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Nous avons présenté dans ce chapitre une sélection de modèles qui s’attachent à décrire d’une part, le mécanisme de production du J/ψ dans les collisions nucléon- nucléon, et d’autre part les impacts des effets nucléaires froids dans les collisions p+ A ou A + B. Le modèle de NRQCD qui rencontre le plus de succès a été appli- qué au RHIC. Par ailleurs la production du charmonium aux énergies du RHIC est dominée par la fusion des gluons. Cela nous a conduit à nous intéresser à la modifi- cation de la fonction de distribution des gluons dans un nucléon lié dans un noyau, conduisant au final aux effets de shadowing. La compréhension de ces effets est un préliminaire indispensable pour interpréter la suppression du J/ψ dans les collisions d’ions lourds au SPS et au RHIC comme résultant ou non de la production d’un milieu déconfiné.

Nota Bene. – Dans le cadre de la thèse, nous avons entrepris de développer une méthode Monte-Carlo, que nous avons baptisé JIN14 : l’objectif est de simuler les effets nucléaires froids sur la production de J/ψ en s’appuyant sur le modèle de Glauber pour décrire la géométrie des collisions. Nous nous sommes attachés à in- tégrer dans cette formulation de la méthode les deux modèles de shadowing EKS et CF, et ultérieurement l’absorption nucléaire. Tout type de système (proton-noyau ou noyau-noyau) peut être ainsi traité. L’intérêt de la formulation de JIN est d’utiliser en entrée les distributions cinématiques du J/ψ telles qu’elles sont mesurées dans les collisions p+ p (résultats du Run 5). Elle permet par ailleurs d’explorer les erreurs systématiques associées aux incertitudes sur les paramètres de Woods-Saxon qui pa- ramétrisent la densité nucléaire. Á l’heure où nous écrivons ces pages, le modèle n’est pas complètement achevé, ce qui nous interdit donc de reporter ici les résultats actuels. Le lecteur intéressé pourra malgré tout trouver une description du principe de fonctionnement de ce Monte-Carlo (appliqué au cas particulier du CF shadowing) dans l’annexeD.

-3 -2 -1 0 1 2 3 Rapidity 0 0.2 0.4 0.6 0.8 1 1.2

R

dA Kopeliovich EKS 3mb (Vogt) EKS 1mb (Vogt) FGS 3mb (Vogt) dAu/pp J/ψ

(a) Facteur de modification nucléaire du J/ψ dans les collisions d+ Au à √sNN= 200 GeV présenté en fonction de la rapidité.

0 4 8 12 16 20 Number of Collisions 0 0.4 0.8 µµ (Y = 1.8) µµ MB (Y = 1.8) 0.4 0.8

R

dA ee (Y = 0) ee MB (Y = 0) 0.4 0.8 1.2 µµ (Y = -1.7) µµ MB (Y = -1.7)

(b) Facteur de modification nucléaire du J/ψ dans les collisions d+ Au à √sNN= 200 GeV présenté en fonction du nombre de collisions binaires nucléon-nucléon, pour les trois fenêtres en rapidité explorées par PHENIX.

F. II.14: Facteur de modification nucléaire du J/ψ dans les collisions d + Au comparé aux prédictions du modèle EKS shadowing. Les prédictions du modèle d’effets froids EKS shadowing [76] pour deux valeurs de la section efficace d’ab- sorption nucléaire sont confrontées au données : σabs= 1 mb (courbe en pointillé) et σ = 3 mb (courbe en trait plein).

F. II.15: Facteur de modification nucléaire du J/ψ dans les collisions d + Au à √

sNN= 200 GeV présenté en fonction du nombre de collisions binaires nucléon- nucléon, pour les trois fenêtres en rapidité explorées par PHENIX. Les courbes représentent les prédictions du modèle d’effets froids CF shadowing, pour lequel la section efficace d’absorption nucléaire considérée est nulle. Figure extraite de [83].

