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Conclusion générale et perspective

L’élément déclencheur de ce travail provient d’une interrogation du groupe de travail mis en place par l’Agence Française de la Lutte contre le Dopage qui portait sur « Qu’est ce

qui raisonnablement permis d’attendre d’un sportif de haut niveau en termes d’efforts produits

et de dépense énergétique fournie lors d’une épreuve sportive ». Cette réflexion s’est donc

rapidement orientée sur les épreuves de longue durée pour lesquelles la contrainte de produire un effort prolongé est prégnante. Bien que ce groupe soit constitué, en majorité, de

physiologistes reconnus, il a été décidé de privilégier l’approche biomécanique, pour deux

raisons : 1) L’imprécision des systèmes de mesure des échanges gazeux actuels, évaluée à

plus de 10% par le groupe d’expert dans le domaine, est trop importante pour apporter une

réponse fiable pour assurer un suivi longitudinal du sportif, 2) Quelles que soient les qualités

physiologiques du sportif, elles sont au service de la réalisation d’une tâche motrice dont la

performance s’évalue à l’aide de paramètres biomécaniques.

Au regard des besoins propres l’AFLD, l’activité sportive retenue a été le cyclisme,

discipline pour laquelle les méthodes d’investigation existent. Il nous fallait donc définir un

protocole et une station expérimentale et rechercher des indicateurs fiables afin de valider un suivi longitudinal du sportif.

Les deux premiers chapitres de ce mémoire rendent compte de la mise au point du

protocole et de la station expérimentale. Les nombreuses publications consacrées à l’étude du

mouvement de pédalage nous a conduit à privilégier l’ergomètre de type SRM, appareil très

utilisé dans le milieu du cyclisme, en lui ajoutant des capteurs de pédale 6 composantes, dont une première étude avait été réalisée au laboratoire par Boucher (2005). Ainsi équipés, nous avons eu accès aux efforts produits aux pédales droite et gauche. Nous montrons au chapitre II que les capteurs SRM et I-Crankset sont validés par rapport à un capteur de référence (LEBOW (référence 1257, Eaton Corporation, Troy Michigan, USA)) aussi bien pour

l’évaluation du couple résultant que pour celle de la puissance mécanique externe, produits au

pédalier. Pour autant, le capteur SRM, de par sa conception, calcule une vitesse moyenne à

chaque tour de pédale ce qui entraine, comme nous l’avons mentionné des erreurs importantes

dans le calcul du travail externe. Une publication sur ce point est actuellement en cours pour

être soumise dans la revue « International Journal of Sports Medicine ».

La station de mesure est actuellement complétée, au niveau du cintre et de la selle par des capteurs de même conception que ceux qui équipent les pédales. Ainsi, le cycliste est

complétement isolé de sa bicyclette et l’ensemble des efforts d’interaction est mesuré. La

procédure de validation de cet ensemble est actuellement en cours. L’interface permettra d’aller plus loin dans l’analyse de la force produite à la pédale proposée aux chapitres III – pour l’approche théorique- et IV, pour l’analyse des données en intégrant et en mesurant

séparément les forces produites au cintre et à la selle.

Le choix du protocole a été partiellement contraint par le fait que cette étude ne pouvait pas se faire sans la collaboration de sportifs de haut niveau. Aussi, le test de type

incrémentiel retenu a concilié d’une part les recommandations de la FFC, dans le cadre de la

délivrance de la licence, et d’autre part, les modifications apportées par nos soins à savoir,

fixer à la fois la durée des plateaux à 3 minutes et la cadence de pédalage à 100 rpm. A l’issue

de ce travail, ce protocole semble être adapté pour ce qui concerne la durée des paliers et le

saut de 50 W par palier. La durée suffisamment longue permet de s’assurer d’un état

relativement stable en particulier en ce qui concerne le pattern de pédalage. La cadence de 100 rpm, constante et légèrement supérieure à celle habituelle utilisée par les cyclistes, apporte une contrainte supplémentaire. En effet, les cyclistes ne pouvaient que modifier le développement en jouant sur les rapports de vitesse et/ou sur la résistance produite par les

