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Concurrence monopolistique

L'hypothèse d'une fonction de demande coudée, qui a été posée dans la section 3, est commode pour le développement et l'intelligibilité de la théorie étudiée jusqu'ici. Mais elle n'est fondamentale que pour certains des aspects des résultats obtenus, l'essentiel restant le plus souvent l'incertitude sur la demande qui s'adressera à la capacité de production. Pour s'en convaincre, on va traiter ici du cas dans lequel la fonction de demande est deux fois

differentiable et ne présente en rien l'allure d'une demande coudée. La distinction entre augmentation des débouchés et amélioration de la profitabilité disparait alors, ou devient conventionnelle. Néanmoins certaines des conclusions tirées du modèle principal subsistent.

Soit donc R(y,u) la recette marginale qui sera réalisée si la quantité produite et vendue est y. C'est la dérivée par rapport à y de la valeur des ventes S(y,u). Cette recette marginale dépend de la valeur prise par un paramètre aléatoire u, dont on écrira la loi de probabilité cumulative simplement P(u), l'intention n'étant pas ici de considérer à nouveau l'effet des variations dans le degré d'incertitude. Alors que R(y,u) est une fonction décroissante de y, on admettra que c'est une fonction croissante de u, une valeur élevée du paramètre signifiant un état favorable de la demande.

Le cas où la recette marginale serait linéaire, donc où la fonction de demande le serait aussi, permettra de rendre plus transparentes les formules obtenues. Moyennant une paramétrisation convenable de u, on peut l'écrire :

(57) R(y,u) = b(u-y) + e

où b et e sont deux nombres, b étant positif et d'autant plus élevé que l'élasticité de la demande est plus réduite.

A court terme la valeur de u sera connue. Si la capacité de production est suffisante, la production sera fixée au niveau qui égalise recette marginale et coût marginal. Sinon, la production sera égale à la capacité. En d'autres termes y sera donné par :

- 34 -

où y sera solution de :

(59) R(y, u) = i/ug(k)

L ’équation (58) remplace donc l'équation (6), tandis que y apparaît comme une fonction croissante de u et de k, décroissante de w (le fait que y ne dépende pas uniquement de u est une caractéristique nouvelle par rapport au modèle principal, et est source de complications, comme on le verra).

Il est intéressant pour la suite de repérer la valeur du paramètre u qui est telle que la capacité de production soit juste adéquate à l'état de la demande. Cette valeur u est la solution de :

(60) R(ÿ, G) = wg(k)

C'est une fonction croissante de y et k, décroissante de w. L'introduction de u permet d'écrire :

(61) y = y si u iu

(62) y = y si u ^u

La valeur totale des ventes S(y,u), qui a pour dérivée par rapport à y la recette marginale R(y,u), intervient dans la fonction objectif W de l'entreprise de la manière suivante :

u

(63) W =

J

[s(y

,u) - wg(k)y]dP(u'

Calculant les dérivées de W par rapport à y et k, on trouve les deux expressions suivantes qui remplacent (19) et (20) :

° °

(64) — - = J [ (R(ÿ, u) - wg(k) ]dP(u) -rk

ôy u

(65) —— = - [wg'(k) T (ÿ) + r ]ÿ 6k

où T(y), espérance du taux d'utilisation de la capacité, est encore donné par l'équation (12) P(y) étant remplacé par P(u) et G(y) exprimé par

1 u A

(66) G(y) = — J ydP(u)

y

0

Ainsi, dans les conditions du premier ordre de la maximisation, l'équation (22) subsiste sans changement tandis que l'équation (21) est remplacée par :

(67) J_ [R (ÿ, u) - wg(k) ] dP(u) = rk u

(22) - î(y) g'(k) =

Mais l'équation (67) garde la même interprétation que l'équation (21) : le coût du capital d'une unité de capacité doit être exactement couvert par la contribution des cas de pleine utilisation de la capacité à l'espérance du profit brut. Pour retrouver une équation analogue à (21) on peut d'ailleurs définir le "taux de marge marginal" m comme étant l'espérance mathématique conditionnelle du profit réalisé sur une unité supplémentaire de capacité à supposer que la capacité soit pleinement utilisée :

- 36 -

1 _

(68) m = --- J [R(y,u) - wg(k) ]dP(u)

l-P(G)

u

L'équation (67) s'écrit alors comme l'équation (21)

(69) [l-P(u) ] m = rk

Sans reprendre ici la discussion des conditions du second ordre, on peut passer directement à l'étude des relations de statique comparée qui résultent de ce que y et k sont la solution du système défini par (67) et (22). Afin de ne pas avoir à considérer les complications résultant de l'arbitraire de la paramétrisation, on maintiendra fixe la loi de probabilité P(u). S'agissant des modifications subies par la fonction de recette marginale R, on s'en tiendra à considérer des petits déplacements exogènes 6R qui affectent de la même manière cette recette pour toutes les valeurs de y et de u. En d'autres termes, ce seront des déplacements parallèles.

