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La conduite des apprentissages par les acteurs locaux durant la phase de préparation peut demeurer faible et s'avérer insuffisante pour assumer les responsabilités. On peut avoir des signes obtenus formellement, mais on peut légitimement s’interroger sur la capacité locale à gérer un "beau" dossier une fois obtenu.

D’autres apprentissages sont identifiables auprès des autorités, des accompagnants, des acteurs des marchés, etc… Il convient d’y inclure les chercheurs eux-mêmes qui, au contact de ces réalités multiples, acquièrent des connaissances et peuvent évaluer leur espace de pertinence et de validité. L’obtention d’un signe engendre également des changements plus ou moins brutaux de volumes produits et commercialisés ainsi qu’un élargissement des producteurs concernés au-delà de ceux qui ont construit le signe dans l’étape initiale. Ces nouveaux producteurs ont à conduire leurs propres apprentissages, différents de ceux des autres producteurs déjà engagés.

Ainsi, les Indications Géographiques et leur construction doivent être considérées comme un formidable processus d’apprentissages individuels et collectifs.

Comment, au lieu d’essayer de la raccourcir à son minimum, mobiliser la durée des instructions pour assurer ces apprentissages ?

Et comment accompagner le changement d’échelle de la production induit par la reconnaissance du signe d’origine ?

6 - Discussion

A travers ce tour d’horizon des décalages observables, il ne s’agit pas de donner des recettes qui permettraient de façon certaine de se garantir contre les difficultés identifiées. Ces difficultés sont inhérentes à la démarche de certification de l’origine et elles en marquent une profonde originalité par rapport à d’autres formes de certification. L’objectif est plutôt d’attirer l’attention des pouvoirs publics, acteurs locaux, bureaux d’études et chercheurs sur des points de vigilance issus de l’analyse de cas réels :

les questions posées à chaque décalage analysé qui réclament de produire des réponses appropriées à chaque situation concernée.

Il est utile d’analyser ce que devient le modèle du « cercle vertueux », une fois identifiés les possibles écarts, et d’y positionner les points de vigilance. Les 9 décalages choisis pour la présente communication sont bien répartis tout autour du cercle aussi bien qu’en son cœur.

- La relation entre les acteurs locaux et les autorités publiques reste un élément majeur de ces constructions, la confiance et l’écoute réciproques se révèlent être une nécessité absolue pour réussir les démarches dans la durée.

- Le rapport aux ressources et aux savoir-faire à la fois comme source de spécificité des produits et enjeu de renouvellement est un autre point majeur qui ressort de l’analyse.

- Les marchés autorisent la rémunération des efforts de chacun tout en présentant des risques importants de dévoiement. De fait, le patrimoine d’une société locale est souvent mis en danger par sa marchandisation.

De l’examen de ces décalages, on peut déduire des messages ajustés aux différents types d’acteurs, les porteurs de projet, ceux qui les accompagnent (y compris les chercheurs dans bien des cas), les autorités publiques locales et nationales, et les acteurs des marchés.

Conclusion

Des efforts sont à consentir pour que les signes de qualité et d’origine puissent assumer un rôle d’opérateur de durabilité du développement rural local. Contrairement à ce qui pourrait émaner des communications officielles sur l’intérêt de ces signes, rien n’est garanti à ceux qui les obtiennent tant en matière de réussite économique qu’environnementale et sociale. Et, on l’a vu, les autorités publiques qui souhaitent faire jouer à ces signes d’origine un rôle dans le développement local ont également à demeurer vigilantes sur de nombreux aspects.

Bien évidemment, la durabilité repose d’abord sur une réussite économique avec de la valeur produite sur des marchés pertinents où des consommateurs sont prêts à payer plus cher pour ces produits typiques dont l’origine est certifiée. Mais elle implique également que les ressources locales soient gérées sur le long terme et que les éco-systèmes concernés soient maintenus en bonne santé. Et elle suppose que, au-delà des opérateurs de production-transformation-distribution, la société locale toute entière y trouve son compte.