aimants pour s’adapter à l’augmentation des paliers, alors qu’ils ont aussi l’habitude sur route d’ajuster la cadence de pédalage. Ces consignes imposées ont été nécessaires pour pourvoir

analyser et comparer les résultats entre les cyclistes et sur plusieurs sessions de mesure. Une fois ce contexte expérimental défini, les expérimentations ont pu se dérouler au

sein du service de médecine du sport de Nantes sous le contrôle de l’équipe médicale conduite

par le Docteur Paruit. Des mesures physiologiques ont été ajoutées aux mesures mécaniques. Ces paramètres physiologiques ont été utilisés dans notre étude comme marqueurs indiquant

le degré d’engagement du cycliste dans le test. Nous envisageons d’exploiter ces données en

Devant la multitude de données définie en particulier en nombre de cycles de

pédalage à analyser, nous avons pris le parti de retenir les cycles sur chaque palier et d’en

faire la moyenne une fois ces cycles normalisés. Les résultats discutés dans ce mémoire portent donc sur ce cycle moyen. Ce choix reste discutable et cette interrogation concerne

toutes les études qui s’intéressent aux activités cycliques comme la marche, la course, l’activité kayak, etc. D’autres options étaient possibles : i) retenir sur chaque palier les cycles les plus semblables entre eux et étudier, soit un de ces cycles, soit le cycle moyen de ces

cycles ii) calculer sur le palier le cycle moyen et étudier le cycle qui se rapproche le plus de ce

cycle moyen. Face à ces différentes possibilités, nous souhaitons, dans les prochains mois,

évaluer l’influence de ces choix sur les différents résultats affichés.

Notre contribution à l’analyse biomécanique du mouvement de pédalage est présentée au chapitre III qui expose le support théorique et au chapitre IV pour discuter les résultats expérimentaux.

Nous pensons que la méthodologie proposée au chapitre III concernant l’étude de la

force produite à la pédale, présente, au-delà de son originalité, plusieurs avantages. Pouvoir quantifier les différents termes propres à la cinétique et à la dynamique du mouvement de

pédalage dans la production de la force utile à la pédale est bien l’objectif assignée à une

expertise biomécanique de ce mouvement. C’est bien cette force qui crée le couple au pédalier nécessaire pour vaincre l’ensemble des forces résistives. Cela explique en particulier le fait

que la communauté des cyclistes soit très intéressée par les études de posture, dont le but est

d’optimiser les différents réglages du vélo, en relation bien entendu avec des données

anthropométriques du cycliste.

Ainsi, l’interface construite permet de comprendre et de quantifier les grandeurs qui

interviennent dans la production de la force à la pédale. Rappelons que ces grandeurs sont :

les quantités d’accélération des segments, les poids segmentaires et les forces aux interactions

selle/bassin et cintres/mains. L’intensité de ces grandeurs, leur orientation par rapport,

principalement, à l’axe antéro-postérieur du vélo ainsi que leur point d’application, par

rapport à l’axe du pédalier, sont les caractéristiques qui font qu’elles peuvent contribuer

Des réponses peuvent donc être apportées sur le rôle joué :

- par les membres inférieurs dans les différentes phases du cycle de pédalage,

notamment leur contribution relative lors de la phase de remontée par rapport à la phase de descente ;

- par les inerties segmentaires, en particulier le poids des membres, à la création

du couple au pédalier. Ces contributions sont à interpréter au regard du positionnement des

centres de gravité segmentaires par rapport à l’axe du pédalier. Nous démontrons que ce

positionnement constitue un élément essentiel ; ces résultats contribuent alors à objectiver les

effets d’un réglage postural ;

- par les forces générées à la selle et au cintre. Bien que nous n’ayons pas pu analyser séparément les efforts produits à la selle et au cintre, nous pouvons, au regard des

résultats présentés envisager quelques interprétations qu’il nous faudra vérifier dans les

prochains mois, une fois la station de mesure validée. Ainsi, il apparait que la force de la selle

sur le bassin, de par son orientation (vers le haut et l’avant) contribue positivement à la production d’un couple, tout au long du cycle de pédalage. Pour la force cintre/mains, sa

contribution dépend de son orientation. Si le cycliste s’appuie simplement sur le cintre, la

force ne contribue pas à la production du couple au pédalier car orientée vers l’arrière du vélo et vient alors compenser pour toute ou partie l’apport de la force de réaction de la selle sur le

bassin. Par contre, si le cycliste « tire » sur le cintre, l’effet devient positif. Cette situation

devrait être rencontrée lors de la montée des cols, par exemple.

