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Conclusion de la deuxième partie

L’enquête auprès des habitants permet de répondre à un certain nombre de questions sur la résonance du programme Natura 2000 au sein de la société locale. Le premier trait marquant est le faible degré d’information de la population des communes riveraines sur l’existence de ce programme. Si le sigle évoque quelque chose à 54% des habitants, moins de 10% ont une idée précise de ce qu’il recouvre. De même, les habitants sont dans l’incertitude pour dire si le site est actuellement protégé ou non. Ces éléments battent en brèche l’idée selon laquelle Natura 2000 serait aujourd’hui largement connu. En dépit des messages d’information régulièrement diffusés par le ministère de l’environnement en direction des animateurs du programme et des acteurs impliqués dans sa réalisation, Natura 2000 est peu connu des jeunes et des adultes actifs, en dehors du très petit nombre de ceux dont l’activité a un lien avec le site. Le programme d’action en faveur de la biodiversité est surtout connu des personnes âgées, des agriculteurs, des chasseurs et, dans une moindre mesure, des pêcheurs et des promeneurs qui vont dans les marais.

Au vu des trois sites pris en compte dans cette étude, on peut se demander si cette méconnaissance n’est pas le cas le plus courant – dans la mesure où la population n’est pas impliquée dans la réalisation du programme. Peut-être cette situation résulte-t-elle également de la configuration particulière du site des marais de l’Erdre. En effet, les marais sont un milieu naturel peu accessible car peu traversé de chemins, ce qui explique que 19% seulement des habitants déclarent bien connaître les marais, et 14% seulement les fréquenter souvent. C’est le manque d’informations sur le site et sur ses accès qui, au sein de la société locale entretient un très faible niveau de connaissance sur les enjeux de la protection de ces zones humides.

Or, c’est en fonction du degré de connaissance qu’elle a de cet espace naturel que la population locale évalue l’utilité et l’urgence de sa protection. S’il existe une aussi grande différence entre l’importance donnée, d’un côté, à l’entretien des berges de la rivière et, de l’autre, le peu d’intérêt porté à l’entretien des prairies humides, c’est que la perception de l’urgence de la protection en est totalement différente. Vis-à-vis de l’Erdre dont les rives sont fréquentées par la très grande majorité des habitants, la société locale a une conscience aiguë de la dégradation de la qualité de l’eau et, dans une moindre mesure de la menace des espèces envahissantes. En revanche, le fait que les espaces intérieurs aux marais soient perçus comme relevant d’intérêts privés, peut expliquer à lui seul l’importance très relative accordée à l’entretien des prairies mais aussi à la protection des tourbières. D’ailleurs, on constate que la population a des marais une vision plus paysagère qu’écologique.

Néanmoins, les habitants des communes riveraines des marais de l’Erdre affichent une adhésion résolue aux objectifs de protection de la biodiversité et plus des deux tiers sont favorables à l’idée d’une contribution financière annuelle des ménages pour accroître sensiblement le niveau de réalisation des objectifs du programme de protection en cours. Pour atteindre un niveau élevé de réalisation des objectifs, la majorité des habitants interrogés (50%) accepte de contribuer jusqu’à 53 par an pendant les six années de la durée du programme. En admettant que les 22 000 ménages des communes riveraines aient à payer une taxe locale pour abonder le budget de Natura 2000, il suffirait de fixer son montant à 36 pour couvrir les dépenses nécessaires pour atteindre les objectifs affichés dans le DOCOB. A ce niveau de contribution, les résultats de l’analyse conjointe indiquent que 66% de la population serait acquise, au moins sur le principe, à cette contribution. Par ailleurs, le détail du consentement à payer pour chacun des grands objectifs du programme indique que c’est pour la protection des espèces que la valorisation est le plus élevée, les habitants étant disposés à payer 4 de plus par an pour ajouter une espèce supplémentaire aux objectifs du programme de protection.