Dispositif expérimental et

acquisition des données

Après une brève présentation du collisionneur RHIC et des expériences qui y sont installées, ce chapitre s’attache à décrire le détecteur PHENIX. Nous verrons en particulier la structure, le fonctionnement et les performances de deux des sous- systèmes cruciaux dans les prises de données J/ψ → µ+µ−du Run 5 Cu+ Cu : les BBC, utilisés pour mesurer la position du vertex le long de l’axe du faisceau ainsi que la centralité, et les spectromètres à muons. Nous verrons aussi, avec l’exemple des spectromètres à muons, comment est réalisée l’acquisition des données, depuis la lecture des signaux sur les parties sensibles du détecteur jusqu’à leur éventuel enregistrement sur bande selon la réponse des systèmes de déclenchement.

III.1

Le collisionneur et les expériences à RHIC

Le collisionneur RHIC1 se trouve sur le site du Brookhaven National Labora- torydans l’État de New-York. La spécificité du RHIC ne réside pas seulement dans la grande variété d’espèces qui peuvent y être accélérées (et qui l’ont été, cf Ta- bleauIII.1) – depuis le proton jusqu’à l’or (A=197, Z=79). Elle est également dans le domaine d’énergie balayé, d’une part, et la possibilité de donner une polarisation aux protons d’autre part. Les collisions de protons polarisés devraient permettre de mesu- rer la contribution des gluons au spin du proton, alors que les collisions d’ions lourds autorisent en principe l’exploration du diagramme de phase de la matière nucléaire. Le RHIC devrait ainsi pratiquer des incursions plus lointaines en densité d’énergie et en température : l’énergie disponible √sNN par paire de nucléons dans le centre de masse est environ dix fois plus grande à RHIC qu’au SPS. L’énergie maximale délivrée par le RHIC atteint 250 GeV pour le proton et décroît d’un facteur Z/A pour atteindre 100 GeV/nucléon pour l’or. Les ions circulent dans deux anneaux concen- triques indépendants de 3, 8 km de circonférence, équipés d’aimants supraconduc- teurs. Chaque anneau étant alimenté par sa propre source d’ions, des collisions tant

symétriques qu’asymétiques sont réalisables. Les ions y sont injectés par paquets, lesquels se croisent toutes les 106 ns. À l’énergie maximale, le RHIC [92] est conçu pour délivrer une luminosité d’environ 1031cm−2s−1pour des faisceaux de proton. Cette luminosité décroît jusqu’à atteindre 2 × 1026cm−2s−1pour l’or, moyennée sur la durée de vie du faisceau qui est d’environ dix heures. Les faisceaux se croisent en six points d’interaction. Quatre de ces régions d’interaction sont instrumentées, res- pectivement par les détecteurs PHOBOS [93], BRAHMS [94], STAR [95] et PHE- NIX [96]. Ils sont redondants dans l’observation d’un certain nombre de processus physiques, ce qui permet de vérifier et de confirmer les résultats de chaque expérience en regard de ceux des expériences concurrentes. Mais ces détecteurs sont aussi com- plémentaires les uns des autres, car leurs régions en rapidité ou en impulsion peuvent être différentes.

PHOBOS, dont la dernière prise de données a été celle de 2005, se caracté- rise par sa technologie de détecteurs au silicium et par sa capacité unique à RHIC pour la détection des particules chargées de très faible impulsion transverse, c.-à-d. 30 MeV/c < pT < 1 GeV/c qui est précisément la région en pT qui concentre la majorité des particules produites. PHOBOS a été conçu dans l’optique d’une étude la plus complète possible des paramètres globaux des collisions d’ions lourds aux énergies du RHIC. Ainsi, ce détecteur peut mesurer sur quasiment tout l’angle so- lide la multiplicité des particules chargées sur un grand intervalle en pseudo-rapidité −5.4 < η < 5.4. L’identification des particules et la détermination de leur impulsion sont effectives dans un domaine plus restreint 0 < η < 2. Une telle identification permet l’étude des rapports d’abondance anti-particules/particules.