Il importe de bien comprendre comment cette convention se compare avec celle retenue pour l'étude du modèle principal. Quand la fonction de demande a un coude au point (p,d), le prix p et la demande d étant eux-mêmes fonction de u, soit p(u) et d(u),la fonction de recette marginale est la constante p(u) pour y < d(u) et la constante nulle pour y > d(u). Deux types de déplacement peuvent alors être décrits et être rattachés à ceux considérés dans la section 8 : un déplacement horizontal 6d correspondant à une variation des débouchés et un déplacement vertical Sp de la partie nulle de la fonction de recette marginale, déplacement qui serait intervenu dans la section 8 pour la mesure de la variation de la profitabilité si on n'avait pas posé le modèle principal directement en termes réels. Quand la fonction de demande ne présente pas une allure coudée un déplacement vertical parallèle de la courbe de cette recette marginale diffère fort peu d'un déplacement horizontal, surtout lorsque l'on s'en tient à une étude locale. Ainsi la distinction s'estompe au point de devenir conventionnelle.

Il serait encore concevable d'étudier divers types de déplacement de la fonction R. Mais, pour autant que j'ai pu voir, ceci n'apporterait guère d'enseignements utiles. Il est préférable de s'en tenir aux variations les plus simples, celles qui affectent R de la même manière pour toutes les valeurs de y et de u. Il suffit alors de se souvenir que ces variations peuvent être interprétées soit comme affectant la profitabilité, soit comme résultant de modifications dans les perspectives de débouchés.

Commençons ici par interpréter le déplacement 6R uniquement en termes de profitabilité. Son impact doit alors intervenir dans la définition de ôq, simultanément avec ceux provoqués par les changements de coûts. Ainsi, alors que la définition (31) de ôc subsiste sans changement, la simplicité de la transposition des égalités de statique comparée requiert que (32) soit remplacé par :

(70) -^9- - _ — + ôR ~ qôw

q _ r m

Le second terme est la variation relative induite directement sur le taux de marge marginal par les changements des coûts et de la recette marginale, le seuil u restant par hypothèse inchangé, ainsi que y et k.

La différenciation de l'équation (67) conduit alors à :

(71) a + Ç J * = J a

ÿ T k q

où le coefficient a est maintenant défini par : -ÿ Ç_ Rÿ (ÿ,u)dP(u) (72) a = --- ^---

- 38 -

Avant d'aller plus loin, il est utile d'étudier ce coefficient, dont l'expression est a priori bien différente de celle (34) obtenue avec le modèle principal. Pour ce faire, on peut se limiter à considérer le cas de la fonction de demande linéaire (57). Le calcul est immédiat :

(73) a - if

J°° (u-u)dP(u) u

Le coefficient a est ainsi le rapport entre y et la moyenne pondérée des écarts positifs u - u, la pondération étant définie par la loi de probabilité P(u).Avec la paramétrisation correspondant à (57), les variations de u sont mesurées dans la même unité que celles de y ; il est dès lors normal de concentrer l'attention sur le cas où a est nettement plus grand que un. A titre d'exemple on peut considérer le même cas de loi normale pour P(u) que celui retenu pour le tableau 1 ; on trouve alors que a = 6,25 pour u = E et a = 12 pour u = E + a. Les valeurs de a sont donc encore plus élevées que pour le modèle principal. Elles croissent fortement aussi quand la capacité de production devient plus excédentaire.

La différenciation de l'équation (22) fait intervenir une complication suplémentaire du fait que le taux d'utilisation T(y) dépend de k et de iAi par l'intermédiaire de y, comme (66) le montre. On calcule

(74) -JLL = . G + Htù) ({R _ gSi<) _ rk_H(i! ôk

T T y y T y T2 k

O U

(75) H (G) = - JU dP(u) R'y (y>u )

Dans le cas linéaire H(ü) se ramène à P(u)/b. Quoi qu'il en soit, il apparaît que la sensibilité de T par rapport à 6R, ôw et même ôk n'est pas d'un ordre de grandeur différent de celui de sa sensibilité par rapport à Sy . S'agissant de 6R tout au moins, la chose n'est pas surprenante puisque cette variation concerne autant les débouchés que la profitabilité, ainsi qu'on l'a vu.

