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Le but de ce travail a été d'étudier les contraintes générées au cours de la croissance, ainsi que leur relation avec la structure et le profil de composition aux interfaces, de plusieurs manières.

Tout d'abord, un appareillage permettant la croissance de couches sous ultravide et la détermination de l'évolution des contraintes dans le film par mesure de courbure, a été mis au point. Les paramètres critiques que sont la stabilité de température du substrat de silicium, son maintien et la préparation de sa surface sans possibilité de flash thermique, ont été résolus. Les premiers dépôts montrent qu'une passivation de la surface de Si(111) par hydrogénation en solution permet d'obtenir une surface propre, et d'induire une épitaxie de Ag à température ambiante, avec les relations (111)<110>Ag // (111)<110>Si. Le film d'argent présente des orientations correspondant à des mâcles suivant les plans {111}. La mesure de courbure, dont la validité est confirmée par la mesure de la contrainte au cours de cycles thermiques, donne des résultats intéressants. Une contrainte en compression lors des premiers stades pourrait correspondre à une variation du terme de surface. Pour les épaisseurs plus importantes, une contrainte en tension semble s'accumuler lors de la croissance. Ce type d'évolution correspond qualitativement avec un modèle de coalescence de grains. Dans ce système, des arguments basés sur l'accommodation du paramètre de maille ne permettent pas d'interpréter l'évolution des contraintes. Malgré la relation d'épitaxie, l'interface n'est pas cohérente (ou du moins pas entièrement), et l'évolution des contraintes est probablement déterminée par d'autres phénomènes. Nous disposons à présent d'un outil capable de déterminer l'évolution des contraintes intrinsèques lors de la croissance d'un film. D'autre part, le dépôt d'une première couche d'argent a été mis au point, ce qui permet de s'engager dans une étude systématique de l'évolution des contraintes dans des systèmes métalliques.

Des mesures analogues d'évolution de la courbure ont été effectuées lors de la croissance à température ambiante de multicouches Cu/Ni(001) sur Si(001). La variation du paramètre de maille dans le plan de surface a également été extraite à partir de mesures en RHEED en cours de croissance. Le système Cu-Ni présente un faible désaccord de paramètre de maille, laissant présager de la possibilité de former des interfaces cohérentes. Les résultats obtenus indiquent une épitaxie entre les deux matériaux, mais les mesures de contraintes et de déformations révèlent une interface qui n'est que partiellement cohérente, avec une relaxation du paramètre dès les premiers stades du dépôt. De plus, la confrontation des deux types de mesures met en évidence un mélange lors du dépôt de Ni sur Cu, conduisant à une relaxation plus importante des contraintes d'épitaxie. Une ségrégation de Cu vers la surface lors du dépôt de Ni, limitée par le flux incident, pourrait expliquer l'existence de ce mélange.

Conclusion générale et perspectives

Dans le système Au-Ni, qui contrairement à Cu-Ni est immiscible à température ambiante, le même type d'analyse avait conduit à suggérer un mélange lors du dépôt de Ni sur Au. Afin de sonder la structure, le profil de concentration et l'ordre local aux interfaces, les mêmes échantillons ont été analysés en diffraction anomale des rayons X et en EXAFS. Il s'agit de multicouches Au/Ni(111) déposées sur une couche tampon de Cu recouvrant un substrat de Si(001). La diffraction anomale en condition symétrique s'avère être une technique particulièrement bien adaptée à l'analyse des interfaces dans ce type de système. En interprétant les expériences à l'aide de la simulation numérique des intensités diffractées, le profil de distances interatomiques et de concentration aux interfaces a été déduit. Les résultats confirment le caractère abrupt des interfaces Au/Ni, ainsi que l'existence d'un gradient de concentration, associé à un gradient de distances par une loi de mélange, s'étendant sur environ 6 plans atomiques autour de l'interface Ni/Au. Ainsi, un phénomène de ségrégation en cours de dépôt semble également se produire, sur une interface exclusivement, dans le cas de Au-Ni. Contrairement au cas des multicouches Cu-Ni, la cohérence est très faible aux interfaces Au/Ni, qui ne sont pas affectées par le mélange. L'étude de l'ordre local en EXAFS montre que les distances interatomiques moyennes extraites de la diffraction masquent une forte disparité des distances entre premiers atomes voisins selon la nature chimique des atomes. Le caractère inhomogène des environnements locaux limite les possibilités d'interprétation, et une analyse en DAFS permettrait d'affiner cette étude en augmentant la sélectivité spatiale de la sonde.