Afin d’assurer ces dimensions multiples des signes d’origine, il est nécessaire de les concevoir, les évaluer et les analyser en faisant toute leur place aux Biens publics et aux rémunérations hors-marché qu’ils ont le potentiel de produire. C’est à ce prix que les signes d’origine pourront devenir des outils de développement local durable à part entière.

Renvoi éventuel

II-3-3- Conclusion du Colloque par Yves Le Bars, Président d’Echanges Méditerranéens

"Signes de qualité des produits de terroir et développement des territoires dans le bassin méditerranéen”.

Échanges Méditerranéens est une association internationale de droit français créée le 20 juin 2000. Elle rassemble des acteurs des deux rives pour renforcer les liens par le partage des connaissances et expériences et pour contribuer ensemble aux réflexions sur notre avenir commun : le développement économique et social et la gestion durable des ressources naturelles renouvelables.

Elle s’intéresse en particulier aux domaines de l'eau, de la forêt, de l’énergie, de l’agriculture et du développement durable des territoires et elle intègre également toutes les disciplines qui y concourent.

Fondée sur des liens d'amitié tissés entre ses membres, pour la plupart anciens élèves de l’ENGREF Paris, de l’INAV Rabat, de l’INAT Tunis, des Universités d’Annaba, d’Alger, de Beyrouth, de Bejaïa, l'action d'Échanges Méditerranéens vise à :

favoriser les échanges d’expériences, de documentations scientifiques et techniques,

contribuer à la réflexion commune sur les enjeux du développement du bassin méditerranéen Une fois par an, l’association organise avec le concours de la Vice-Présidence du pays qui reçoit, un événement appelé les Rencontres Internationales d’Échanges Med qui comportent à la fois un voyage d’études et un colloque, sur une période pouvant durer de 3 à 7 jours.

Cette année 2019 les Rencontres ont abordé un enjeu partagé autour de la Méditerranée, celui des « signes de qualité des produits de terroir dans le développement des territoires ». Le colloque préparé sous la direction de Dominique CAIROL, et pour partie avec l’UMR MOISA, a fait intervenir 14 experts de 5 pays, Algérie, Tunisie, Maroc, Turquie et France.

Partant d’un état des lieux dans les pays représentés et d’une analyse des rôles des acteurs impliqués, il a été possible de bien marquer le grand potentiel des signes de qualité, mais aussi de leurs contraintes et limites. Cela a conduit à dégager quelques pistes pour des politiques locales et nationales permettant leur développement, en se centrant sur les indications géographiques (IG), au bénéfice des filières, de l’emploi rural et des territoires.

1- Les signes de qualité offrent un grand potentiel

Les signes de qualité offrent un grand potentiel aussi bien à l’échelle locale qu’aux échelles nationales ou internationales, comme Jean Louis RASTOIN l’a précisé en introduction. Dans la plupart des cas c’est une garantie pour le consommateur de la qualité du produit et de la rémunération du producteur

 Localement cela donne un avantage économique, de débouchés à un prix plus élevé ; cela renforce l’attractivité du territoire, son identité, c’est un avantage sociétal, on renforce le terroir et le territoire ; et les pratiques liées aux signes de qualité contribuent à la biodiversité, et aux pratiques de protection de l’environnement, c’est un avantage environnemental.

Avec G LAZAREV, il faut insister sur le terroir dans ses significations plurielles, ce qui est un concept porteur. Les réflexions sur la gestion durable de l’environnement et sur le rôle décisif des montagnes pour assurer un futur aux régions de l’aval, mettent en évidence le rôle attendu des communautés des montagnes pour remédier à la dégradation des ressources naturelles et aux disfonctionnements de la régulation hydrique.

 Aux échelles macro, les signes de qualité sont positifs dans plusieurs dimensions : ils participent à une politique de meilleure nutrition, favorisent dans l’opinion une meilleure compréhension entre agriculteurs et consommateurs, sont un outil positif pour la transition alimentaire en conformité avec les exigences du

CC, et sont en faveur d’une politique touristique. Les pouvoirs publics, les municipalités comme les Etats ont donc intérêt à avoir une politique en faveur des signes de qualité.

2- Des contraintes, des limites et des facteurs favorables