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Confrontation des résultats

3.1. Prévalence de l'infection à Chlamydia trachomatis

Dans notre étude, nous avons une prévalence élevée d'infection à C. trachomatis ce qui n'est pas étonnant puisque notre population, composée exclusivement de femmes consultant en centre d'orthogénie, fait partie d'une catégorie à risque telle que définie par l'HAS en 2003 [10]. Plusieurs études ont montré un taux élevé de portage de C. trachomatis au niveau du col utérin chez les femmes se présentant pour une IVG dans les centres de planning familial, d'environ 6% [61,62]. Plus récemment en France, des enquêtes réalisées au sein des CPEF et centre d'orthogénie de Bordeaux et de Seine-Saint-Denis ont retrouvé des prévalences de 7,9% et 11,2% en CPEF et 5,2% dans le centre d'orthogénie de Bordeaux [63,64].

Une revue de littérature au Royaume-Uni retrouve des résultats similaires puisque la médiane des prévalences des différentes études répertoriées était de 8% [65].

Des taux de prévalence plus élevés sont décrits dans la littérature dans des groupes spécifiques. Dans les populations présentant des symptômes d'infection uro-génitale, la littérature française retrouve des prévalences comprises entre 10,2 et 18% alors que dans les populations asymptomatiques elles sont comprises entre 0,5 et 9,1% [10]. La littérature américaine mentionne que chez les femmes à haut risque, la prévalence varie de 11,4 à 20% contre 3 à 9,5% chez les personnes asymptomatiques [29]. Notre échantillon est composé à 40,5% de femmes symptomatiques ce qui peut en partie expliquer une prévalence plus élevée mais le taux de 17,6% reste quand même particulièrement élevé par rapport aux données disponibles dans les études réalisées en CPEF. Notre faible effectif peut biaiser ce chiffre et il serait intéressant de préciser la prévalence de l'infection sur un échantillon plus conséquent.

On peut conclure que l'infection à C. trachomatis est une infection fréquente au centre d'orthogénie du CHU de Poitiers, justifiant son dépistage pour ainsi éviter certaines complications infectieuses secondaires à l'IVG. En effet, on suspecte que, dans le cas d’une interruption chirurgicale de grossesse, la présence de C.

trachomatis au niveau du col entraîne un risque d’infection haute dans les semaines qui suivent l’intervention et que la pratique de l'IVG médicamenteuse ne semble pas diminuer ce risque [61].

3.2. Prévalence de l'infection selon l'âge

La tranche d'âge la plus touchée par l'infection était celle des 20-24 ans suivie de celle des 25-29 ans. Ce résultat était attendu car nous savons que l'infection à C.

trachomatis est une infection de la femme jeune sexuellement active. Les différentes études concernant cette infection et les modalités de son dépistage s'accordent à cibler la femme jeune et particulièrement celle de moins de 25 ans.

Paradoxalement, dans notre étude, le jeune âge n'a pas été identifié comme facteur de risque de l'infection, en se basant sur le critère « moins de 25 ans ». Même si la proportion de femmes ayant moins de 25 ans était plus importante chez les femmes positives que chez les femmes négatives (70% versus 59%), cette différence n'était pas statistiquement significative. Ce résultat est probablement dû au manque de puissance de notre étude compte tenu du faible effectif. Dans deux études françaises menées en CPEF sur des populations semblables à la nôtre (environ 70%

de femmes de moins de 25 ans), seule celle réalisée sur un grand échantillon de 1023 femmes identifiait l'âge comme facteur de risque. La seconde réalisée sur seulement 215 femmes ne retrouvait pas de lien significatif entre âge et infection [63,66].

La limite d'âge de 25 ans choisie comme critère dans les différentes recommandations a tendance à être remise en cause. Suite à l'enquête NatChla en France, B. de Barbeyrac suggère de revoir les recommandations afin d'inclure les femmes jusqu'à 30 ans [52]. En effet, dans cette enquête la prévalence de l'infection à C. trachomatis chez les 25-29 ans était peu différente de celle des 18-24 ans, respectivement 2,7% et 3,6%, alors qu'elle était seulement de 0,5% après 30 ans.

