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1. Le nombre croissant de ménages éprouvant des difficultés à faire face à leurs

1.3. La croissance des contentieux crée, en aval, une tension sur le relogement des ménages

1.3.1. Le concours de la force publique

1.3.1.1. Les enquêtes pour instruire les demandes de concours de la force publique

À compter de la demande de concours de la force publique, les services de police et de gendarmerie procèdent à des enquêtes sur la seule base du risque de troubles à l’ordre public. Les enquêtes sont réalisées, par convocation du locataire et, en cas de non réponse, par déplacement à domicile, la gendarmerie l’effectuant dans le cadre de ses patrouilles.

38 Dixit un huissier de justice.

39 La loi « ALUR » (article 26) a désormais érigé en délit le fait de forcer un tiers à quitter le lieu qu’il habite, sans avoir obtenu le concours de l’Etat, à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contraintes (cf. Art 226-4-2 du code pénal).

40 Cf. Annexe VII : le cadre d’ensemble et la mise en œuvre de la procédure administrative d’octroi et de mise en œuvre du concours de la force publique.

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Ces déplacements à domicile sont tantôt systématiques dans les départements peu urbanisés (Charente, Dordogne…), tantôt sélectifs dans des départements plus urbains (Gard, Hérault…), tantôt rares dans certains contextes urbains particuliers (Seine-Saint-Denis).

Il peut s’agir d’une enquête qui réédite des enquêtes déjà réalisées en amont de la procédure. Il peut aussi s’agir de la première et de la seule enquête comportant des informations d’ordre social et financier dans la mesure où, selon des interlocuteurs de la mission, un nombre significatif de locataires n’ont jamais été rencontrés par des travailleurs sociaux tout au long de la procédure, soit en l’absence de déplacement d’un travailleur social, soit en raison d’un refus de contact (« portes closes »). Il en va de même des enquêtes menées par les centres communaux d’action sociale (CCAS) pour le compte des mairies qui supposent des contacts avec les intéressés.

Le délai de deux mois donné au préfet pour répondre à la demande de concours de la force publique est manifestement trop bref pour pouvoir mener ces différentes enquêtes alors même que les services missionnés ne disposent d’aucune enquête ou rapport préalable41. Même au stade de la réquisition de la force publique (RFP), il demeure un certain nombre de dossiers pour lesquels les commissions préfectorales ne disposent pas d’éléments susceptibles d’éclairer leur décision, soit qu’elles n’aient pas été rendues destinataires des enquêtes d’assignation, soit que le contenu de celles-ci soit « périmé » en raison des délais qui se sont écoulés.

1.3.1.2. Octroi et réalisation des concours de la force publique

Dans la plupart des départements, une commission est chargée d’instruire les dossiers de demande d’octroi de la force publique, sur la base des enquêtes de police et gendarmerie.

Généralement présidée par le sous-préfet d’arrondissement (Pas-de-Calais, Gard, Hérault, Charente, Dordogne), cette commission est traditionnellement sollicitée pour avis au titre de la demande du concours de la force publique. En pratique, elle recherche aussi des solutions pour éviter l’expulsion ou faciliter un relogement et s’intitule fréquemment d’ailleurs « commission de prévention des expulsions ». Cette commission est toujours distincte de la CCAPEX42. Des acteurs nouveaux, absents ou moins présents en amont de la procédure, y participent (police, gendarmerie, huissiers…) ; les bailleurs sociaux et les mairies concernées y sont fréquemment associés.

La solution retenue dans le département de l’Hérault dans lequel la DDCS assure le portage de la CCAPEX43 et la préparation des décisions de concours de la force publique contribue à l’articulation et l’harmonisation de procédures qui peuvent souvent être disjointes.

41 IGA, « Evolution des dépenses de contentieux à la charge du ministère de l’intérieur », septembre 2013.

42 La loi n°2006-872 du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement a officialisé sous le nom de CCAPEX certaines initiatives prises localement. Elle était encore facultative à ce stade. La loi n°

2009-323 du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion a franchi un nouveau pas en rendant la CCAPEX obligatoire. La circulaire du 31 décembre 2009 relative à la prévention des expulsions locatives en décline les objectifs et les modalités de mise en œuvre. La loi « ALUR » précise ses missions et son champ d’intervention.

