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Dans la quasi-totalité des pays, les parents doivent exercer une certaine autorité sur l’enfant (1), à laquelle s’ajoute parfois l’exigence d’une cohabitation avec celui-ci (2). L’analyse de l’exemple doit donc débuter par celle des conditions relatives aux parents de Laurent (3).

1. L’autorité sur l’enfant

Selon les pays, l’autorité est considérée d’un point de vue matériel (a) ou formel (b).

a) L’autorité d’un point de vue matériel

Le droit suisse est le seul ordre juridique qui utilise un critère purement matériel, à savoir la notion de chef de famille. Il s’agit de la personne exerçant en fait l’autorité domestique, celle-ci n’étant pas fondée sur des critères formels (lien de parenté, autorité parentale), qui ne constituent que des indices11. Ainsi, si les parents sont en principe chefs de famille, cette qualité peut aussi appartenir à d’autres personnes, mêmes morales (colonie de vacances, internat)12.

Le droit espagnol se rapproche cependant du droit suisse. En effet, malgré la référence à la notion de garde et d’autorité parentale, l’autorité factuelle sur l’enfant est seule pertinente13.

9 Afin de circonscrire l’étendue de cette étude, les conditions générales de préjudice et de causalité (sauf spécificité propre au sujet), le concours de responsabilités et les actions récursoires, ainsi que le cas particulier de l’enfant-employé ne seront pas traités.

10 Cf. infra I.C.1.b.

11 FUCHS, p. 161-162 ; WERRO, n. 422-423.

12 WERRO,n. 427.

13 MARTÍN-CASALS/RIBOT/SOLÉ FELIU : Spanish Law, n. 73 et 87, in : MARTÍN -CASALS, p. 369 ss.

b) L’autorité d’un point de vue formel

En droit allemand, l’obligation de surveillance (Aufsichtspflicht) pèse sur le titulaire de l’elterliche Sorge14, tandis qu’elle découle en droit autrichien de la détention de l’Obsorge15 (§ 1309 et § 177 ss ABGB). Le droit français fonde la responsabilité des parents sur l’autorité parentale16. Il en va de même pour les droits néerlandais17, polonais18, italien19 et grec20.

Le droit tchèque retient la seule qualité de parent pour imposer le devoir de surveillance, avec cependant une atténuation de celui-ci pour le parent qui n’aurait pas la garde de l’enfant21.

Les PETL, en utilisant le terme anglais de charge, semblent se référer à la garde de l’enfant22, sans préciser s’il s’agit d’une notion matérielle ou formelle. Le DCFR reste général avec le terme de parental care, à comprendre vraisemblablement comme l’autorité parentale, au vu du commentaire du texte23.

2. La cohabitation

La plupart des ordres juridiques se content du critère de l’autorité des parents sur l’enfant (notamment : l’Allemagne24, l’Autriche25, la Hollande26, la République tchèque27). Cependant, certains pays exigent en plus la cohabitation des parents avec l’enfant au moment de l’acte dommageable, celle-ci pouvant répondre à un critère matériel (a) ou juridique (b).

14 ALBILT, p. 14.

15 ABGB-HUBER, § 1309 n. 2.

16 GALLIOU-SCANVION, n. 185 ; BRUN, n. 416.

17 HAENTJENS/DU PERRON : Dutch Law, n. 8, in : SPIER, p. 171 ss ; VAN BOOM : Dutch Law, n. 38, in : MARTÍN-CASALS, p. 293 ss.

18 NESTEROWICZ/BAGIŃSKA : Polish Law, n. 8, in : SPIER, p. 185 ss.

19 COMANDÉ/NOCCO : Italian Law, n. 53, in : MARTÍN-CASALS, p. 265 ss.

20 DACORONIA : Greece, n. 16, in : KOZIOL/STEININGER, p. 324 ss.

21 HRÁDEK : Czech Law, n. 71, in : MARTÍN-CASALS, p. 111 ss.

22 PETL, p. 114.

23 VON BAR/CLIVE,p. 3436-3437.

24 NIBOYET, p. 133 : cet auteur montre que les possibilités d’exculpation des parents leur offrent une protection suffisante et prennent en compte la réalisation ou non d’une cohabitation avec l’enfant.