Ainsi dans deux systèmes multicouches (Au-Ni et Cu-Ni), un phénomène de ségrégation dynamique semble se produire sur un type d'interface. Le mélange est observé, dans les deux cas lorsque les paramètres énergétiques et les observations expérimentales indiquent une tendance des atomes du substrat à ségréger vers la surface. Cependant, les multicouches étudiées présentent des caractéristiques très différentes. En effet, la direction de croissance n'est pas la même, le désaccord paramétrique est beaucoup plus important pour Au-Ni que pour Cu-Ni (14% au lieu de 2.5%), conduisant à des interfaces moins cohérentes, le désordre est également plus important dans Au-Ni, et la nature des interactions en volume conduit au mélange dans Cu-Ni et à la démixtion dans Au-Ni.

Même si ces conclusions ne permettent aucune généralisation, le phénomène ne semble pas limité à un cas particulier. La compréhension des mécanismes passe probablement par la prise en compte des paramètres énergétiques connus dans le cas de la ségrégation d'équilibre, mais aussi du rôle des contraintes, des défauts et de la morphologie du film lors du processus dynamique qu'est la croissance. Dans ce domaine, des efforts seront nécessaires, sur le plan expérimental et sur le plan théorique, afin d'identifier les paramètres importants.

A l'aide de l'appareillage que nous avons développé et qui sera bientôt équipé d'un dispositif de RHEED permettant de compléter la mesure de courbure par une mesure simultanée des déformations à la surface, des études de ce type pourront être engagées. Les

résultats préliminaires sur des multicouches Cu/Ag(111) déposées sur Si(111) sont encourageants. L'évolution des contraintes lors de la croissance pourra être analysée dans d'autres systèmes, présentant des désaccords paramétriques, des énergies de surface et de mélange différents. Ce travail montre par ailleurs que la diffraction anomale des rayons X est un outil puissant, qui permet de caractériser les gradients de composition et de distance s'étendant sur quelques plans atomiques autour des interfaces enterrées dans les multicouches.

La mise en œuvre de ce type de technique, éventuellement en parallèle avec des techniques de

spectroscopie X (EXAFS ou DAFS) qui donnent des informations structurales locales complémentaires de celles tirées de la diffraction, devrait permettre de progresser dans la compréhension des phénomènes de mélange en cours de croissance dans les différents systèmes étudiés.

Annexe 1:

Absorption macroscopique et microscopique

Le facteur de diffusion atomique vers l'avant, f()=f1()+if2(), est une grandeur

complexe qui permet de décrire le processus de diffusion d'une onde électromagnétique de longueur d'onde  par le cortège électronique d'un atome. D'un point de vue macroscopique,

la grandeur qui caractérise l'interaction d'une onde incidente avec le milieu est l'indice optique n(), qui peut être lui aussi complexe. Le milieu traversé par l'onde incidente est assimilé non

plus à une assemblée de densité N d'atomes entourés de Z électrons, mais comme un gaz d'électrons de densité Ne=N.Z. S'il ne s'agit que d'électrons libres, le facteur de diffusion atomique se limite au facteur de forme f = f0 = Z. On a alors Ne=N.f0. Lorsqu'on ne peut plus négliger les phénomènes d'absorption et de dispersion, une partie des électrons liés se comportent comme des oscillateurs. A partir du modèle classique ou quantique de la dispersion d'une onde dans un tel milieu, il devient possible de relier l'indice optique au facteur de diffusion atomique [Guichet 96]:

 

n

   

i  n0  avec

   

   

              2 2 0 1 2 0 0 f 2 Nr f 2 Nr 1 n2 2 0 mc e

r  est le rayon classique de l'électron, n() est l'indice de réfraction et ()

est le coefficient d'extinction.

L'amplitude complexe de l'onde se propageant dans le matériau est alors de la forme : .r k .r k .r k0 0 0 r,t) A0ei(n t) A0ei(n t)e . ( A0  

k0 est le vecteur d'onde dans le vide et  la pulsation.

Après avoir traversé une épaisseur r de matériau, l'intensité de l'onde devient :

 

2 .kr 0 2 0 e I ) t , r ( A r I  

Il s'agit de la loi d'atténuation qui exprime le phénomène d'absorption d'un point de vue macroscopique. Nous pouvons en déduire une relation entre le coefficient d'absorption linéique () et la partie imaginaire de f():

e I ) r ( I0 r  

 

 2Nr0 f2

 

Ainsi dans le cas de l'interaction des rayons X avec un cristal de densité atomique N, cette équation relie pour une longueur d'onde donnée le coefficient d'absorption linéique, qui est accessible par la mesure, à la partie imaginaire du facteur de diffusion atomique.

Annexes

Annexe 2 :