Il faut, toutefois, se garder d’aller trop loin dans les conclusions que l’on peut tirer de ces évaluations monétaires. Tout d’abord concernant le sens à donner au niveau du consentement à payer : il se révèle élevé mais se situe à un niveau comparable à celui établi par d’autres études. Le consentement à payer n’est pas une mesure de la valeur attribuée au site compte tenu de sa richesse écologique ; il est plutôt une évaluation de la valeur reconnue au programme de protection dans son ensemble et, dans le détail, à ses différents objectifs. Ensuite, dans les conclusions que le gestionnaire du programme doit retenir de ces résultats : le fait que la population joue majoritairement le jeu proposé, d’arbitrer les objectifs de protection à atteindre en fonction du montant d’une contribution financière sur le principe d’une taxe locale, ne signifie aucunement qu’elle trouverait légitime que les financements nationaux soient remplacés par des financements locaux. En revanche, le gestionnaire doit retenir, à coup sûr, l’idée que les priorités qui mobilisent le plus la population locale, et sur lesquelles il lui semble le plus utile de concentrer l’argent public, ne sont pas exactement celles qu’ont retenues les partenaires du programme au moment de l’élaboration du DOCOB.

Sans qu’il faille en déduire que le programme est inadapté, une conclusion s’impose à la lecture de l’ensemble des résultats de cette enquête : le premier effort que doit développer aujourd’hui le programme Natura 2000 est celui de l’information dans les communes directement concernées par la protection des sites et, s’agissant des marais de l’Erdre, au moins à l’échelle de l’agglomération nantaise.

Enfin, le regard porté par la population sur le développement du programme confirme le constat le plus problématique, connu de tous les acteurs impliqués dans la réalisation de Natura 2000 en France : le niveau de financement actuel et les objectifs atteints à ce jour sont très éloignés du niveau d’attentes projeté par le grand public.

Troisième partie

TROIS SCENARIOS A L’HORIZON 2020

Une partie de la mission confiée au groupement CREDOC-TEC-AREAR-BIOTOPE concerne l’élaboration de scénarios prospectifs à quinze ans pour deux des trois sites étudiés : les marais de l’Erdre et la vallée du Lison . Ces scénarios doivent également apporter quelques éléments de réponse plus généraux quant à l’évolution du réseau Natura 2000.

Celui-ci est en effet encore récent : si l’élaboration des DOCOB et la mise en place des comités de suivi répondent à des méthodologies éprouvées (notamment grâce aux 36 sites pilotes mis en place dans les années 1990), les phases de réalisation des actions prévues et leur évaluation n’en sont qu’à leurs débuts. De nouvelles questions émergent sur la répartition des initiatives, des responsabilités et des financements pour la mise en œuvre des actions. De même, l’évaluation de l’incidence des projets et programmes en site Natura 2000 ne fait que commencer. Des savoirs faire sont à inventer, et les implications effectives de ces dispositions pour la protection des habitats restent difficiles à discerner. Au-delà de la phase actuelle de mise en place du réseau, l’incertitude demeure sur sa configuration à long terme : Natura 2000 continuera-t-il à reposer sur les deux piliers contractualisation/évaluation des incidences, ou va-t-on assister à une différenciation croissante des sites, en fonction de leurs enjeux écologiques ? Jusqu’à quels points les financements disponibles vont-ils être une limite au déploiement du réseau ? Quelle sera l’implication des collectivités locales dans le futur ?

On mesure l’importance d’une prospective permettant d’alimenter une vision stratégique du réseau, prospective dont l’objectif est ici d’évaluer les implications financières et institutionnelles de différents scénarios à l’horizon 2020, avec l’anticipation de coûts vraisemblablement croissants comme question centrale.

Plutôt que sur une prospective des habitats, de leurs rythmes d’évolution et de leur état de conservation, c’est donc essentiellement sur ces questions économiques et institutionnelles que portera notre travail de prospective.

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