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Dans quelles conditions les actes établis à l’étranger peuvent être ou non transcrits sur les registres d’état civil français? être ou non transcrits sur les registres d’état civil français?

CHAPITRE 2 – LA GESTATION POUR AUTRUI

2. Dans quelles conditions les actes établis à l’étranger peuvent être ou non transcrits sur les registres d’état civil français? être ou non transcrits sur les registres d’état civil français?

La transcription d’un acte étranger concernant un Français sur les registres de l’état civil consulaires n’est pas obligatoire. Toutefois, comme l’indique le rapport du groupe de travail sénatorial précité, elle présente notamment l’intérêt d’éviter à l’intéressé de devoir s’adresser aux autorités ayant établi l’acte pour en obtenir un extrait ou une copie, de supporter des démarches plus ou moins longues et difficiles et de s’exposer éventuellement à des frais de traduction. L’acte étranger se « transforme » en acte français et il permet ainsi d’en obtenir une copie ou un extrait, ainsi que la délivrance ou la mise à jour d’un livret de famille, auprès du consulat français ou du service de l’état civil à Nantes.

À quelles conditions et pour quelles raisons des actes établis à l’étranger concernant un enfant né suite à la conclusion d’une convention de gestation ou de procréation pour le compte d’autrui, peuvent-ils être ou non transcrits sur les registres de l’état civil français ?

a) La transcription aux seules fins de permettre l’action du ministère public

La transcription des actes étrangers sur les registres de l’état civil peut être effectuée à la demande de la personne concernée ou d’office, sur les instructions du procureur de la République.

En sa qualité d’« autorité supérieure », selon les termes de l’instruction générale relative à l’état civil, le parquet de Nantes exerce la tutelle sur les officiers d’état civil consulaires français, à l’étranger et sur le service central de l’état civil du ministère des affaires étrangères , installé à Nantes. À ce titre, il est amené à donner à ceux-ci des instructions lorsqu’il est saisi d’une difficulté relative à la transcription sur les registres consulaires de l’acte de naissance d’un enfant à l’étranger.

Lors de son audition, M. Pierre Lecat (1) a indiqué que ce parquet est ainsi, en matière de GPA, « la porte d’entrée de toutes ces affaires qui nous viennent de l’étranger » mais ces affaires « demeurent très rares ». En effet, il n’y a pas eu plus d’une vingtaine de cas recensés, c’est-à-dire d’affaires identifiées liées à des demandes de transcription d’acte de naissance d’un enfant issu d’une gestation pour autrui pratiquée à l’étranger, exclusivement aux États-Unis et très majoritairement en Californie.

Le recours à une mère porteuse peut être soupçonné facilement, par exemple, lorsque le passeport d’une mère d’intention, qui ne peut produire de certificat de son accouchement, indique qu’elle est venue sur le lieu de la naissance neuf mois avant l’accouchement, qu’elle y retourne précisément à une date extrêmement proche de celui-ci, alors que sa prétendue grossesse proche du terme aurait été incompatible avec un déplacement en avion. Dès que l’officier de l’état civil consulaire soupçonne que cet enfant est issu d’une gestation pour autrui prohibée, il demande des justifications de la grossesse de la femme française, de son suivi médical, de sa déclaration à la caisse d’allocations familiales et de son séjour aux États-Unis.

Ainsi que l’a précisé M. Pierre Lecat, « dès lors qu’il est vérifié que les soupçons de l’officier d’état civil consulaire sont suffisamment fondés, le parquet de Nantes refuse par principe la transcription » de l’acte étranger, en considérant que des données extérieures à celui-ci établissent que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité, de sorte que l’acte à transcrire ne fait pas foi de son contenu. Ce refus de procéder à la transcription a plusieurs fondements : la nullité de la convention de gestation pour autrui (article 16-7 du code civil), l’existence de sanctions pénales ainsi que le principe selon lequel la mère est celle qui accouche. Selon M. Pierre Lecat, ce refus prend également en compte « les engagements internationaux de la France : l’article 370-3 du code civil et surtout la convention de la Haye sur l’adoption qui comporte des dispositions relatives au but de l’adoption, et à la manière dont le consentement peut être donné et dont il ne doit pas être obtenu (rémunération). Le parquet de Nantes considère que la gestation pour autrui est une adoption déguisée et interdit la transcription de l’acte étranger qui en est l’expression. »

Dans la mesure où la transcription d’un acte de naissance étranger désignant la mère d’intention en qualité de mère serait contraire à l’ordre public, le parquet ordonne dans ce cas la transcription aux seules fins de permettre l’action du parquet compétent territorialement.

