Cet ambitieux projet de recherche est né suite à la menace de l’industrie québécoise de la fraise par ce phénomène d’envergure mondiale qu’est le dépérissement des fraisières. Étant toujours d’actualité, il constitue une grande préoccupation au Canada et au Québec. Cette étude a permis d’accroître nos connaissances reliées aux pucerons et aleurodes vecteurs de virus dans les fraisières de la province.
Les prédictions associées aux objectifs de l’étude étaient que :
1) Le piège-collant jaune serait l’outil le plus efficace et le plus facile d’utilisation pour dépister les stades ailés des insectes vecteurs, comparé au piège-bol jaune.
2) Les fraisiers sauvages constitueraient une source importante d’infection de virus.
3) Des fraisiers sains pourraient accumuler des virus durant une saison de croissance suite aux envolées des insectes vecteurs.
La prédiction associée à la comparaison de deux outils de dépistage des insectes vecteurs en fraisières, soit les pièges-collants jaunes et les pièges-bols jaunes, a été confirmée. Les résultats obtenus dans le cadre de ce projet ont permis de développer un outil de dépistage efficace à prévenir le dommage et détecter hâtivement les envols, transférable aux agronomes et aux producteurs. Le piège-collant jaune capture un très grand nombre de pucerons et d’aleurodes, toutes espèces confondues, de manière significative. Cependant, pour ce qui est du puceron du fraisier, les deux méthodes de dépistage ont démontré une efficacité équivalente. Chacune des méthodes présente des avantages et des inconvénients. Le piège-collant, plus facile à manipuler, peut rendre l’identification des vecteurs ardue. Alors que les pièges-bols, nécessitant plus de matériel, permet le montage sur lame des spécimens, et en précise ainsi l’identification.
La prédiction associée aux fraisiers sauvages ayant la capacité de constituer des réservoirs naturels de virus a également été confirmée. Les analyses des 12 échantillons de talles de fraisiers sauvages (dits des champs) situées près des fraisières commerciales, démontrent que 67% étaient infectés des cinq principaux virus du fraisier (SMYEV, SMoV, SCV, SVBV et SPaV) connus pour être en partie responsables du dépérissement des fraisières. Les fraisiers sauvages étant les hôtes des virus et les hôtes des vecteurs constituent donc une source potentiellement importante d’infection virale.
Enfin, la prédiction associée à l’accumulation potentielle de virus dans des fraisiers sains au cours d’une saison de croissance s’est avérée confirmée. Dans les champs d’implantation, un plant témoin sur cinq a accumulé des virus, alors que dans les champs de première année de production de fruit, plus d’un plant témoin sur trois accumule des virus. Les champs qui demeurent ainsi plusieurs années sur place poseraient donc un risque pour la propagation des virus. Cet objectif a également permis de faire un lien entre l’accumulation des virus en champ et la présence d’insectes vecteurs. En effet, plus la population des pucerons du fraisier était élevée au cours de la saison, plus l’incidence des virus en fin de saison, dans un même champ, s’en trouvait également élevée.
Ce projet de recherche a apporté une grande quantité d’informations nouvelles. Entre autres, un inventaire de pucerons capturés à l’aide de pièges-bols et d’échantillonnage de feuilles de fraisier, puis montés sur lames, a permis d’identifier plus de 56 espèces différentes de pucerons ailés présentes dans les fraises au Québec, outre le puceron du fraisier. Parmi ceux-ci, le puceron vert du pêcher Myzus persicae, le puceron du melon Aphis gossypii ainsi que Chaetosiphon spp. sont de potentiels vecteurs de virus du fraisier (Craig & Stultz, 1964; Tzanetakis & Martin, 2013). Par ailleurs, une nouvelle mention d’aleurode présent dans les fraisières, soit l’aleurode de l’iris Aleyrodes spiraeoides, a été répertoriée lors d’un inventaire des aleurodes capturés par pièges- collants à travers toute la province. Enfin, l’évaluation de la présence des virus persistants tels que SMYEV et SCV dans les pucerons du fraisier ainsi que l’évaluation de l’incidence des virus dans les plants vendus par les pépiniéristes, ont permis de faire la lumière sur les sources potentielles de contamination virale dans les champs de fraises au Québec. Une solution apportée pour minimiser la propagation des virus suite à l’implantation serait d’instaurer une certification Nord-américaine. Des démarches en ce sens ont actuellement lieu (Martin & Tzanetakis, 2015).
Un autre élément auquel ce projet pourrait contribué est la mise en place d’un outil d’aide à la décision pour les producteurs de fraises ainsi que les intervenants du milieu. En considérant les principales sources de contamination, telles que les plants infectés avant l’implantation, les champs commerciaux infectés à proximité, les fraisiers sauvages infectés à proximité ainsi que l’abondance d’insectes vecteurs, il est possible d’évaluer les risques des maladies virales des fraisières. Cet outil servirait à guider les producteurs et les agronomes dans les interventions apportées aux champs (S. Tellier, 2016, conférence journée agricole Janvier 2016).
Ce projet, bien que complet, aurait pu intégrer des inventaires plus exhaustifs d’espèces de pucerons retrouvés dans les champs de fraises. Ces inventaires, effectués dans des régions différentes de la province, auraient pu être fort pertinent afin de mesurer la présence de vecteurs potentiels et apporter des connaissances nouvelles sur la biodiversité des pucerons dans les fraisières du Québec.
Comme directions de recherche future, il serait essentiel que des études additionnelles soient réalisées afin d’identifier les espèces de pucerons potentiellement vectrices de virus semi-persistants (SMoV et SVBV) et abondantes dans l’environnement des fraisières. Par ailleurs, l’aleurode de l’iris Aleyrodes spiraeoides pourrait également constituer un risque, car nous ne savons pas s’il peut transmettre des virus chez le fraisier. Il pourrait s’avérer le chaînon majeur insoupçonné jusqu’à maintenant dans la transmission virale tôt le printemps, les pucerons du fraisier se chargeant ensuite de la dissémination dans les champs et entre champs. Enfin, avec les changements climatiques à nos portes, des nouvelles espèces d’aleurodes et de pucerons pourraient s’établir au Québec et causer des dommages dans les fraises et les autres cultures.
Le contrôle de la propagation des virus passe inéluctablement par le contrôle des insectes vecteurs. Ce projet de recherche pourra certainement contribuer à établir une stratégie de lutte aux vecteurs de virus, par la connaissance du suivi des populations des pucerons et des aleurodes présents en fraisières au Québec.
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