Tenant compte de cette différentielle de T et se plaçant dans le cas linéaire, on peut écrire l'équation suivante qui résulte de la différentiation de (22) :

(7 6 ) Ç + (£ + rkP ) 6k _ _ 6c + P . 6R-gôm

T y byT2 k c T by

où e a déjà été défini par l'équation (35).

Les deux équations (71) et (76) définissent le système des relations de statique comparée s'appliquant aux variations <5y et ôk entraî­ nées par les variations ôR, ôw, ôr de la fonction de demande et des coûts. Elles sont à rapprocher des équations (36) et (37) obtenues sur le modèle principal, étant entendu cependant qu'aucune variation de la loi de probabilité P(u) n'est maintenant considérée.

La similitude entre les systèmes (71)-(76) et (36)-(37) est évidente. Dans la matrice des coefficients des membres de gauche, les termes diagonaux ont un peu changé, le premier (a) par sa définition, le second par l'addition à e d'un terme additif positif. Mais il reste vrai que, par leurs ordres de grandeur, ses termes diagonaux l'emportent nettement sur les termes non diagonaux, qui pourraient être négligés si on voulait se contenter de lois approchées.

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Les premiers termes des membres de droite sont dans (71)—(76) identiques à ce qu'ils étaient dans (36)-(37). Ainsi, on peut encore dire, en un certain sens, que la profitabilité agit presque exclusivement sur la capacité de production et le coût relatif du travail par rapport au capital presque exclusivement sur l'intensité capitalistique. Cependant les deux équations (71) et (76) présentent une hétérogénéité qui peut gêner la force démonstrative de la proposition : 6R - gôw intervient dans (71) comme une des composantes de la variation de la profitabilité ; il figure au contraire dans (76) comme élément d'un terme additif, qui peut alors être interprété comme l'effet d'une variation des débouchés.

Pour une meilleure homogénéité, tout au moins dans le cas linéaire, on peut réécrire (71) sous la forme :

,-7-^ Sy G 6k ôr 6R - q6w

(77) a _ + ---- = - — + a --- _ ---

y T k r by

Sous cette écriture, l'effet des variations de la demande intervient dans (77)-(76) exactement comme dans (36)-(37). En effet dans le système s'appliquant au modèle principal, si l'écart-type a, et non le coefficient de variation h, est maintenu constant alors que l'espérance E varie, les seconds termes des membres de droite deviennent a6E/y et P6E/Ty. On retrouve les mêmes expressions dans (77)-(76) à ceci près que la variation 6E de l'espérance de la demande est maintenant remplacée par la variation (6R - gôi/O/b, qui est précisément égale à la variation de y pour k donné.

En somme, les relations de statique comparée sont très voisines de celles étudiées précédemment. La différence la plus notable résulte dans l'arbitraire de l'interprétation : alors que le modèle principal permettait une distinction nette entre les effets provenant d'une variation de la profitabilité et ceux résultant d'une variation de la demande, la distinction s'évanouit ici.

Pour terminer, notons que pour conserver la validité de l'équation (27) selon laquelle, à l'équilibre, l'indicateur q de la profitabilité doit être égal à la fonction q(y), il convient de retenir l'expression suivante du "ratio marginal de Tobin" :

(78) q = m -T--y) rk

L'équation (27) résulte en effet alors de (69). La formule de définition de q est comparable à celle donnée par la plus à droite des égalités (26) ; elle manque un peu d'élégance puisqu'elle fait intervenir le taux moyen d'utilisation de la capacité à côté du taux de marge marginal.

L'arbitraire de l'écriture des relations de statique comparée peut alors être compris comme un arbitraire dans la définition de la variation 6q à considérer. Selon (77) ce serait uniquement l'impact sur q de la variation du coût du capital, toutes les autres grandeurs étant maintenues fixes pour la mesure de cet impact. Selon (71) ce serait l'impact des variations 6R, ôw et ôr, les grandeurs de y, k et u étant maintenues fixes. La solution intermédiaire serait encore possible, qui consisterait à retenir l'impact de âw et ôr pour aboutir à la formule :

(79) i s _______ §l _ m .

q r m w

quasiment identique à la définition (32) retenue avec le modèle principal.

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