Dans le réseau de surveillance Renachla, 20% des cas étaient identifiés chez les femmes entre 25 et 29 ans en 2004 et 17% en 2009 [27]. Bien que les populations ne soient pas comparables, on note que dans notre étude les prévalences des 25-29 ans et des 18-24 ans sont également proches (20% et 22% respectivement) puis elles diminuent de moitié pour atteindre 10% chez les plus de 30 ans.

Contrairement aux programmes de dépistage déjà établis depuis plusieurs années qui incluent les femmes de moins de 25 ans, les nouveaux programmes qui se mettent en place en Australie ou encore aux Pays-Bas ont choisi de cibler les femmes de 16 à 29 ans [19,24].

3.3. Influence des facteurs sociaux et comportementaux des femmes

3.3.1. Nationalité

Notre étude n'a pas révélé la nationalité comme étant un facteur de risque d'infection à C. trachomatis. Nous avons classé les femmes selon leur nationalité, incluant les femmes originaires des DOM-TOM dans le groupe « nationalité française ».

Cependant c'est dans ce sous-groupe des DOM-TOM que la prévalence est la plus élevée (50%). Une étude française réalisée en 1999 retrouvait aussi une prévalence plus élevée chez les femmes nées dans les DOM-TOM que chez celles nées en France métropolitaine [66]. Notre résultat doit malgré tout être interprété avec prudence compte tenu du faible effectif de femmes concernées (seules 4 femmes étaient originaires des DOM-TOM).

Dans la littérature américaine l'origine afro-américaine est décrite comme liée à l'infection à C. trachomatis et figure dans les recommandations de l'« US Preventive Services Task Force » comme étant un facteur de risque à prendre en compte dans le dépistage de l'infection. En France, les études n'ont pas établi de réel lien entre infection à C. trachomatis et origine géographique, que ce soit en CPEF [63] ou plus récemment en population générale avec l'enquête NatChla [67].

3.3.2. Niveau d'étude

Une revue de la littérature de 2002 n'a pas mis en évidence d'association entre infection à C. trachomatis et statut socio-économique, quelque soit les outils de mesure utilisés : statut face à l'emploi, revenus, niveau d'éducation des parents, utilisation de l'assistance médicale, profession [68]. L'absence de lien entre niveau d'étude et infection dans notre étude est concordant avec ces données, même si le niveau d'étude ne reflète pas à lui seul le statut socio-économique des personnes.

L'enquête française NatChla a quant à elle établi que l'infection à C. trachomatis était significativement plus fréquente chez les femmes de faible niveau d'étude. Les auteurs mettent en relation ce résultat avec le fait que ce sont les femmes de niveau d'études supérieur qui rapportent le plus souvent des antécédents d'IST, témoignant d'une insuffisance de dépistage chez les femmes sans diplôme. Ils encouragent donc des stratégies de dépistage permettant d'atteindre les femmes jeunes d'une part et les plus défavorisées sur le plan socio-économique d'autre part.

3.3.3. Durée de la relation avec le partenaire

De nombreuses études ont démontré qu'il existe un lien entre l'infection à C.

trachomatis et l'histoire sexuelle des femmes. Le changement récent et/ou fréquent de partenaire apparaît comme le deuxième facteur de risque à prendre en compte, après le jeune âge, pour les différents pays ayant établi des recommandations concernant le dépistage de l'infection. En France, les recommandations de l'HAS de 2003 proposaient de dépister toute personne ayant eu plus d'un partenaire sexuel dans les 12 mois précédents et ce quelque soit l'âge [10]. Les données plus récentes, apportées par l'enquête NatChla réalisée en 2006 en population générale, confirment ce lien entre infection et comportements sexuels. Deux comportements à risque étaient liés indépendamment l'un de l'autre à une infection par C.

trachomatis : le nombre de partenaires dans les 12 derniers mois et le fait d'avoir eu récemment un partenaire nouveau ou occasionnel. Cependant les auteurs émettent une réserve sur ces résultats et soulignent que 26% des hommes et 41% des femmes infectés n'avaient eu qu'un seul partenaire dans l'année, connu depuis plus de douze mois. 2,5% des femmes n'avaient eu aucun partenaire dans l'année [1].

