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5.A Les caractéristiques des transports en commun à Paris

Un premier élément important est que la tarification de l’automobile est loin d’être optimale à Paris. Comme le rappellent Haywood, Koning et Prud’homme (2017), citant un rapport du Commissariat Général au Plan, la taxation de l’automobile (correspondant à environ 0.040 €/km) est loin de compenser le coût marginal externe de l’automobile (correspondant à 0.243 €/km) dans les aires urbaines denses en France. En l’absence d’une tarification efficace de l’automobile, des subventions

13 Les distorsions fiscales font références aux effets non désirés qui sont induits par une mesure fiscale (une

taxe ou une subvention) sur le comportement des agents en modifiant le prix relatif des choses. Par exemple, la taxation progressive des revenus du travail peut réduire l’offre de travail.

élevées pour les transports en commun pourraient être efficaces si elles avaient un impact suffisant sur le report modal. 14

Néanmoins, le niveau de subvention des transports en commun parisien est déjà élevé. Est-il au niveau optimal ? Une première approche peut consister à comparer Paris avec des villes déjà analysées dans les contributions précédentes. Kilani et al. (2014, Table 11) calculent ainsi différents indicateurs pour Paris, et les comparent à ceux calculés pour Londres (avant la mise en place du péage urbain) par Parry et Small (2009). Ils trouvent d’importantes similitudes. Ainsi, dans les deux villes, la part des recettes tarifaires dans les coûts de fonctionnement (ou cost recovery) est relativement faible, et les taux de subvention sont relativement élevés. Dans les deux cas, le rail est subventionné à hauteur de 66% en heure pleine et autour de 73% en heure creuse, et le bus est subventionné autour de 60% en heure pleine, et de 40% en heure creuse.

Parry et Small trouvent des taux de subvention optimale particulièrement élevés pour Londres (supérieurs à 90% pour le bus et pour le rail en heure de pointe, et 78% pour le rail en heure creuse), faut-il étendre leurs conclusions au cas parisien ? De nombreux facteurs incitent à la prudence. D’une part, les deux villes présentent d’importantes différences. En période de pointe le réseau de transports en commun londonien est plus mobilisé que le réseau parisien, et les bus sont plus développés à Londres. 15

D’autre part, Paris se caractérise par un certain nombre d’autres particularités, qui peuvent avoir des effets contradictoires :

● La saturation des transports en commun à Paris est importante et impose des coûts privés et sociaux non négligeables. Comme l’évoquent Haywood, Koening et Prud’homme (2017) alors que le trafic automobile a baissé de 20% entre 2000 et 2010 en Ile-de-France, la saturation des transports en commun a augmenté, puisque l’offre a augmenté de 13%, alors que la demande a augmenté de 22%. Haywood et Koning (2015) précisent, par ailleurs, que 60% des trajets s’effectuant à Paris utilisent les transports en commun sur une partie au moins du trajet, et que la densité de passagers a augmenté de 10% entre 2000 et 2009. Cela ne signifie pas pour autant que les transports en commun parisiens sont à un point de saturation, puisque la part des usagers ayant à attendre plus de 3 minutes pour leurs transports en période de pointe a été constante entre 2000 et 2009.16 ● Le réseau de transports en commun parisien s’apprête à subir une transformation radicale avec la construction de Grand Paris Express qui va non seulement modifier les axes de déplacement, mais aussi la taille du réseau. L’hypothèse de travail généralement retenue pour l’évaluation des 14 D’autres mesures que la seule tarification de la voiture sont susceptibles de réduire le coût marginal externe de l’automobile. Ces mesures peuvent être tarifaires ou non-tarifaire. De manière générale, toute mesure qui a pour effet de réduire la congestion ou de réduire les émissions polluantes ont pour effet de diminuer le coût marginal social de l’automobile en ville.

15 Une possibilité serait de calibrer directement le modèle de Parry et Small (2009) avec les données, afin

d’établir le niveau de subvention optimal dans le cas parisien (en s’inspirant par exemple de Adler et al. (2018), qui l’ont calibré dans le cas de Rome, trouvant des taux de subvention optimaux supérieurs à 75% du coût marginal de fonctionnement).

16 Nous n’avons pas obtenu de chiffres plus récents, mais les rapports de l’observatoire des déplacements à

effets du Grand Paris Express est celle d’une baisse du coût généralisé de l’utilisation des transports en commun de 3%.

● De façon plus résiduelle, la fraude dans les transports en commun à Paris semble supérieure à celle d’autres villes (Rapport public annuel de la cour des Comptes, 2016). D’après une étude de 2008-2009, le taux de fraude dans les bus parisiens était de 8.9% en 2008, contre 1% à Londres, 1.9% à Bruxelles, 2.19% à New York et 0.089% à Singapour. Pour ce qui concerne le métro, le taux de fraude est de 3% à 5% à Londres, contre 1.5% à New York, Londres et Hong-Kong, et 1.1% à Rome – le seul taux plus élevé étant à Berlin (6%), une ville qui n’a pas de portiques à l’entrée des métros. Au final, le rapport évalue le coût de la fraude à 366 millions d’€ en 2013. Cela se décompose en 253 millions d’€ pour la RATP et 113 millions d’€ pour la SNCF, soit, pour chacune des entreprises, environ 10% des recettes issues du trafic. Ces chiffres n’incluent pas le coût de la lutte contre la fraude, qui est d’environ 86 millions d’€ pour la RATP et 66 millions pour la SNCF en 2013. La gratuité des transports est donc susceptible de réduire ces coûts.

5.B Une conjecture sur les effets probables de la mise en gratuité des