25 ABGB II/1-REISCHAUER, § 1309 n. 2.

26 HAENTJENS/DU PERRON : Dutch Law, n. 8, in : SPIER, p. 171 ss.

27 TICHY : Czech Law, n. 9, in : SPIER, p. 55 ss.

a) La cohabitation au sens matériel

La Suisse applique de nouveau un critère purement matériel, à savoir le ménage commun avec l’enfant. Celui-ci suppose que le chef de famille et l’enfant habitent ensemble pendant un certain temps, afin de laisser au premier « suffisamment de temps pour prendre les mesures adéquates de prévention des atteintes »28. La durée des vacances scolaires d’automne suffit par exemple pour admettre le ménage commun29.

Pour les mineurs capables de discernement (art. 2048 CCI), l’Italie exige aussi la vie commune avec les parents30. Cependant, la vie commune ne cesse que si l’enfant n’habite plus avec ses parents, et que ce fait ne leur est pas imputable à faute ; elle ne cesse pas en cas d’interruption temporaire31. On est donc proche d’un concept juridique de cohabitation.

Enfin, le droit espagnol regarde de façon très factuelle avec qui le mineur se trouvait quand le fait dommageable s’est produit32. C’est aussi ce que semble faire le droit brésilien (art. 932 ch. I CCB).

b) La cohabitation au sens juridique

La France est le seul pays à retenir explicitement une notion juridique de la cohabitation33, en la définissant comme « la résidence habituelle de l'enfant au domicile des parents ou de l'un deux »34. Comme le relève alors un auteur, cette condition ne permet plus en principe aux parents de s’exonérer ; c’est donc l’autorité parentale seule qui devient la « condition essentielle » de la responsabilité des parents35.

28 WERRO,n. 423.

29 Tribunal Fédéral Suisse 05.11.1953, ATF 79 II 350, 353, consid. 2 (admis implicitement).

30 DONATO BUSNELLI/BARGELLI/COMANDÉ : Italian Law, n. 16, in : SPIER, p. 159 ss.

31 DONATO BUSNELLI/BARGELLI/COMANDÉ : Italian Law, n. 18, in : SPIER, p. 159 ss.

32 MARTÍN-CASALS/RIBOT/SOLÉ FELIU : Spanish Law, n. 87, in : MARTÍN-CASALS, p. 369 ss.

33 LEBRETON, n. 48.

34 Cour de Cassation Française 2ème Chambre Civile 20.01.2000, JCP 2000 II 10374.

35 LE TOURNEAU,n. 7428-1.

3. Analyse de l’exemple à l’aune des conditions relatives aux parents

Dans le cas de Laurent, celui-ci se trouve au collège. Ses parents ont l’autorité parentale sur lui, et sa résidence habituelle se trouve bien chez eux. Ainsi, sous l’angle des droits français et italien, les conditions d’autorité parentale et de cohabitation (ou vie commune) sont remplies36. La condition d’autorité parentale est donnée pour l’Allemagne, l’Autriche, la Hollande, la Pologne, la Grèce et le DCFR. Les parents ont bien le devoir de surveillance exigé par le droit tchèque. La condition de garde des PETL est satisfaite. Enfin, l’enfant vit bien de façon effective chez ses parents (en dehors du temps passé à l’école) au sens du droit espagnol.

La situation est plus compliquée en droit suisse et appelle une distinction entre l’école et l’internat. S’agissant de l’école, le ménage commun avec les parents n’est pas interrompu par le temps passé dans celle-ci, et la direction de l’école n’a pas le caractère de chef de famille37. Les conditions relatives aux parents de Laurent sont donc satisfaites. En revanche, l’internat forme un ménage commun, soumis à l’autorité domestique de l’encadrement qui endosse la qualité de chef de famille38. Cette qualité appartient donc successivement et exclusivement aux parents et à la direction de la pension39. Si donc Laurent est dans un pensionnat, ses parents ne sont plus chefs de famille, et leur responsabilité ne peut pas être engagée sur le fondement de l’art. 333 al. 1 CCS.

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