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Conditions nécessaires à l’implémentation du corporate entrepreneurship

Chapitre 1 — Revue de littérature : Corporate entrepreneurship

5. De l’entrepreneuriat au corporate entrepreneurship : une perspective organisationnelle

6.3. Conditions nécessaires à l’implémentation du corporate entrepreneurship

6.3. Conditions nécessaires à l’implémentation du corporate entrepreneurship

Phan, Wright, Ucbasaran, et Tan (2009) ont mené une métanalyse dans leur article dénommé « Corporate entrepreneurship : Current research and future directions » sur le corporate

entrepreneurship. À travers cette métanalyse, Phan et ses collègues (2009) mettent en exergue

les facteurs impactant la réussite d’une stratégie de corporate entrepreneurship, qui sont (1) les contingences structurelles et processuelles (Kuratko et al., 2005, p. 199) ; (2) le rôle du

management à plusieurs niveaux (Kuratko et al., 2005, p. 202) ; (3) les capacités

organisationnelles et managériales (Kuratko et al., 2005, p. 203). Une organisation qui a de forts antécédents dans les actions entrepreneuriales est une entreprise qui supporte les tendances d’innovation alors que les organisations avec des antécédents faibles dans les actions entrepreneuriales sont des entreprises qui supportent peu les tendances innovation (Hornsby, Kuratko, & Zahra, 2002).

Au niveau organisationnel, Alpkan et ses collègues (2010) expliquent la nécessité de (1) la création de structures organisationnelles (Euchner, 2016 ; Kuratko et al., 2005) décentralisées et autonomes supportant cette démarche (p.734). Ces structures organisationnelles doivent permettre l’autonomie et la flexibilité en termes de gestion de la stratégie (Alpkan et al., 2010, p. 736 ; Barringer & Bluedorn, 1999 ; Burgelman, 1983, 1984 ; Covin & Slevin, 1989 ; Khandwalla, 1973 ; Mintzberg, 1973). Les résultats de l’étude de Antoncic et Hisrich (2001) montrent que les projets d’innovation développés à l’extérieur de l’organisation réussissent mieux. De plus, ce n’est pas la taille de l’organisation qui est considérée comme un obstacle, mais la lourdeur des processus.

Alpkan et ses collègues (2010) recensent dans leur étude, les « organizational arrangements or

managerial tools » (p.734) nécessaires à l’implémentation de processus de corporate entrepreneurship, qui sont (1) l’allocation de temps (Alpkan et al., 2010, p. 735; J. Antoncic

& Antoncic, 2011; Euchner, 2016) et plus généralement de ressources (Euchner, 2016 ; Kuratko et al., 2005). L’allocation de temps est un facteur « critique de succès » pour Alpkan et ses collègues (2010). Cette allocation de temps revêt une double fonction : permettre aux

corporate entrepreneurs — internes en particulier — à avoir du temps pour « imaginer, observer, expérimenter et développer » (Alpkan et al., 2010, p. 736; Fry, 1987; Pinchot III,

1985), (2) l’utilisation d’incentives et récompenses appropriées (Alpkan et al., 2010, p. 734 ; Kuratko et al., 2005). Selon Thornberry (2003), si le management pousse les employés à devenir des entrepreneurs internes, il est nécessaire de les rémunérer tels des entrepreneurs. “If

the employees have a high level of trust in the reward system of their organization, hoping that organizational success will turn to be beneficial to all parties, then bot their commitment to innovation and their willingness to assume the risks associated with the intrapreneurial activity will also be higher. Thus, organizational support should be enriched with a performance based reward system for creating a suitable internal environment.” (Alpkan et al., 2010, p. 736). (3)

L’utilisation combinée de processus bottom-up et top-down (Alpkan et al., 2010). (4) L’importance de communiquer sur le processus de corporate entrepreneurship ((B. Antoncic & Hisrich, 2001). (4) Prôner des méthodes de collaboration basées sur la confiance en travaillant dans une optique gagnant-gagnant pour les différentes parties prenantes (Euchner, 2016). (5) Construire un réseau et écosystème durable par une présence physique dans les hubs d’innovation (Euchner, 2016).(6) Permettre l’autonomie (Hansen et al., 2017) et reconnaître les efforts des corporate entrepreneurs, en particulier les corporate entrepreneurs internes ((J. Antoncic & Antoncic, 2011).