(1) Audition du 24 juin 2009.

b) L’impossibilité de transcrire partiellement l’acte étranger

« On pourrait concevoir de transcrire au moins la paternité », toutefois, comme l’a souligné M. Pierre Lecat(1), « en fait, la transcription se fait ou ne se fait pas : ni l’officier consulaire, ni le parquet de Nantes ne sont autorisés à faire le tri dans l’acte étranger, qui est un acte authentique, dont toutes les données doivent être reprises. »

En effet, le principe de la transcription d’un acte de l’état civil est la reprise du contenu de l’acte dans son intégralité, en application de l’article 7 du décret de 1962 (2). Certains tempéraments lui sont toutefois apportés :

– tout d’abord, le contenu des actes de l’état civil étant déterminé par la loi (article 57 du code civil concernant l’acte de naissance), l’officier d’état civil français ne peut assortir les actes concernant des étrangers, d’énonciations prévues par la loi personnelle étrangère mais non admises par notre droit, comme la race, la nationalité ou la religion ; ainsi, des indications prohibées, inconnues du code civil ou contraires à l’ordre public international français mais qui ne sont pas essentielles à l’acte ou sont détachables de l’acte peuvent être expurgées par l’officier de l’état civil, qui se tient à une application stricte des énonciations devant être contenues dans les actes de l’état civil français ;

– de plus, le contenu de l’acte étranger ne doit pas être contraire à l’ordre public français : l’indication d’une information essentielle de l’acte qui serait considérée comme une violation de l’ordre public international autorise en effet l’officier d’état civil, après avis du procureur de la République à en refuser la transcription (par exemple, en cas d’adoption frauduleuse) ou à ne transcrire que le contenu de l’acte conforme au droit français (par exemple en cas d’homoparentalité, si la femme française du couple est celle qui a accouché).

Tel n’est pas le cas en revanche pour les actes dressés à l’étranger concernant des enfants conçus après le recours à une mère porteuse. M.Pierre Lecat a indiqué à cet égard que « s’agissant de la paternité, le parquet se fonde sur le principe selon lequel on ne fait pas le tri dans l’acte d’état civil étranger dont on opère la transcription. De toute façon, au moment où on lui demande s’il faut ou non transcrire l’acte étranger, il a rarement en main la décision juridictionnelle étrangère qui désigne le père et la mère. En général, la filiation s’établit par rapport à la loi de la mère, mais de la mère connue comme ayant accouché. Il faudrait donc que le parquet sache si la loi américaine désigne comme étant le père celui qui se présente comme tel. Cela suppose une analyse juridique que le parquet estime ne pas pouvoir, ni devoir faire au moment où il est saisi. Il considère qu’il appartient aux juridictions qui seront éventuellement saisies, soit par lui-même, soit par un autre parquet, soit par les parents français, de se prononcer sur cette question. »

(1) Audition du 24 juin 2009.

(2) Décret n°62-921 du 3 août 1962 modifiant certaines règles relatives aux actes de l’état civil.

c) Les cas où des actes étrangers ont pu être transcrits sur les registres de l’état civil français

Quand bien même les actes étrangers d’état civil auraient été dressés suite au recours à une mère porteuse par un couple de Français, il apparaît qu’ils pourraient être transcrits sur les registres de l’état civil français dans les trois cas de figure suivants.

Tout d’abord, l’acte étranger peut être transcrit si l’officier d’état civil consulaire ne dispose pas d’élément lui permettant de soupçonner l’existence d’une gestation pour autrui.

Comme l’a souligné M. Pierre Lecat (1), « le faible nombre d’affaires rapporté aux centaines de naissances par gestation pour autrui évoquées par les associations, montre bien que le parquet de Nantes n’a pas connaissance de l’ensemble de ces cas ». Cette situation s’explique tout d’abord par le caractère non obligatoire de la transcription (cf. supra), mais aussi par le fait que les officiers d’état civil consulaires et le parquet du tribunal de grande instance de Nantes ne disposent pas toujours d’éléments de nature à éveiller leurs soupçons et à leur permettre de vérifier l’existence d’une maternité pour le compte d’autrui. C’est par exemple le cas pour les Français installés aux États-Unis depuis plusieurs années.

Précisant que le parquet de Nantes est « loin de connaître tous les cas existants », M. Pierre Lecat a évoqué un autre cas de figure, dans lequel le parquet de Nantes, en tant qu’autorité supérieure des officiers d’état civil consulaires, a été contourné ; on a ainsi « découvert, il y a quelques années, à l’occasion d’une perquisition par la police judiciaire faite à Lille au domicile d’un homme soupçonné d’abus de confiance, deux enfants dont l’état civil figurait au service central de l’état civil et qui venaient des États-Unis. Ils avaient été ramenés en France par cet homme, qui y vivait avec un autre homme, et qui avait obtenu pour eux un certificat de nationalité française. (…) : il avait demandé au greffier en chef, compétent territorialement, la délivrance d’un certificat de nationalité française. Il avait démontré, avec son acte américain, que son enfant était français dans la mesure où il avait au moins un parent français. Le greffier en chef lui a délivré ce certificat de nationalité, qui fut transmis directement au service central d’état civil en vue de la transcription. La transcription eut lieu.»

