Partie III : Applications au risque routier
Chapitre 9. Le modèle Giboulée : un modèle de suivi à court terme
9.4. Conclusions et perspectives
En tant que modèle de suivi, ce modèle permet d'abord un suivi conjoncturel plus immédiat et
moins biaisé que ne le permettent les techniques de calcul habituellement utilisées sur les
données brutes (ratios de comparaison des données journalières ou mensuelles à la même période de l'année précédente, ou lissage par moyenne mobile des données mensuelles sur les douze derniers mois par exemple). Le suivi peut être réalisé d'un jour à l'autre, ou d'un mois au mois suivant; en particulier, les inflexions de la tendance de moyen terme sont saisies dès qu'elles se manifestent, environ six mois avant qu'elles n'apparaissent sur les moyennes mensuelles glissantes des douze derniers mois.
En tant que modèle de désaisonnalisation, ce modèle est à la fois un modèle de désaisonnalisation des indicateurs journaliers - c'est d'abord la saisonnalité irrégulière, due à une situation climatique inhabituelle par rapport à la normale saisonnière, à la configuration du calendrier, qui est évaluée puis corrigée en rythme journalier - et un modèle de désaisonnalisation des indicateurs mensuels - c'est de plus la saisonnalité régulière qui est évaluée puis corrigée en rythme mensuel (cf. figures 9.7 et 9.8). A la différence de la méthode classique de désaisonnalisation de données mensuelles qui portent sur des mois non homogènes, cette méthode de désaisonnalisation est plus efficace mais elle demande une bonne connaissance des données météorologiques et des évènements calendaires.
Ce modèle est enfin approprié au contexte de la sécurité routière, dans lequel le facteur aléatoire est particulièrement important. Cette distinction entre saisonnalité irrégulière et saisonnalité permanente permet que soit quantifiée la partie de l'aléa engendrée par une météorologie inhabituelle et par la configuration du calendrier; il reste néanmoins difficile d'envisager une prise sur cet aléa saisonnier.
Chapitre 9. Le modèle Giboulée
Le modèle de suivi journalier est actuellement appliqué aux nombres d'accidents et de victimes de la circulation routière désagrégés par catégories de réseaux et suivant une typologie d'accidents.
Une modélisation directe des indicateurs mensuels sur plus longue période a été également menée. Il s’agit du modèle RES (pour réseaux), agrégé par grande catégories de réseaux, pour l’analyse à court/moyen terme, qui est discuté ci-après dans le chapitre 10.
Données brutes
REGRESSION LINEAIRE sur variables météorologiques avec stepwise
Effet météorologique de court terme Données corrigées de l’effet météorolog ique de court terme
MODELISATION A RIMA avec variab les calendaires
Effets calendaires e xceptionnel et hebdomadaire Données corrigées des variations locales
Ou encore :
Tendance courte + Résidu
Figure 9.1 La modélisation journalière dans le modèle Giboulée
Données journalières brutes Données mensuelles brutes
Données journalières cvl Données mensuelles cvl
Tendance courte Effet du mois Données désaisonnalisées
(cvl et cvs) Ou encore :
Tendance longue + Résidu
20
10
0
-10
-20
01MAI92 01JUIN92 01JUILLET92 01AOÛT92 01SEPT92 effet météorologique effet calendaire
Figure 9.3- Nombre journalier de tués France entière : effets météorologique et calendaire, du 1er mai au 31 août 1992 60 50 40 30 20 10 0
01MAI92 01JUIN92 01JUILLET92 01AOÛT92 01SEPT92 valeurs corrigées valeurs brutes
Figure 9.4- Nombre journalier de tués France entière : données brutes et données corrigées des variations locales, du 1er mai au 31 août 1992.
40 35 30 25 20 0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100 110 120 130 AN 1985 1990 1986 1987 1988 1989 1991 1992
Figure 9.5.- Nombre journalier de tués France entière : évolution de la tendance journalière, du 1er Mai au 31 Août 1992, comparativement à celles des années précédentes.
Chapitre 9. Le modèle Giboulée 40 35 30 25 20
JAN85 JAN86 JAN87 JAN88 JAN89 JAN90 JAN91 JAN92 JAN93 valeur brute valeur c.v.l.
Figure 9.6.- Nombre mensuel de tués France entière : données brutes et données corrigées des variations locales, de février 1985 à décembre 1992.
6
1
-4
-9
JAN85 JAN86 JAN87 JAN88 JAN89 JAN90 JAN91 JAN92 JAN93
Figure 9.7: Nombre mensuel de tués France entière : effet du mois, de février 1985 à décembre 1992.
