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1.3.3 Visibilité dans le brouillard

Les définitions précédentes s’appliquent dans n’importe quelles conditions atmosphériques. Dans le cas du brouillard, la distance de visibilité est même le paramètre descriptif le plus communément employé. Ainsi, il n’est pas rare d’entendre, lorsque la radio annonce la présence de brouillard, que la visibilité est réduite à moins de 100 m, voire 50 m.

Cette information est fournie sur le terrain par des visibilimètres, de type transmissiomètre ou diffusiomètre [PA84]. Le premier appareil permet de mesurer la transmissivité du milieu, et d’en déduire le coefficient d’extinction, connaissant la base de mesure ; coûteux et malaisé à mettre en œuvre, son usage est généralement réservé aux aéroports. Le deuxième se base sur la proportion d’énergie lumineuse diffusée dans une direction particulière, vers l’avant ou vers l’arrière (rétrodiffusiomètre), pour calculer le coefficient d’extinction ; ce type d’appareil est meilleur marché et plus facile à mettre en œuvre, mais en contre-partie il offre une moindre précision. Dans les deux cas, la formule (1.26) est ensuite utilisée pour fournir une estimation de la distance de visibilité.

Il existe également différentes techniques de mesure permettant d’évaluer directement la visibilité par traitement d’images issues de caméras numériques [DDL, GM92, BD98], mais elles ne sont pas exploitées sur le terrain de manière opérationnelle, pour des raisons de fiabilité.

1.3.4 Typologie des brouillards routiers

La norme française NF P 99-320 [NFP98], en application depuis avril 1998, fixe la ter-minologie à appliquer dans le domaine de la météorologie routière. Elle définit le brouillard routier comme un brouillard particulièrement dense, réduisant la visibilité horizontale à moins de 400 m. Elle définit également quatre classes de visibilité, applicables au brouillard :

– classe 1 pour une distance de visibilité comprise entre 200 et 400 m, – classe 2 pour une distance de visibilité comprise entre 100 et 200 m, – classe 3 pour une distance de visibilité comprise entre 50 et 100 m, – classe 4 pour une distance de visibilité inférieure à 50 m.

1.4 Conclusion

Parmi les trois aspects du brouillard qui sont présentés dans ce chapitre, l’aspect perceptif constitue le plus simpliste. En effet, on peut avoir une description précise de la microstructure du brouillard avec sa distribution granulométrique, et en déduire ses propriétés optiques par les équations de Mie, mais lorsqu’il s’agit de décrire son influence sur la perception visuelle, on ne dispose plus que de la seule distance de visibilité météorologique, dont la définition même est subjective.

On a vu qu’il était possible d’établir une relation entre la visibilité et le coefficient d’extinc-tion. Mais la fonction de phase, qui est représentative de la taille des gouttelettes du brouillard, n’est pas prise en compte dans cette relation. Il est donc possible d’envisager deux brouillards de compositions granulométriques différentes, mais de concentrations totales telles que leurs

coefficients d’extinction sont égaux. Ils seront alors caractérisés par la même distance de visibi-lité. Mais peut-on en conclure que ces deux brouillards perturbent de façon identique la vision d’un usager de la route?

Pour répondre à cette question, il est indispensable de commencer par s’intéresser aux effets potentiels du brouillard sur la perception visuelle de l’environnement.

Chapitre 2

Les effets du brouillard sur la vision

Le système visuel humain est un mécanisme complexe, qui fonctionne comme un analyseur fréquentiel spatio-temporel. On peut en donner la description suivante, simplifiée à l’extrême : le champ de vision se projette sur les cellules photosensibles de la rétine de chaque œil, qui trans-forment l’énergie lumineuse en signaux qui sont traités par le cerveau, selon différentes voies en fonction des cellules corticales mises à contribution. Le cerveau peut ainsi coder un nombre donné de stimulations avec une certaine acuité [Ver89] : l’intensité lumineuse, la couleur, la forme (le contraste, l’orientation) et le mouvement (sens, direction, vitesse). Globalement, deux grands groupes de paramètres caractérisent le stimulus : la structure spatio-temporelle et la pho-tocolorimétrie [MD91].

En conditions de conduite dans le brouillard, les stimulations visuelles sont fortement per-turbées du fait de la diffusion de la lumière. Il s’en suit naturellement des modifications de la perception de l’environnement. La réduction de la distance de visibilité implique une impor-tante diminution de la quantité d’informations visuelles, notamment du fait de l’occultation des repères éloignés [CDC99]. Mais le brouillard ne se contente pas d’appauvrir l’environnement visuel du conducteur, il en altère également la structure spatiale à la manière d’un filtre fréquen-tiel passe-bas [DK81] : il « brouille » le signal visuel.

Dans ce chapitre, on analyse les différentes perturbations de la perception visuelle de l’envi-ronnement en situation de visibilité réduite, afin de mieux appréhender les effets psychovisuels du brouillard et d’identifier les indices pertinents, tels que le contraste, qui sont à l’origine de ces effets.

2.1 Physiologie de la vision

L’objectif de cette première partie est de donner un aperçu du fonctionnement du système visuel humain. Pour une description plus complète des mécanismes de la vision, les trois tomes de l’ouvrage de Le Grand sur l’optique physiologique font référence [LeG65, LeG72, LeG56]. La rétine, schématisée dans la figure 2.1, comporte deux sortes de récepteurs photosensibles, distribués de manière hétérogène : les « cônes » et les « bâtonnets ». Les cônes sont concentrés au milieu de la rétine, dans la région appelée la fovéa. Ils sont eux-mêmes de trois types, plus particulièrement sensibles respectivement aux courtes, moyennes et grandes longueurs d’onde, ce qui les rend responsables de la vision des couleurs. Les bâtonnets sont absents de la fovéa, mais sont plus nombreux en périphérie, alors que les cônes sont plus rares. Ils sont sensibles aux faibles luminances, indépendamment de la longueur d’onde. À mesure qu’on s’éloigne de la fovéa vers la périphérie, la résolution des champs récepteurs devient plus faible, car leur densité diminue. C’est pourquoi la vision périphérique ne permet pas de distinguer les détails.

Ces cellules photosensibles, qui constituent une couche au fond de la rétine (sous l’épi-thélium pigmentaire), convertissent l’énergie lumineuse en influx nerveux par un phénomène appelé « transduction ». Ce signal est transmis vers le cortex par les neurones de la voie visuelle (cellules horizontales, bipolaires, amacrines et ganglionaires). Il existe environ trois cents fois plus de photorécepteurs (cônes et bâtonnets confondus) que de liaisons nerveuses visuelles, ce qui montre que chaque liaison reçoit l’influx de plusieurs récepteurs correspondant à des zones rétiniennes dont le diamètre peut varier entre un et plusieurs centaines de microns. Il existe donc une interaction entre les champs récepteurs, qui permet d’expliquer les variations spatiales de l’acuité visuelle, c’est-à-dire de la capacité de l’œil à résoudre les détails.

cônes & batonnets cellules horizontales cellules bipolaires cellules amacrines cellules ganglionnaires épithélium pigmentaire

FIG. 2.1 – Anatomie de l’œil et structure de la rétine (schéma adapté d’après [KFN00]).

L’image rétinienne, après transduction dans les récepteurs, est codée sous la forme d’un nombre restreint de caractéristiques locales : contraste, orientation des contours, fréquences spa-tiales et disparités binoculaires (qui fournissent des indices de relief et de direction de