43 Il en va de même dans l’Aube, avec la DDT.

Tableau 2 : Décisions postérieures au jugement d’expulsion

2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012

CQL 53 628 58 926 53 976 55 392 56 461 58 904 57 336 58 739 55 957 49 685

Source : ministère de l’intérieur45 (métropole et outre-mer). Calculs mission pour les taux d’octroi et d’exécution.

Au plan national, le taux d’octroi du concours de la force publique (rapport des octrois de la force publique au nombre de concours demandé) a progressé sur la période 2003 à 2007 pour passer de 57,47 % en 2003 à 64,3 % en 2007. Sur la période 2007-2012, en moyenne, le taux d’octroi se stabilise autour de 63 % mais avec des évolutions très erratiques (57,3 % en 2009, 67,5 % en 2011).

Le taux d’exécution, rapport des interventions effectives à domicile au nombre d’octrois sur la période 2008-2012, augmente en revanche de façon sensible en moyenne entre la période 2003-2007 et la période 2007-2012.

L’indicateur du nombre d’intervention effective de la force publique sur le nombre de CQL (18% en moyenne de 2003 à 2007, de 20 à 22 % sur la dernière période) pourrait exprimer, avec les réserves d’usage, le rôle conjugué de la « prévention » en aval (par les CCAPEX, par les commissions de prévention des expulsions locatives, et même par la décision d’octroi du concours de la force publique qui peut être le dernier levier de discussion).

Un CQL sur cinq est exécuté, avec une détérioration dans le temps des effets attendus du CQL en matière de résolution du litige, le ratio interventions effectives / CQL croissant depuis dix ans. Pour estimer un effort de prévention en aval du CQL, il faut tenir compte des départs « volontaires » estimés par les interlocuteurs rencontrés à 50% des CQL. En effet, une proportion élevée des personnes sont déjà parties, soit que des solutions aient été trouvées (reprise de paiement, plan d’apurement, relogement…), soit qu’un départ

« spontané » soit intervenu avant l’arrivée des huissiers et des forces de l’ordre (famille, réseau).

44 Le montant des indemnisations versées est de 53 M€ en 2011 et de fait de 52 M€ en 2012 compte tenu de 14 M€ de report sur 2013.

45 Avec des réserves expresses sur les statistiques de la direction des libertés publiques et des affaires juridiques (DLPAJ). Cf rapport de l'IGA précité.

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Tableau 3 : Mise en œuvre des commandements de quitter les lieux

2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012

rapport intervention

effective / CQL 18,20% 12,80% 18,80% 19,50% 19,00% 19,10% 19,6% 19,80% 22,80% 23,11%

Source : Ministère de l’Intérieur

Cette mobilisation trouve place dans des stratégies d’octroi et de réalisation du concours de la force publique différenciées selon deux stratégies :

• des départements à taux d’octroi plus élevé de concours de la force publique et à taux d’exécution du concours plus faible : le CFP est accordé après les démarches de prévention mais laisse place à un processus de délai de mise en œuvre dans lequel la recherche de solution se poursuit après le CFP. Les délais de réalisation sont allongés, parfois en relation étroite avec les bailleurs sociaux. Le CFP est alors une épée de Damoclès, dernier recours pour une négociation et une solution.

• des départements à taux d’octroi faible et taux d’exécution élevés : le CFP intervient alors bien plus tardivement. Le CFP est alors une décision ultime dont la réalisation est ensuite rapide puisque que les efforts de prévention ont été prolongés. Le département de la Seine-et-Marne, en 2012 avec un taux de d’octroi de 52 % en 2012 (63 % en 2012 en moyenne nationale) et un taux d’exécution de concours élevé de 59 % (47 % en moyenne nationale) est de nature à illustrer cette démarche.

Dans ce cas les niveaux d’indemnisation sont élevés, les décisions d’octroi étant plus tardives.

Le montant des indemnisations versées est de 53 M€ en 2011 et de fait 52 M€ en 2012 compte tenu de 14 M€ de report sur 2013. Il est en progression (30 M€ en 2007) et corrélé avec le nombre de concours refusés ou non exécutés avec un effet différé d’un an sur l’indemnisation amiable et de deux ans sur le contentieux.