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H. Conclusion

3. Conclusion générale et nouvelles perspectives

Pour commencer, je tiens à relever à quel point ce travail de recherche fut formateur. En dépit des difficultés et des obstacles, j’ai appris énormément de choses, tant d’un point de vue méthodologique que strictement théorique. Je suis désormais au bénéfice d’une meilleure connaissance de la personne vieillissante, des addictions et des enjeux y relatifs.

Ce travail m’a aussi permis de me distancier de ma vision plutôt idéaliste. En échangeant avec des professionnels, je me suis forgé un regard davantage professionnel et objectif, qui correspond à la réalité du terrain. En effet, la majorité des personnes âgées et toxicomanes continuera de consommer, impliquant un travail d’accompagnement orienté hygiène et qualité de vie et moins abstinence,

"Autonomie relative" Activités orientées qualité et confort de vie Modèles réduction des risques Chez Paou Addiction Valais Activités: =support à la connaissance de soi et moyens d'accéder à l'autonomie Modèle abstinence Rives du Rhône "Idéal" Autonomie = retour à la norme, réinsertion socioprofess ionnelle

65 réinsertion ou réalisation de soi, bien que les activités menées apportent une meilleure estime d’eux-mêmes aux bénéficiaires. Cette réalité contraste avec l’espoir que la personne puisse trouver un sens à sa vie qui soit hors de la prise de substance. Ceci étant, j’ai malgré tout croisé un responsable qui partage encore ce point de vue, après plus de 20 ans de travail auprès de personnes toxicodépendantes.

Directement en relation avec cet aspect lié à la réalité du terrain et les objectifs majoritairement poursuivis par les éducateurs auprès d’aînés toxicomanes, je fais le lien avec le concept développé par Marc-Henri Soulet, soit la reconnaissance du travail social palliatif, énoncé dans un article publié en décembre 2007. Lequel article a été rédigé en vue de livrer une vision prospective des évolutions probables des enjeux sociaux à l’horizon 2018134. Ce concept nait d’un constat selon lequel il est impossible de transformer certains individus en vue de les adapter à une société toujours plus exclusive. Selon l’auteur, le travail social amorce une évolution sous-tendue par une logique inspirée de la réduction des risques. Il explique: «[…] force est de constater la coexistence de deux nouvelles

figures du travail social, l’une cherchant à promouvoir une potentialité positive, l’autre visant à contrer une potentialité négative. […] la seconde appelle à un registre palliatif […] dans une logique de réduction des risques».

Cette vision s’applique au travail social en général. Mais le parallèle peut être aisément fait avec les prises en charge de toxicomanes vieillissants qui mettent clairement l’accent sur la réduction des risques et d’évitement de l’empirement. Selon Soulet, l’accueil sera un pivot central de l’activité du travail social palliatif. Il vise à permettre non pas essentiellement des soins, mais plutôt des espaces de réconfort. Il imagine des mises en œuvre d’actions de proximité, d’ouvertures d’espaces de communication où l’intervention est assimilée à une écoute relevant de la sollicitude et de la compassion. Ce qui ne fera plus de l’intégration un idéal, mais une place relative où les personnes pourront trouver un certain degré d’autonomie et des conditions pas «trop mauvaises» d’existence. Dans cette perspective, j’imagine ce que pourrait être le travail des éducateurs qui œuvrent auprès de toxicomanes vieillissants. Dans une grande mesure, les pratiques actuelles correspondent déjà à celles définies dans l’article de Soulet sur le travail social palliatif: s’efforcer de garantir une certaine autonomie et des conditions de vie les meilleures possible.

Dans le canton du Valais, si la masse critique ne justifie pas la création d’une structure et d’un espace de prise en charge spécifiquement dédié à la personne toxicomane vieillissante, les structures actuelles devront s’adapter aux besoins des usagers. Dans les faits, que ce soit Chez Paou, aux Rives du Rhône ou dans un EMS, les ressources financières et professionnelles devront permettre l’accompagnement de cette clientèle âgée, ce qui n’est pas le cas à l’heure actuelle.

Au terme de ce travail, j’ai imaginé ce qui pourrait se faire pour cette population dans le canton du Valais au cours des années à venir. Davantage que de regrouper tous les toxicomanes dans une aile spécifique d’un home ou encore dans une institution donnée, je verrais un concept de prise en charge davantage intégratif. En effet, je pense que regrouper toutes ces personnes aurait un effet stigmatisant, sans omettre non plus que le fait de regrouper des personnes avec des problématiques similaires ne génère pas forcément des dynamiques positives pour les usagers.

66 Par exemple, une idée à Genève135 s’est concrétisée par un projet de création d’un café collaboratif entre soignants, patients et passants. Tous peuvent se croiser sur le domaine public. Des expositions et des débats relatifs à la thématique des addictions y sont proposés régulièrement, ce qui favorise les rencontres entre tous les passants, quels qu’ils soient (soignants, consommateurs, habitants, etc.). De plus, les toxicomanes, comme l’ont relevé des professionnels dans le cadre de l’enquête de terrain, sont vecteurs de peurs fantasmées, y compris chez les accompagnants. Ce dispositif ou quelque chose de similaire et adapté au canton du Valais pourrait atténuer ce phénomène et participer à la lente, mais nécessaire, révolution des mentalités.

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