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Conclusions concernant les déterminants paysagers des hétérogénéités spatiales

Dans les vergers présentant une agrégation spatiale des larves, il n’est pas apparu d’effet de la position des bandes pièges sur un rang de bordure ou à l’extrémité d’un rang sur les effectifs piégés. En revanche, nous avons montré un rôle significatif des haies de bordure de verger sur les effectifs locaux, ce qui pourrait expliquer, au moins en partie, les hétérogénéités spatiales. Plus précisément, il est apparu, selon les années, un effet de la protection du vent par la haie, un effet de la hauteur ou de la distance à la haie la plus proche : les effectifs de carpocapse étaient moins nombreux dans les pièges protégés du vent par les haies (2006), lorsque la haie la plus proche était haute (2007), ou proche des haies (2008).

L’année 2006 a été plus venteuse que les deux autres années (cf. partie Matériel page 38) et il est donc cohérent que l’effet de la protection du vent par la haie soit plus important pour cette année-là. A l’échelle de la zone entière (cf. chapitre 1), nous avions déjà mis en évidence un effet plus important de l’orientation des haies que de leur densité, surtout pour

Chapitre 3. Paysage et hétérogénéité spatiale des effectifs au sein du verger

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l’année 2006. Nous avons indiqué que ce rôle des haies brise-vent pourrait être associé à une réduction de la dérive des insecticides lors de l’application – ce qui augmenterait leur impact sur les populations de carpocapse – ou à une modification de la diffusion des phéromones sexuelles. A une échelle plus réduite, en plus de la réduction potentielle de la dérive des insecticides, on peut penser que l’effet de la protection vis-à-vis du vent sur les différences de densités locales de carpocapse au sein d’un même verger pourrait être associé à des différences de microclimat qui influencent le développement du carpocapse, mais aussi résulter de comportements de migration entre vergers.

Comme nous l’avons indiqué en introduction de ce chapitre 3, les haies sont des éléments du paysage susceptibles de favoriser par divers mécanismes le processus de régulation des ravageurs. Pour l’année 2006, les effectifs de carpocapses étaient significativement plus faibles lorsque la haie la plus proche était diversifiée en espèces végétales (effet négatif de la variable Shannon). De nombreuses études ont montré que les populations d’ennemis naturels étaient plus grandes quand les communautés végétales sont diversifiées (Bianchi et al. 2006, Zehnder et al. 2007). Dans une approche expérimentale, Lundgren et al. (2009) ont étudié l’effet de l’interaction entre la densité des proies et la diversité végétale sur les populations d’auxiliaires. Ils ont notamment montré que même lorsque la densité des proies (Aphis

glycines, ravageur des cultures de soja) était très élevée, la taille de la population d’un prédateur généraliste (Orius insidiosus, hémiptère anthocoride) augmentait en réponse à une plus grande diversité végétale. Nous avons montré ici que pour l’année 2008, dans les vergers présentant une hétérogénéité, les effectifs de carpocapse étaient d’autant plus réduits qu’ils étaient proches de la haie. Ceci pourrait être expliqué par une plus forte abondance et/ou diversité des auxiliaires à proximité des haies. Il semblerait donc nécessaire de recourir à une description détaillée des haies pour étudier leur rôle dans le processus de régulation, et ne pas s’en tenir à des indices trop simplifiés, comme la densité des haies par exemple dont aucun effet sur les effectifs de carpocapse n’était apparu sur les données de 2006 et 2007 (cf. chapitre 1). Il s’agira dans le futur de rechercher plus directement l’influence des haies et de leur composition sur le potentiel de régulation naturelle du carpocapse, en s’intéressant par exemple aux densités intra verger des espèces prédatrices ou parasitoïdes de ce ravageur.

L’hétérogénéité spatiale de la quantité de fruits est aussi susceptible d’être un facteur de la répartition spatiale de larves diapausantes. Une zone où les arbres sont fortement chargés en fruits héberge potentiellement plus de larves. Cette variable n’a pas été prise en compte

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directement dans les modèles, car elle est difficile à mesurer sur le terrain (le nombre de fruits sur un arbre varie au cours de la saison en raison de l’éclaircissage ou des chutes naturelles). Toutefois, une cause importante de cette variabilité spatiale du rendement est la réduction de l’ensoleillement par les haies sur les rangs situés en bordure de verger. En 2007, nous avons mis en évidence un effet significatif de la hauteur de la haie sur les effectifs de carpocapse. Etant donné que la variable décrivant la fonction de protection vis-à-vis du vent n’est pas significative cette année-là, on peut penser que l’effet de la hauteur de la haie la plus proche traduit plutôt une diminution de l’ensoleillement et donc de la ressource alimentaire pour le ravageur. Cet effet potentiel devra probablement être pris en considération de manière plus explicite si les études se poursuivent, d’une part en calculant un indice d’ombrage de chaque piège en fonction de la position des haies situées à proximité – de manière similaire à ce qui a été fait pour prendre en compte l’effet du vent, d’autre part en évaluant de manière simplifiée la charge en fruits des arbres sur lesquels sont posés les pièges (en utilisant des classes de charge par exemple).

Finalement, un résultat qui ressort de cette étude est que les effets de l’environnement proche sur les effectifs de carpocapse sont variables selon les années. Pourtant, les caractéristiques des haies que nous avons considérées n’ont pas changé durant les trois années considérées. Ceci indique donc que les effets mis en évidence sont conditionnels, liés à d’autres caractéristiques du milieu ou au climat qui, elles, varient d’une année sur l’autre. Ainsi, le rôle de protection de haie vis-à-vis du vent est apparu, à l’échelle du verger comme à l’échelle de la zone entière, essentiellement l’année 2006 durant laquelle le nombre de jours de vent fort était le plus important. L’effet de la distance à la haie en 2007 et, marginalement, de sa diversité végétale en 2006, suggèrent aussi l’implication des haies dans la régulation du carpocapse, cette régulation étant toutefois fortement dépendante d’autres contraintes qui varient selon les années. Des variations dans l’intensité des traitements sont notamment susceptibles de laisser s’exprimer ou non ce processus de régulation. Les modifications entre années de paramètres non pris en compte ici se traduisent, comme nous l’avons montré à l’aide de la méthode DMBS, par des patterns spatiaux qui évoluent au cours du temps et notamment à des déplacements des zones d’agrégation. Il sera par la suite nécessaire de prendre en compte au mieux ces interactions entre les caractéristiques des haies et d’autres conditions de milieu afin d’approfondir les mécanismes sous-jacents aux effets observés des haies sur les effectifs de carpocapse. Ceci pourrait passer, par exemple, par une caractérisation de la variabilité spatiale des conditions micro-climatiques dans les parcelles.

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Chapitre 4

Modélisation des dégâts de carpocapse en fonction de