La transcription peut également être effectuée dès lors que l’acte étranger ne mentionne pas la mère d’intention en qualité de mère légale.

M. Pierre Lecat a en effet expliqué que « la nullité du processus vient de la désignation de la mère par le jugement de la cour californienne. [Le parquet du TGI de Nantes a] examiné des dossiers dans lesquels la mère n’apparaissait pas.

Dès lors que la décision californienne et l’acte américain ne désignent qu’un père, si par ailleurs, à l’analyse de cet acte et compte tenu des déclarations qui

(1) Audition du 24 juin 2009.

s’y trouvent, on peut considérer qu’il y a déjà une reconnaissance valide, même si elle mérite d’être réitérée « à la française », la transcription est possible. »

Dans la pratique, il semblerait que pour la moitié environ des cas recensés, la gestation pour autrui concerne un homme célibataire français, qui a recouru à une femme ayant été inséminée avec ses gamètes et qui porte l’enfant. Dans ces cas, une convention préalable serait conclue afin que la garde de l’enfant soit attribuée à l’homme, qui rentrera sur le sol français avec celui-ci. Dans la mesure où des actes de naissance des enfants désignaient la femme ayant porté l’enfant en qualité de mère, le parquet ne s’est pas opposé à la transcription de l’acte sur les registres de l’état civil français.

Concernant les couples (composés d’un homme et d’une femme), le rapport du groupe de travail sénatorial note par ailleurs que la mention de la mère d’intention sur les registres de l’état civil français étant impossible, il leur a été proposé, dans certains cas, de faire désigner la mère porteuse en qualité de mère (1) et qu’en cas d’acceptation, la transcription a été réalisée, aucune action judiciaire n’ayant été engagée. En cas de refus ou d’absence de possibilité de procéder ainsi, la transcription est réalisée aux seules fins de permettre la saisine de la justice.

Par conséquent, un acte étranger mentionnant la femme qui a accouché et le père commanditaire pourrait actuellement être transcrit. D’une certaine manière, le raisonnement suivi par le parquet du TGI semble être le suivant : le contrat illicite de mère porteuse vicie la maternité d’intention parce qu’il en est l’unique fait générateur, en l’absence d’accouchement, qui demeure en France la condition de la maternité légale. Mais il n’en est pas de même pour la paternité qui, en cas de reconnaissance repose sur cette démarche légale et non pas sur le contrat illicite.

Ce raisonnement pourrait cependant occulter le fait que le père dont la filiation (ou plutôt l’acte instrumentaire) peut à ces conditions être transcrite en droit interne, a commis une fraude à la loi en se rendant à l’étranger pour recourir à la GPA.

Il en résulte que si le nom de la mère qui a accouché n’est pas mentionné sur l’acte de naissance étranger ou si la fraude est soupçonnée, la transcription de la filiation paternelle peut être refusée comme l’a fait récemment le parquet de Nantes à propos d’une gestation pour autrui en Inde.

Enfin, la transcription ordonnée par le parquet de Nantes à seule fin de saisine du juge peut ne pas être suivie d’une action judiciaire, le parquet territorialement compétent n’agissant pas en ce sens.

(1) En réalité, il semble que cette proposition consistait à en revenir à un premier acte dont le parquet avait connaissance, préalable à l’intervention judiciaire désétablissant la mère et son mari ou à un retour à la réalité de l’accouchement par le biais de procédures internes au pays considéré.

Le parquet de Nantes ne dispose que d’une compétence liée par rapport aux actes d’état civil sur le plan de leur transcription, de leur rectification ou de leur annulation. Les actions d’état qui visent à établir ou contester une filiation ne relèvent pas de sa compétence pas plus que l’exercice de l’action pénale.

M. Pierre Lecat a indiqué que le parquet de Nantes est en conséquence tributaire des « autres parquets de France, qui ont rarement l’expérience de ces affaires. Sur [ses] signalements et [ses] transmissions, ils agissent ou n’agissent pas, opportunément ou non ». Il a notamment évoqué des « parquets qui, malgré notre signalement, n’avaient pas du tout réagi : nous avions ordonné la transcription avec interdiction d’exploiter l’acte, à seule fin de saisine du juge, mais ce juge n’a jamais été saisi. Au bout de deux ans, et en l’absence d’instruction de la Chancellerie, nous avons autorisé l’exploitation de l’acte. »

Ainsi, selon M. Pierre Lecat, « de nombreux actes ne sont donc pas soumis à l’autorisation judiciaire et sont transcrits parce qu’ils nous ont échappé et se trouvent librement exploités, cependant que d’autres nous sont passés entre les mains et nous en avons nous-mêmes autorisé l’exploitation. »

3. Quelles sont les conséquences de l’absence de transcription en

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