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Au niveau managérial, Phan et ses collègues (2009) stipulent que la diffusion des actions entrepreneuriales au sein de l’organisation est conditionnée par (1) le support managérial (Amundsen et al., 2014; J. Antoncic & Antoncic, 2011; Euchner, 2016; Hansen et al., 2017; Kuratko et al., 2005; Phan et al., 2009). Le support managérial est un facteur clef de succès pour « faciliter, promouvoir et institutionnaliser » (p.735) à la fois la culture de corporate

entrepreneurship qui permet de supporter les systèmes et les processus nécessaires à un

engagement dans des activités de corporate entrepreneurship (Hornsby et al., 2002). Concernant les pratiques intrapreneuriales, Amundsen et ses collègues (2014); Hansen et ses collègues (2017) assurent que les managers doivent se transformer en coachs ou conversation

partners. Ces dénominations mettent en avant l’importance d’une relation de confiance entre managers et employés basée sur l’échange et le partage (B. Antoncic & Hisrich, 2001; J.

Antoncic & Antoncic, 2011) et non basé sur des processus de contrôle (B. Antoncic & Hisrich, 2001; Zahra, 1991). Kuratko et al. (2005) assurent que tous les managers de toute l’organisation et de tous niveaux ont un rôle stratégique critique pour que l’organisation remplisse ses objectifs avec succès pour le bien de l’entreprise (Barringer & Bluedorn, 1999). Les middle managers ont pour rôle de définir les subprocessus, synthétiser, faciliter et définir les rôles et compétences nécessaires à la réalisation de ces subprocessus (Kuratko et al., 2005). Comme vu précédemment, ce support managérial inclut à la fois le middle management et le support du

top management (J. Antoncic & Antoncic, 2011; Kuratko et al., 2005). Kuratko et al. (2005)

définissent le rôle des top managers dans l’implémentation d’une démarche de corporate

entrepreneurship. Le top management a pour rôle de ratifier, de reconnaître et de diriger les

compétences, les modifications, les processus de développement (Kuratko et al., 2005) et est responsable de l’articulation de la vision stratégique de l’entrepreneuriat et de l’émergence d’une architecture organisationnelle pro-entrepreneuriat (Kuratko et al., 2005). Enfin, Euchner (2016) et Kuratko et ses collègues (2005) expliquent également que les lower level manager ont eux aussi un rôle primordial dans l’implémentation d’une démarche de corporate

entrepreneurship et leur rôle est paradoxal. En effet, ils doivent à la fois expérimenter les

challenges entrepreneuriaux non planifiés et appliquer les procédures et standards de l’organisation définis pour réaliser les initiatives stratégiques (Kuratko et al., 2005). (2) work

discretion (autonomie et prise de risques) : la capacité des managers de prendre des risques et

de tolérer d’apprendre des échecs (J. Antoncic & Antoncic, 2011; Kuratko et al., 2005; Phan et al., 2009, p. 202).

Nous observons l’importance de l’existence de deux approches contradictoires, mais complémentaires dans l’implémentation d’une stratégie de corporate entrepreneurship : une approche top-down et une approche bottom-up. Dans la littérature française, Bouchard (2009) reprend cette distinction en discutant de deux modèles de corporate entrepreneurship : un modèle induit (approche top-down) et un modèle spontané (approche bottom-up).

De plus, Phan et ses collègues (2009) stipulent que Zahra (1991) met en avant que les comportements de l’« effective boards » pouvaient impacter positivement l’innovation et la création par l’adoption des comportements spécifiques qui sont (1) en délivrant de meilleures informations et des perspectives sur les opportunités entrepreneuriales (p.202), en partageant davantage d’informations précieuses (p.202) (Smith et al., 2008), suggérer des idées et des initiatives innovantes (p.202), en proposant et évaluant des pistes pour exploiter des opportunités identifiées (p.202), en encourageant les investissements pour renforcer la capacité d’absorption de l’entreprise (p.202), « ensuring that members of the top management team have

the requisite knowledge skills and abilities to lead the company and engage in value creating CE activities » (p.202).

