d’y voir plus clair, nous allons maintenant passer en revue un certain nombre d’études qui ont essayé, dans différents contextes, de quantifier ces effets.

Partie III. Que nous enseignent les études de cas ?

Dans cette partie, la section 6 recense les effets mesurés de la tarification des transports en commun estimés dans différents contextes (pour différentes villes et avec différentes approches) et sur différentes dimensions (report modal, congestion, saturation, etc.). La section suivante (7) s’attache à rapporter les enseignements issus d’études de cas particuliers pour lesquels nous avons des retours d’expérience. Cette partie vise à illustrer l’ampleur des effets potentiels décrits dans la partie précédente.

6. Les effets de la tarification des transports publics

Dans cette section, nous essayons de quantifier l’impact de la tarification des transports en commun sur le choix modal des agents et les externalités liées à l’utilisation de l’automobile à travers l’exploitation des études de cas dont nous disposons à ce jour.

6.A. L’approche par les élasticités : une demande de transport inélastique et