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Que retenir de cette revue – certes non exhaustive- de travaux sur la télévision (et, de manière secondaire, sur d’autres media), et sur la réalité de son influence ? Répondant à l’inquiétude de l’opinion publique ou à la préoccupation des décideurs politiques ou économiques, une conclusion semble s’imposer : la télévision exerce une influence sur les téléspectateurs.

Il s’agit rarement, contrairement à ce que l’on pensait à l’origine, d’une incitation directe : un producteur d’émission ne dicte pas explicitement leur conduites aux téléspectateurs -tout au moins aux adultes-, et le seul fait d’avoir regardé un épisode violent sera insuffisant pour inciter le spectateur à s’attaquer aux passants dans la rue : la réactance, en particulier, nous permet d’affirmer notre liberté en nous opposant à des messages trop impérieux.

L’influence va prendre d’autres formes. Il peut s’agir de convaincre des relais d’opinion, qui à leur tour convaincront leur groupe d’appartenance ; dans le domaine de la consommation, de séduire des personnes- relais, par exemple les enfants, à l’aide de produits dérivés des émissions (le Pokémon qui manque à leur collection, le cartable à l’effigie du héros du moment…). Il s’avère aussi que le seul fait d’avoir entraperçu une marque, même sans y prêter attention, lui vaut des appréciations plus positives que celles portées sur des produits inconnus, et permet donc d’augmenter son impact. Dans cette catégorie, on situera aussi la diffusion, notamment à travers les séries, de normes de comportement social.

Les enjeux étant importants, les chercheurs de différentes disciplines cherchent à mieux connaître les mécanismes de cette influence, pour mieux en contrôler les effets. Neurologie et sciences sociales sont mises à contribution, cherchant à identifier le rôle des sons et des couleurs, les mécanismes de la persuasion…

Mais l’influence de la télévision s’exerce aussi à travers la façon dont son ou plutôt ses publics se l’approprient : utilisée en premier lieu dans sa fonction de délassement ou de divertissement, elle constitue un lien à l’intérieur des différents groupes sociaux –devant la machine à café ou dans la cour de récréation, on discute du match de la veille ou du dernier épisode de la série. Et les normes qu’elle transmet, contraignantes pour les uns, vont aider les autres à s’acclimater à la culture dominante.

Les objectifs de l’influence sont tantôt clairement affirmés ou tantôt implicites, mais quels qu’ils soient, éducatifs ou mercantiles, les techniques d’action et les processus de réception sont les mêmes. La publicité ou les débats politiques visent explicitement à influencer les achats ou les suffrages ; certains documentaires, voire des épisodes de séries, ont pour but

d’alerter l’opinion pour agir sur des situations alarmantes ; des pays ou des organisations conçoivent des programmes à des fins de santé publique. Pour que les téléspectateurs agissent dans le sens recherché, pour faire passer certaines informations ou activer certaines valeurs, on les prépare en les divertissant ou en les effrayant. Cependant un des rôles les plus importants de la télévision serait, plutôt que celui de prescripteur, celui de l’agenda setting : les personnages ou situations mis en lumière sont seuls reconnus comme importants, deviennent l’objet de débats, tout en n’étant présentés que sous certains éclairages ; les autres sujets ou les aspects des questions traitées divergents des idéologies dominantes sont oubliés ou ignorés.

Lors d’une journée ordinaire de télévision (Macé, 2006) prise au hasard, les thèmes principaux, toutes émissions confondues, traitent du travail, de la famille, de la sexualité et de la criminalité. Les séries y tiennent une place importante, certaines ciblées pour distraire l’après-midi la fameuse ménagère de moins de cinquante ans, d’autres visant à retenir les téléspectateurs devant leur écran aux heures de grande écoute, ce qui vaudra à la chaîne, en cas de bonnes audiences, d’abondantes recettes publicitaires (Buxton, 2010). Les séries à succès venant des Etats-Unis (Colonna, 2010 ; Buxton, 2010), les valeurs dont elles sont imprégnées sont celles de la société américaine. Quant aux journaux télévisés, supposés refléter avec objectivité la réalité du monde, ils sélectionnent tous, parmi l’abondance d’informations disponibles, les mêmes thèmes sous les mêmes angles : il leur faut absolument traiter, le plus souvent dans l’urgence, ce dont traitent les concurrents, en fonction de ce qu’ils supposent être les centres d’intérêt des téléspectateurs et de leurs impératifs politiques et économiques (Toussaint-Desmoulins, 2008). Par leurs choix de sujets et d’interlocuteurs, ils auront un impact sur l’opinion.

S’agissant de la double question à l’origine de ce travail, celle du rôle de la télévision dans la formation des intentions d’avenir des jeunes, et plus particulièrement de la division sexuée de l’orientation, deux grandes tableaux se dessinent :

Le premier touche à la façon dont le monde du travail est illustré dans les différents types d’émissions. Globalement, il s’agit d’un univers de professionnels privilégiés, essentiellement peuplé d’hommes, plutôt jeunes, blancs de peau, des dirigeants, des experts, des artistes, des sportifs…Quelques différences apparaissent cependant selon les types d’émission : les difficultés ou les conflits sont plutôt montrés dans le journal télévisé ou certaines enquêtes, alors que dans les émissions de divertissement ou les séries – genres préférés des adolescents-,

on rencontrera dans des milieux idéalisés les artistes ou les héros en quête de gloire et/ou d’aventure.

Le second tableau concerne les places respectives des femmes et des hommes à la télévision : en France comme dans le reste du monde, les femmes, même si elles sont légèrement plus visibles ces dernières années, sont beaucoup moins nombreuses que les hommes à apparaître sur les écrans. Elles ne sont pas présentées de la même façon, elles ne tiennent pas les mêmes rôles : aux hommes, la politique, l’économie, le sport, les fonctions d’autorité, l’expertise ; aux femmes la sphère domestique ou les domaines qui en découlent, la famille et la santé.

Deuxième partie :