L’implémentation et la pérennité du processus de corporate entrepreneurship dépendent également de la culture organisationnelle définie par Hofstede (1998) comme : “the collective

programming of the mind which distinguishes the members of one organization from another"

(Hofstede, 1991, p. 262). La culture organisationnelle est définie comme un facteur impactant la profondeur et la largeur données aux actions entrepreneuriales pour poursuivre une stratégie de corporate entrepreneurship (Kuratko et al., 2005). Les auteurs s’accordent pour dire qu’il est nécessaire d’implanter une culture d’innovation (Amundsen et al., 2014; Kuratko et al., 2005, p. 734; P. M. S. Smith et al., 2008) basée sur le partage des connaissances (Phan et al., 2009) et la collaboration, en abaissant les barrières intra-organisationnelles (J. Antoncic & Antoncic, 2011). Kuratko et ses collègues (2005) expriment qu’une culture organisationnelle qui soutient une démarche de corporate entrepreneurship est une organisation plus organique que mécanique, qui permet la prise de risque. Kuratko et ses collègues (2005) expliquent que ce droit à la prise de risque dépend du comportement des top managers et une plus grande tolérance — à travers la réaction des managers — vis-à-vis des échecs des corporate

entrepreneurs. Les attitudes conservatives et d’aversion aux risques par les managers causeront

une absence de confiance du côté des potentiels employés intrapreneurs, en particulier, et leur frustration réduira les approches innovantes et leur engagement (Gupta, Lehmann, & Stuart, 2004). Il est donc nécessaire de créer un environnement interne support, qui va permettre aux

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intrapreneurs de sentir que leurs échecs sont tolérés (Block & MacMillan, 1993; Lumpkin & Dess, 1996). Il est important de créer une culture d’innovation qui donne le droit à l’échec et d’échouer rapidement, il est important que les entreprises apprennent, expérimentent et évaluent rapidement leurs hypothèses clefs (Euchner, 2016).

Nous proposons le Tableau 2.1. suivant qui reprend les facteurs organisationnels clefs à la réussite d’une démarche de corporate entrepreneurship que nous retrouvons dans la littérature.

Niveau d’analyse Facteurs Auteurs

Organisation Adopter une orientation entrepreneuriale. (Hornsby, Kuratko, & Zahra, 2002; Kuratko et al., 2005; Slevin & Covin, 1990)

Structurel Créer des structures autonomes et décentralisées pour soutenir le processus de corporate

entrepreneurship.

(Alpkan et al., 2010 ; Euchner, 2016 ; Kuratko et al., 2005)

Processuel Permettre et promouvoir l’autonomie. (Hansen et al., 2017 ; Kuratko et al.,

2005)

Processuel Mixer les approches bottom-up et top-down. (Bouchard, 2009 ; P. M. S. Smith et

al., 2008)

Processuel Communiquer sur le processus de corporate

entrepreneurship.

(B. Antoncic & Hisrich, 2001)

Stratégique Adopter une vision plateforme (Euchner, 2016)

Stratégique Adopter une approche portfolio. (Euchner, 2016)

Managérial Avoir un soutien de la part du management — top-

management, middle manager, et lower manager

— de l’organisation.

(B. Antoncic & Hisrich, 2001; J. Antoncic & Antoncic, 2011; Kuratko et al., 2005)

Managérial Promouvoir et faciliter les actions de corporate

entrepreneurship.

(Kuratko et al., 2005) Managérial Créer une relation de confiance et basée sur la

collaboration entre les managers et les employés.

(B. Antoncic & Hisrich, 2001; J. Antoncic & Antoncic, 2011; Kuratko et al., 2005)

Processuel Allouer des ressources (temporelles) et des

moyens.

(Alpkan et al., 2010, p. 735; J. Antoncic & Antoncic, 2011; Euchner, 2016)

Processuel Reconnaître les efforts des employés. (Alpkan et al., 2010; J. Antoncic &

Antoncic, 2011)

Managérial Implémenter un style de management organique et

non mécanique.

(Kuratko et al., 2005; Slevin & Covin, 1990)

Culturel Permettre le droit à l’échec et d’échouer

rapidement.

(Kuratko et al., 2005) (Alpkan et al., 2010 ; Euchner, 2016)

Culturel Implémenter une culture tournée vers le partage de

connaissances et la collaboration.

(Phan et al., 2009)

Tableau 2.1. Les facteurs organisationnels clefs à la réussite d’une implémentation réussie d’une démarche de corporate entrepreneurship.

À travers cette analyse, nous avons identifié différents niveaux organisationnels qui permettent de contribuer à la réussite de l’implémentation et de la pérennité d’une démarche de corporate

entrepreneurship. Ces niveaux viennent enrichir les niveaux définis par Phan et ses collègues

(3) le niveau structurel, (4) le niveau processuel, (5) le niveau managérial, (6) le niveau culturel et (7) le niveau individuel.