BRAHMS2est équipé de deux spectromètres mobiles, chacun pouvant être posi- tionné à un angle ϑ ajustable par rapport à l’axe du faisceau (2.3◦< ϑ < 30◦pour le spectromètre à grande rapidité, et 30◦< ϑ < 95◦pour le spectromètre à mi-rapidité). L’ensemble est dédié à la spectroscopie des hadrons chargés, notamment à la caracté- risation de leur production. BRAHMS opère dans un intervalle en rapidité 0 < y < 4 bien plus étendu que les trois autres expériences du RHIC (|y| < 2), et dans un large intervalle en impulsion (séparation K/p jusqu’à p ≈ 5.2 GeV/c et π/K au-delà de 15 GeV/c).

Le détecteur STAR3consiste essentiellement en une grande chambre à projection temporelle cylindrique installée dans un aimant de type solénoïde. Cette chambre per- met d’identifier et de suivre avec précision les particules chargées dans l’intervalle en pseudo-rapidité |η| ≤ 1.8 et possède une symétrie azimutale complète. Plusieurs mil- liers de traces par événement peuvent être ainsi reconstruites. L’ajout du détecteur de vertex en silicium près de la région d’interaction permet d’obtenir une résolu- tion de 2% sur l’impulsion mesurée. STAR était initialement conçu pour mesurer la production des hadrons chargés à mi-rapidité. La grande acceptance dont STAR est pourvu le rend particulièrement apte à la caractérisation événement par événement des collisions ainsi qu’à la détection des jets de hadrons. STAR est aussi équipé de

2Broad Range Hadron Magnetic Spectrometers 3Solenoid Tracker at RHIC

calorimètres, d’où la capacité supplémentaire de détection de photons et d’électrons. PHENIX4est constitué d’un grand nombre de sous-détecteurs (11) complémen- taires les uns des autres. Ils permettent de détecter les hadrons, photons, électons et muons. Sa structure sera détaillée dans les sections suivantes. La luminosité exploitée par PHENIX tout au long des campagnes de prises de données successives (Run) à RHIC est indiquée dans le TableauIII.1, ainsi que le nombre de J/ψ recueillis pour chaque canal de désintégration. Le travail présenté dans ce mémoire participe à l’ana- lyse des données du Run 5 Cu+ Cu à √sNN = 200 GeV en vue de l’extraction du nombre de J/ψ → µ+µ−. Ces données ont été recueillies entre début janvier et début mars 2005.

Run Date Espèces √sNN

R LPHENIXdt J/ψ Réf. (GeV) e+e− µ+µ− 1 2000 Au+ Au 130 1 µb−1 2 2002 Au+ Au 200 24 µb−1 13 [97] p+ p 200 0, 15 pb−1 46 65 [98] 3 2003 d+ Au 200 2, 7 nb−1 360 1660 [91] p+ p 200 0, 35 pb−1 130 450 [91] 4 2004 Au+ Au 200 241 µb−1 1000 4500 [99] Au+ Au 62,4 9, 1 µb−1 ∼ 13 – – p+ p 200 324 nb−1 – – – 5 2005 Cu+ Cu 200 3, 06 nb−1 2300 9000 [100] Cu+ Cu 62,4 190, 2 µb−1 ∼ 60 ∼ 146 [101] p+ p 200 3.8 pb−1 1500 8005 [73] 6 2006 p+ p 200 10.7 pb−1 analyse en cours p+ p 62,4 0.1 pb−1 analyse en cours

T. III.1: Luminosité intégrée et nombre de J/ψ (dans les canaux de désinté- gration e+e−

et µ+µ−) collectés par l’expérience PHENIX au cours des différentes campagnes de prise de données à RHIC.