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Dans ce chapitre, nous nous sommes servis du modèle gaussien pour expliquer la méthodologie d’estimation de la Value-at-Risk à partir des données réelles, ainsi que celle des backtests de validation qui mesurent la performance du modèle choisi dans l’estimation de risque. Dans le chapitre suivant nous appliquons cette méthodologie et nous estimons la VaR avec un modèle qui se focalise sur la queue de distribution des pertes. Ce modèle, appelé modèle des lois puissances, nous permet de considérer des queues plus épaisses.

Chapitre 2

Modèle des lois puissances

Ce chapitre et le chapitre 3 ont fait l’objet d’un rapport de recherche [33].

Le chapitre précédent montre que la modélisation par la loi normale permet de dé- crire le comportement de toute la distribution, mais manque de précision sur les évaluations des événements rares. De plus, il est largement connu que les prix et les rendements des actifs boursiers admettent certaines propriétés statistiques com- munes, appelés « faits stylisés » [42]. L’asymétrie et la queue épaisse de la distribution des rendements sont les deux propriétés principales des prix observés sur le marché, et qui ne sont pas vérifiées par le modèle gaussien.

Bien que les lois stables ont été proposées depuis les années 60 [62,114], et une autre alternative au modèle gaussien, le modèle log-normal subordonné à variance finie, a été proposé en 1973 par P. Clark [38], l’utilisation systématique de la théorie des valeurs extrêmes (TVE) est tout de même récente. Cet intérêt est dû au krach de 1987, qui a mis en évidence l’importance d’une meilleure compréhension des grandes pertes. Pour les premières utilisations de la TVE pour la modélisation de la queue de la distribution, nous citons [22,90,109,110]. Ensuite, plusieurs auteurs se sont intéressés à l’étude des valeurs extrêmes et des lois puissances dans les marchés développés, principalement par le biais des indices boursiers : nous citons pour les indices américains S&P 500, Dow Jones et NASDAQ [113], pour l’indice allemand DAX [55], pour l’indice australien ASX-All Ordinaries [152] et pour Nikkei 225 (Japon) et Euro Stoxx 50 (zone Euro) [76].

Le modèle des lois stables, qui se calibre sur toute la distribution, manifeste un comportement de type lois puissances sur la queue. Cependant, le choix de ce modèle impose un indice de queue α ă 2, impliquant que la variance des rendements est infinie. Ce paramètre est difficile à estimer, surtout lorsqu’il est proche de 2 [57]. De plus, de nombreuses études critiques (voir par exemple [57,165]) montrent que l’indice de queue est supérieur à 2, et il est autour de 3 pour les rendements à courtes périodes. Nous confirmons, plus tard, ces observations dans l’étude comparative que nous allons développer dans le chapitre 4.

Pour cela, nous nous intéressons, dans ce chapitre, au modèle des lois puissances, qui se focalise sur la queue de la distribution. Il s’agit des lois de la forme

1 ´ F pxq “ PpLtě xq “ `Fpxq x´α, (2.1)

— la fonction F pxq “ PpLt ď xq est la fonction de répartition de la distribution

des pertes des actifs financiers ;

— la fonction `Fpxq est une fonction à variation lente ;

— le paramètre α ą 0, appelé l’indice de queue, est l’indice caractéristique de la décroissance de la fonction 1 ´ F p¨q.

Nous commençons par donner la définition de la fonction à variation lente, ainsi que quelques unes de ses propriétés, dans la section 2.1. La section 2.2 est consacrée à l’estimation de l’indice de queueα. L’estimation de la fonction à variation lente fait l’objet de la section 2.3. Notons que l’estimation de α est faite sur un échantillon, de taillern, des plus grandes pertes. Le choix de ce paramètres rn est discuté dans

la section 2.4. Finalement, les sections 2.5 et 2.6 présentent l’étude empirique sur les données réelles : l’estimation des paramètres, le calcul de la VaR et les backtests de validation.

2.1

Les fonctions à variation lente

Nous introduisons dans cette section la notion de la fonction à variation lente, ainsi que quelques unes de ses propriétés.

Définition 2.1. Une fonction mesurable` de R` dans R`est dite à variation lente,

au voisinage de l’infini, si pour tout t ą 0, lim

xÑ`8

`pxtq `pxq “1. On note R0 l’ensemble des fonctions à variation lente.

Des exemples simples de fonctions à variation lente peuvent être les fonctions constantes ou celles qui convergent vers une constante.

Théorème 2.1.

(i) Théorème de convergence uniforme. Si ` PR0, alors la convergence

lim

xÑ`8

`pxtq `pxq “1 est uniforme pour t P ra, bs avec 0 ă a ă b ă 8.

(ii) Théorème de représentation. La fonction ` P R0 si et seulement si elle

peut être représentée sous la forme `pxq “ cpxq exp "żx 1 puq u du * avec cpxq Ñ c P p0, 8q et pxq Ñ 0 lorsque x Ñ 8.

Des propriétés qui découlent facilement du théorème de représentation sont les sui- vantes.

Proposition 2.1. Soit ` une fonction à variation lente. Alors (i) Nous avons,

lim

xÑ`8

logp`pxqq

logpxq “0. (2.2)

(ii) Pour tout δ ą 0, il existe un réel xδ tel que pour toute constante A ą 0 et

x ą xδ

Ax´δ

ă `pxq ă Axδ.

Proposition 2.2 ([17], p.79.). Soit ` une fonction à variation lente. Il existe alors une fonction à variation lente, `˚, appelée le conjugué de Bruyn de `, tel que

`pxq`˚

px`pxqq ÝÑ

xÑ`81.

Nous pouvons par exemple vérifier que`˚ est à variation lente en utilisant la repré-

sentation de Karamata [134]. Le conjugué de Bruyn est asymptotiquement unique dans le sens où si ˜` est aussi à variation lente tel que `pxq˜` px`pxqq Ñ 1, alors `˚

„ ˜` au voisinage de l’infini. Nous notons de plus que p`˚

q˚ „ `.

Dans les parties qui suivent, nous nous intéressons à l’estimation de l’indice de queue α par l’estimateur de Hill [88]. Dans un premier temps, nous étudions son comportement asymptotique. Ensuite, nous proposons une approximation pour la fonction à variation lente`pxq. Enfin, nous définissons l’indicateur de risque VaR et nous l’évaluons à l’aide de cet estimateur.