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Conclusion des expériences 1,2 et 3

Rappelons avant toute chose que ces recherches ont été conduites afin de vérifier qu'indépendamment de la valeur sociale de la cible, variable essentielle de la théorie de la norme d'internalité, il était attribué plus d'internalité aux personnes que le sujet apprécie, du fait

de leur seule valence affective. Les résultats des deux premières études semblent bien établir que le sujet attribue effectivement plus d'internalité à des cibles caractérisées par leur seule valence affective (attractivité faciale ou positivité liée à l'exposition suboptimale). Ces manipulations de la valence affective étaient, rappelons-le, pour le moins "minimales". En effet, on aurait pu suspecter que d'autres relations affectives plus ordinaires soient parfois saturées d'utilité sociale (sans doute vaut-il mieux avoir des amis - ou un conjoint - qui non seulement sont les gens les plus affables mais qui ont, entre autres qualités, une bonne position sociale, un bon salaire ou un peu de pouvoir).

Il était aussi possible de faire une hypothèse basée sur un processus réaliste selon laquelle le sujet sait que ceux qui réussissent ont toutes les raisons d'être plus internes et ce d'autant plus qu'ils expliquent un événement qui est une réussite. Néanmoins, il est clair, lors de l'expérience 1 portant sur l'attractivité, que le sujet n'associe pas plus d'internalité aux gens attractifs pour l'explication de leur réussite (Cf.

tableau 1 p. 55). On pourrait néanmoins envisager que le comportement le plus probable de la part de quelqu'un d'attractif soit qu'il se comporte de façon plus sociable. Les résultats montrent néanmoins que le surcroît d'internalité attribuée aux cibles les plus attractives, comparées aux cibles les moins attractives, se fait pour l'explication des comportements les moins sociables plutôt que pour l'explication des comportements les plus sociables. En ne prenant en compte que l’expérience 2, certains seraient tentés d’imaginer que le sujet disposait, de façon implicite, de plus d’informations sur les personnes dont le visage avait été présenté à plusieurs reprises. De ce point de vue, le conditionnement opéré lors de la présentation des cibles (Exp. 3) aurait dû amener le sujet à accumuler des informations négatives concernant la cible associée à un affect négatif et des informations positives à la cible associée à un affect positif. La première aurait alors due être créditée de modestie et la seconde d'autocomplaisance. Or, de façon drastique, un surplus d'internalité aux cibles positives, plutôt que négatives, s'est produit pour l'explication des événements indésirables et non pour l'explication des événements désirables.

L'hypothèse d'une attribution d'internalité basée sur une attitude réaliste, de la part des sujets, n'est donc pas en mesure d'expliquer les résultats présentés ici.

Il semble que, sur la base des deux premières études réalisées, on peut effectivement conclure que la valeur associée au mode d'explication interne dépasse largement le cadre de la valeur associée à la seule réussite sociale. Il est d'ailleurs probable que l'internalité, faisant l'objet d'une acquisition précoce, soit associée à des aspects évaluatifs qui ont des connotations affectives.

Les résultats de la dernière étude sont néanmoins plus ambigus dans la mesure où la différence attendue n'est observée que pour l'explication de faits indésirables. Abstraction faite de ce point, il convient de remarquer que ces résultats sont obtenus dans des conditions peu favorables pour que des effets de requête expérimentale puissent jouer un rôle déterminant : les résultats ont été obtenus

(1) sans que les consignes expérimentales fassent référence à la valeur de la cible et parfois même, sans que le sujet ne puisse avoir conscience de la manipulation l'amenant à préférer un visage à un autre (Exp. 2 et probablement Exp. 3),

(2) sans que la tâche requise ne soit présentée comme une tâche d'attribution de valeur. Au contraire, l'expérimentateur annonçait comme objectif l'étude de la mémoire, de la perception visuelle et auditive,

(3) sans que les explications proposées ne soient présentées en choix forcé ; mode de présentation généralement plus favorable lorsque l'on veut obtenir des effets consistants avec l'interprétation normative.

Enfin, les explications ne faisaient pas partie intégrante d'un questionnaire ou d'un test psychologique (dénomination pouvant faciliter l’accès à la signification évaluative de ces deux modes explicatifs).

Il semble délicat de conclure sur la généralité de la valeur associée à l'internalité dans la mesure où la dernière étude ici présentée ne montre pas d'effet simple de la valence affective sur le score d'internalité attribuée. En effet, comment accepter l'idée d'une

généralisation au domaine affectif si les réactions affectives les plus polarisées échappent à nos prédictions ?