Des réponses peuvent également être apportées sur les effets induits par les différentes

positions adoptées par le cycliste lors d’une épreuve, en particulier lorsque ce dernier passe de

la position assise à la position dite « en danseuse ». Dans ce cas, les centres de gravité de

l’ensemble des segments se situent en avant du pédalier et leur poids contribuera positivement

à la création du couple au pédalier. Par contre, le cycliste devra « tirer » sur le cintre s’il

souhaite augmenter l’intensité du couple résultant au pédalier.

Concernant l’étude énergétique du mouvement de pédalage, l’approche

méthodologique et théorique s’appuie sur d’une part le calcul de la puissance mécanique

externe développée au pédalier et d’autre part, l’évaluation des puissances articulaires par la méthode dite de dynamique inverse. L’instrumentation, limitée aux capteurs de pédale, nous a

L’analyse de ces différentes puissances met en lumière les stratégies motrices mises en œuvre par les cyclistes pour réaliser la tâche de pédalage imposée par le test incrémentiel. Si

de nombreux travaux analysent les puissances en considérant leur valeur moyenne par cycle,

nous montrons que leur cinétique au cours du temps apporte des éléments d’analyse

intéressants. Ces éléments doivent être mis en perspective de protocoles d’entrainement plus

ciblés. Il faut cependant être conscient que les puissances articulaires ainsi calculées relèvent

d’une approche globale à l’articulation alors que l’objectif est d’appréhender le comportement

dynamique et énergétique des muscles actionneurs qui animent ces articulations. Cette

problématique constitue l’un des verrous scientifiques actuels, sur lequel quelques équipes de chercheurs s’emploient.

Pour conclure, en nous adressant plus particulièrement à l’AFLD, initiatrice de projet

de recherche, nous pensons que si le suivi biologique des sportifs fait ces preuves au regard du dépistage du dopage, un suivi biomécanique constituerait une approche complémentaire

indéniable. Lorsque le dopage a pour objectif d’améliorer la performance, cette dernière ne

peut se réaliser que si les paramètres (bio) mécaniques deviennent eux aussi performants. Dans ce contexte, il nous parait important que les organismes agréés, pour délivrer en

particulier les licences des cyclistes, mettent en œuvre un protocole identique sur tout le

territoire, qui pourrait être celui que nous avons utilisé. En effet, la durée des paliers est

suffisamment longue pour assurer d’une part une reproductibilité des cycles de pédalage et d’autre part un certain degré d’exigence car associé à des sauts de paliers (+ 50 W) et à une cadence de pédalage (100 rpm) contraignants. Enfin, l’ergocycle utilisé devrait être équipé, à

minima, de capteurs de pédales 6 composantes. La capture concomitante de la cinématique du

mouvement de pédalage serait un apport non négligeable pour l’évaluation de la dynamique

interne. Telle pourrait être la station de mesure d’un centre agréé. Une telle approche pourrait

également être étendue à d’autres activités sportives cycliques.

Par ailleurs il faut être conscient que l’expertise idéale d’un cycliste serait de l’évaluer

sur sa propre bicyclette instrumentée en capteurs d’efforts tels que proposés dans ce mémoire et sur un parcours codifié qui permettrait de s’assurer de l’engagement maximal du cycliste

pour ce test. Pour cela, des verrous scientifiques et technologiques sont à lever ; tout d’abord

être capable de recueillir les données dynamiques issues des capteurs à l’aide d’une

acquisition sans fil, et de capturer les mouvements segmentaires en s’affranchissant de

caméras, jusqu’alors utilisées. Notre équipe, à travers des programmes de recherche, est