Dans notre étude, nous retrouvons aussi une proportion importante (52,2%) de femmes infectées qui ne déclarent avoir eu qu'un seul partenaire au cours des douze derniers mois. Une autre étude française retrouvait des résultats similaires puisque les femmes infectées étaient 60% en centre d'orthogénie et 37,5% en CPEF à n'avoir eu qu'un seul partenaire dans l'année précédente [63].

Proposer le dépistage de C. trachomatis en se basant sur l'histoire sexuelle des femmes et en particulier le nombre de partenaire dans l'année précédente ne serait alors pas satisfaisant puisque près de la moitié des femmes infectées ne seraient pas dépistées. Cependant, ces chiffres basés sur des données déclaratives, peuvent de ce fait être sous-estimés. Selon une étude australienne, les patientes ne voulant pas dévoiler leur histoire sexuelle à leur médecin généraliste seraient ainsi prêtes à ne pas répondre la vérité par peur d'être jugées [9].

3.4. Infection à Chlamydia trachomatis et fréquence des signes fonctionnels La présence de signes cliniques uro-génitaux doit faire rechercher l'infection à C.

trachomatis. La population symptomatique appartient à un groupe à risque d'infection avec une prévalence comprise entre 10,2 et 18% alors qu'elle n'est que

de 0,5 à 9,1% chez les personnes asymptomatiques. Selon les données de la littérature, les infections diagnostiquées sur la présence de signes cliniques ne représentent qu'une faible partie des infections par C. trachomatis, plus de 70%

d'entre elles étant considérées comme asymptomatiques [31].

A l'inverse, dans notre étude, l'infection était majoritairement symptomatique, 70%

des femmes infectées présentant au moins un signe fonctionnel. Cette différence peut en partie s'expliquer par la définition des signes fonctionnels utilisée qui peut différer d'une étude sur l'autre. Certaines études ne relèvent que la présence de signes génitaux (leucorrhées, cervicite) et retrouvent de 13 à 23% de formes symptomatiques [63]. Ces chiffres sont sûrement sous-estimés, les manifestations cliniques de l'infection à C. trachomatis étant en réalité bien plus variées. D'autres études ayant une définition un peu plus large des signes cliniques, englobant notamment les signes urinaires, retrouvent une proportion de femmes infectées et symptomatiques plus importante : 38% dans une étude en CPEF dans le Val de Marne (brûlures mictionnelles, dyspareunie, cervicite, condylomes) [66] et 42% dans un travail de thèse réalisé par S. Mercier (douleurs abdominales, leucorrhées et/ou métrorragies, dysurie et/ou brûlures mictionnelles) [69].

Les signes fonctionnels, lorsqu'ils sont présents, ne s'expriment pas toujours de manière franche et les femmes n'expriment souvent aucune plainte fonctionnelle.

Ces formes pauci-symptomatiques peuvent aussi contribuer à sous-estimer le nombre réel d'infections symptomatiques. Sur les 131 patientes dépistées lors de l'étude, une seule a consulté au CPEF pour des leucorrhées. Les autres femmes n'ont exprimé aucune plainte somatique spontanément. Après les avoir interrogées sur l'existence de signes fonctionnels pendant la consultation, 48 d'entre elles ont déclaré avoir au moins un signe parmi les quatre interrogés : SFU, douleur abdominale, dyspareunie, leucorrhées. Les femmes n'exprimant pas spontanément de plainte, c'est bien au médecin de rechercher l'existence de ces signes à l'interrogatoire.

Une autre difficulté pour le médecin est le peu de spécificité des signes d'une infection à C. trachomatis, notamment les SFU qui peuvent orienter à tort vers une infection urinaire. Une femme de notre étude avait ainsi consulté cinq fois son médecin traitant pour des SFU et avait réalisé cinq ECBU qui étaient négatifs. Dans une étude réalisée sur 154 femmes âgées de 14 à 22 ans, Jill S. Huppert conclut que les adolescentes présentant des signes urinaires devraient être testées pour rechercher une infection urinaire et une infection sexuellement transmissible, dont le C. trachomatis [33]. Dans cette population de femmes présentant dysurie,

impériosités mictionnelles et/ou pollakiurie, la prévalence des IST avait tendance à être un peu plus élevée que celle des infections urinaires (36% vs 26%) sans que cette différence soit statistiquement significative (p = 0,06). Parmi les IST diagnostiquées, 20% étaient des infections à C. trachomatis.

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