L'embarras dans lequel nous met une telle restriction nous a conduit à chercher des facteurs non contrôlés pouvant expliquer les résultats de cette dernière étude.

TROISIÈME CHAPITRE

ATTRIBUTION

D'INTERNALITÉ ET ATTRIBUTION D'UNE

STRATÉGIE

D'AUTOVALORISATION

"Comme c'est une chose plus haute et plus glorieuse de faire du bien aux hommes que de s'en procurer à soi-même, aussi ce sont les grandes âmes qui y ont le plus d'inclinaison, et font le moins d'état des biens qu'elles possèdent. Il n'y a que les âmes faibles et basses qui s'estiment plus qu'elles ne doivent, et sont comme les petits vaisseaux que trois gouttes d'eau peuvent remplir."

René Descartes, A Elisabeth, 6 octobre 1645

Interlude : Fait-on fausse route avec la norme d'internalité ? Trois études de contrôle.

Il n'a sans doute pas échappé au lecteur que les résultats de notre troisième recherche ne nous ont pas complètement satisfait quand bien même ils infirment clairement une hypothèse où l'internalité serait basée sur des expectations réalistes. A ce stade, il se pouvait néanmoins que les résultats de l'expérience 3 soient dépendants d'artéfact liés au mode de présentation au moment où le sujet répond.

Pour cette raison, trois études papier-crayon ont été conduites. Le caractère économique et l'extrême simplicité de ces trois études nous conduisent à les évoquer sans les présenter de façon détaillée. Dans ces trois études, des étudiants (en tout une centaine) en second cycle de psychologie devaient sur des échelles en sept points indiquer si, selon eux, des explications (les mêmes que lors de l'expérience 3) étaient celles qu'aurait données une personne pour qui ils éprouvent la plus grande sympathie versus une personne pour qui ils éprouvent la plus grande antipathie.

Nous cherchions à savoir si le fait que les sujets attribuent d'abord de l'internalité à une cible positive plutôt que négative ou inversement pouvait avoir un effet. Plus précisément, en se basant sur la mise en rapport que les sujets pouvaient faire entre la valence de la cible et celle des événements, il aurait été possible que les sujets fassent une différence pour les événements indésirables lorsque la cible négative est présentée en premier, et pour les événements désirables lorsque la cible positive est présentée en premier. Ainsi, il se pouvait que la cible positive, si elle avait été présentée trop rarement en premier lorsque l'explication était celle d'un événement désirable, n'ait de ce fait pas reçu les attributions d'internalité pour ces événements. Ce facteur de présentation des cibles n'a donné lieu soit à aucun effet soit à des effets inconsistants, quels que soient les différents modes de présentation de ces trois expériences. L'interaction que l’on pouvait attendre entre l'ordre de présentation des cibles, leur valence et la désirabilité de l'événement n'a jamais été observée.

Tableau 4 : Score d'internalité attribué à une cible sympathique versus antipathique en fonction de la nature et de la désirabilité de

l'événement, dans les trois études de contrôle Sympathique Antipathique Événement : désirable indésirable désirable indésirable

Exp. 1

(*) Comportements 1.01 0.81 -0.15 -1.39

N= 26 Renforcements 1.81 0.69 0.85 -0.50

Exp. 2

(**) Comportements 1.13 1.20 -0.17 -1.47

N= 28 Renforcements 2.12 1.31 0.46 -0.15

Exp. 3

(***) Comportements 1.89 1.09 -0.98 -0.70

N= 46 Renforcements 2.52 0.10 1.04 -1.23

* Le score d'internalité attribuée pour la cible sympathique est plus important (M=1.10) que celui pour la cible antipathique (M=-0.30) (F (1,22)=9.87 p < .01)

** Sympathique (M=1.42), Antipathique (M=-0.37) (F (1,24)=13.16 p < .01)

***Sympathique (M=1.40), Antipathique (M=-0.46) (F (1,43)=15.01 p < .001)

En dépit d'une tendance récurrente de la part des sujets à attribuer de l'autocomplaisance aux deux cibles, celle-ci n'affecte pas le fait qu'il soit attribué plus d'internalité à la cible sympathique plutôt qu'antipathique, quel que soit le mode de présentation utilisé.

Ces résultats vont donc bien dans le sens de la Norme d'internalité mais ne peuvent rendre compte des résultats que nous avons obtenus avec la méthode de conditionnement. Ils permettent néanmoins de conclure que le mode de présentation du matériel explicatif n'est pas en jeu.

A. L'explication quotidienne replacée dans un contexte