35
30
25
20
JAN85 JAN87 JAN89 JAN91 JAN93
valeurs c.v.s. tendance
ba r r e s v e r t ic a le s : po i nt s a b e r r a n t s e n 8 /8 6 2 /8 7 1 0/ 8 7 3/ 8 9 11 /8 9 4 /9 0 11 / 90 12 /9 0 1 2 /9 0 8 /9 1 8 /9 2
Figure 9.8: Nombre mensuel de tués France entière : données désaisonnalisées et tendance, de février 1985 à décembre 1992.
Chapitre 10.
Le modèle RES : un modèle de court/moyen terme
La présentation qui suit résulte d’un ensemble de travaux réalisés à la demande de la DSCR, dans le cadre de deux conventions passées avec l’Inrets entre 1998 et 2000.
Les références reprises dans ce chapitre sont tirées de deux rapports de convention Inrets/DSCR rendant compte de ces travaux(Bergel, Depire, 2000 et 2002). Des résultats partiels en sont donnés dans (Bergel, Depire, 2004a et b).
10.1. Objectif
Cette deuxième application porte sur la construction d’un modèle permettant de faire de
l’analyse de court/moyen terme54 de l’évolution des nombres d’accidents et de victimes,
agrégés par catégorie de réseau. Il s’est agi de compléter la demande précédente, et d’établir un modèle à petit nombre de facteurs de risque significatifs sur une base mensuelle, qui soit à la fois explicatif et prédictif. Nous nous limitons ici à traiter sa dimension explicative. A la différence de ce qui vient d’être présenté dans le chapitre 9 avec le modèle Giboulée, le pas de temps retenu ici est directement le mois.
10.2. Problématique
Nous avons cherché à nous situer dans un cadre plus large que celui de la régression linéaire multiple, et ainsi d’envisager une forme fonctionnelle plus souple, de type puissance, telle que celle préconisée par Gaudry.
Nous nous référons ici à la forme de modèle autorégressif, explicatif du risque routier, due à Gaudry, exposée dans le chapitre 8, et aux trois niveaux du risque routier de la démarche
DRAG : la demande routière, le risque d’accident et la gravité de l’accident, mesurés ici 55par
les nombres mensuels de véhicule kilomètres parcourus, d’accidents corporels et de victimes de la circulation routière.
La forme générale de cette approche, donnée en 8.3.2.3, fait appel à un paramètre
supplémentaire par variable (le paramètre λ de la transformation de Box-Cox effectuée sur
54 soit à un horizon d’un an et plus .
cette variable). L’utiliser pour toutes les variables exogènes nous aurait conduits à doubler le nombre de paramètres à estimer pour une même équation, et cette démarche coûteuse en temps d’estimation et en données ne pouvait pas être retenue. Disposant ici de données mensuelles mesurées sur une vingtaine d’années, nous avons choisi de limiter le nombre de
paramètres estimés par équation56. Cette contrainte nous conduisait à limiter le nombre de
variables exogènes par équation et/ou le nombre de paramètres attribués à une variable.
10.3. Démarche
La démarche a été menée en deux temps : la recherche d’une forme fonctionnelle sur le réseau routier national, et l’extension à d’autres réseaux de cette forme fonctionnelle validée.
Dans un premier temps, nous nous sommes limités à considérer les deux niveaux de risque et de gravité, mesurés par le nombre d’accidents et de tués. La validation de la forme fonctionnelle a d’abord été établie sur le réseau routier national (routes nationales et autoroutes), dans un modèle à deux facteurs de risque : l’exposition au risque mesurée par une
variable principale57 de trafic, et le facteur climatique mesuré par des variables secondaires
relatives à la température, à l’occurrence de gel et à la hauteur de pluie. La transformation de Box-Cox a été retenue pour la variable principale qui mesure l’exposition au risque, et le nombre de paramètres exogènes à estimer a été limité à cinq (pour quatre variables exogènes), ce qui porte à une dizaine le nombre total de paramètres à estimer.
Dans un deuxième temps, nous avons retenu la spécification validée à l’étape précédente, et nous l’avons étendue de la manière suivante. Sur le réseau routier national, nous avons considéré les trois niveaux de la démarche DRAG, mesurés par le nombre de véhicule-kilomètres, le nombre d’accidents et le nombre de tués. Sur deux réseaux additionnels : réseau secondaire, milieu urbain, et sur la France entière, les variables de trafic manquent et ont été
remplacées par des variables représentatives de l’offre et de la demande de transport58 dans
une approche à nouveau limitée à deux niveaux. Lors de cet exercice d’extension, les variables météorologiques, déjà mesurées en moyennes mensuelles, ont été assorties de
56 Estimer une dizaine de paramètres par équation revient à disposer de 20 à 30 données par paramètre estimé, selon que la période de calage est 1975-1993 ou 1975-1998
57 Nous distinguons ici une variable principale de trafic mesurant l’exposition au risque (l’exposition au risque est considérée comme le premier facteur de risque), et trois variables secondaires mesurant le facteur climatique.