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Dans ce travail, nous nous sommes penchés sur les pratiques syndicales mises place par le SIT et Unia Genève dans le secteur de l’économie domestique à Genève. Nous prendrons ici quelques lignes afin de revenir sur le déroulement de notre étude, ces principaux aboutissements, mais également pour évoquer les limites auxquelles nous nous sommes confrontés.

L’objectif du travail étant d’analyser les pratiques syndicales au prisme des théories du syndicalisme, nous nous sommes intéressés, dans notre revue de littérature, aux différentes conceptions du syndicalisme ayant marqué l’évolution des théories du syndicalisme. Les travaux classiques de la première vague de théorisation nous ont permis de mettre en évidence les différentes définitions, rôles et fonctions que l’on peut attribuer au syndicalisme. Dans un deuxième temps, la revue des travaux développés après la deuxième Guerre Mondiale, ont mis en lumière les différents modes d’actions et les effets de l’activité des syndicats dans le capitalisme industriel. Nous nous sommes, dans un dernier temps, concentré sur les travaux du renouveau du syndicalisme ayant marqué les développements contemporains des théories du syndicalisme. Centrée sur les acteurices, cette approche permet d’analyser les évolutions de la capacité d’action des syndicats à travers les différentes dimensions (politique, économique, institutionnelle et de l’adhésion) qui la caractérisent. Cette perspective nous a permis de mettre à jour, d’un point de vue théorique, les différentes stratégies mises en place par les organisations syndicales afin de répondre aux défis rencontrés depuis la fin des années 1980.

Ce cadrage théorique nous a permis de poser les fondations de notre étude de cas. En mobilisant une méthodologie de recherche qualitative, nous avons étudié le développement des pratiques syndicales dans le secteur de l’économie domestique au sein de deux syndicats genevois : le SIT et Unia Genève.

En replaçant l’activité des syndicats dans ce secteur au sein du mouvement syndical suisse, nous avons été en mesure de montrer comment ces dernières s’insèrent dans les stratégies de renouveau des syndicats en Suisse. Les défis que représentent la chute des taux d’affiliation, l’essor de l’emploi atypique et l’hétérogénéisation du salariat ont poussé les syndicats à mettre en place des stratégies de réponse afin de conserver ou redéployer leur capacité d’action. Le développement de l’activité des syndicats dans le secteur de l’économie domestique s’inscrit ainsi à la suite d’efforts déployés afin de diversifier la base des membres adhérant aux

organisations syndicales. Ces efforts se concentrent d’une part sur l’organisation des salarié.e.x.s du tertiaire, mais également des travailleureuses migrant.e.x.s occupant les emplois les plus précaires. Cette stratégie trouve son origine dans le repositionnement politique des syndicats au sein du système de relations industrielles suisse. Ce repositionnement en tant que force d’opposition au courant néolibéral combiné à la transformation du régime migratoire suisse au début des années 2000 a permis le renforcement de la capacité d’action politique des syndicats en Suisse. Dans ce processus, les syndicats ont été amenés à modifier leurs pratiques et leurs stratégies d’action. Le recours à l’action politique grâce à l’intervention directe dans le processus législatif, mais également l’extension de l’activité des syndicats aux nouvelles formes de salariat représentent des exemples de ces pratiques cherchant à dépasser la sphère classique de l’action syndicale. Les transformations des pratiques et stratégies syndicales de la fin du siècle dernier ont ainsi fait passer le syndicalisme en Suisse d’un rôle de cogestionnaire du système de relations industrielles à celui d’acteur social impliqué dans les transformations de la société contemporaine.

L’action du SIT et d’Unia Genève dans le secteur de l’économie domestique s’inscrit à la suite de ces transformations. Nous avons mis en évidence les repositionnements identitaires et idéologiques des deux organisations affirmant les valeurs universalistes d’un syndicalisme d’opposition. À la suite de ce repositionnement, le développement de l’Opération Papyrus a permis de jeter les premiers jalons des pratiques syndicales dans le secteur de l’économie domestique.

À travers l’analyse des pratiques de suivi individuel et de mobilisation collective des travailleureuses de ce secteur, nous avons pu dépasser les oppositions théoriques entre pratiques individuelles et collectives afin de mettre en évidence la diversité du répertoire de l’action syndicale. Les organisations syndicales sont amenées à développer de nouvelles stratégies afin de répondre aux besoins de cette catégorie de travailleureuses spécifique. Dans cette optique, les pratiques de suivi individuel sont à la base l’action collective dans ce secteur en permettant non seulement l’organisation et la mobilisation des travailleureuses, mais également en permettant la création d’un rapport de force porté par les syndicats au sein des instances tripartites. Les interactions entre les différentes stratégies mobilisées par le SIT et Unia Genève permettent la mise en valeur des modalités d’action des syndicats se reconfigurant à plusieurs niveaux en fonction du contexte socio-économique, mais également des représentations de l’action syndicale portées par les acteurices syndicaux.ale.x.s.

Les limites principales auxquelles nous avons été confrontés dans ce travail trouvent leur origine dans la réalisation de notre terrain de recherche. En effet, l’impossibilité de réaliser des temps d’observations participantes et d’observer les pratiques syndicales in situ nous a conduit à fonder notre analyse presque exclusivement sur les pratiques discursives des acteurices syndicaux.ale.x.s. La littérature méthodologique dans le champ des études du syndicalisme met en garde contre les biais que peuvent comporter les analyses basées uniquement sur ce type de matériaux de recherche. Ces dernières privilégient bien souvent les explications stratégiques et idéologiques à l’origine des pratiques syndicales au détriment de leur ancrage social (Béroud, Giraud, et al., 2018). Bien que nous ayons tenté de contourner ce biais par la confrontation des représentations de l’action syndicale portées par les acteurices rencontrées aux modalités d’actions proposées par le syndicat, il nous semble évident que notre recherche peine à faire émerger les enjeux et contradictions soulevées par la pratique quotidienne de l’activité syndicale. Au-delà de cette limite intrinsèque à notre terrain de recherche, il nous paraîtrait intéressant d’approfondir les modalités de l’engagement militant des travailleureuses de l’économie domestique. Si notre point de vue se focalise sur les acteurices syndicaux.ale.x.s, il paraît essentiel de comprendre les déterminants de l’engagement de cette catégorie de travailleureuses afin de permettre la poursuite de l’action collective visant à améliorer les conditions de travail dans le secteur.

L’activité du SIT et d’Unia Genève dans le secteur de l’économie domestique demeure une exception dans le paysage syndicale suisse. Leur action permet néanmoins de montrer qu’il est possible pour les syndicats de se rapprocher des catégories de salarié.e.x.s les plus éloigné.e.x.s des organisations syndicales, d’obtenir des améliorations substantielles de leurs conditions de travail à travers la mobilisation collective, mais également de renforcer la capacité d’action des syndicats. Les stratégies et pratiques mobilisées dans le cadre de ce secteur sont autant de pistes d’action s’inscrivant dans la volonté des syndicats de retrouver un rôle de premier plan dans les transformations sociales contemporaines. Nul doute que les enseignements tirés d’une telle expérience puissent bénéficier à l’ensemble du mouvement syndical suisse.