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Dans ce chapitre, nous avons réalisé une étude Raman à caractère TO-pur portant sur des cristaux massifs CdxZn1-xSe de type zincblende (x ≤ 0.3). Tant le régime phonon-polariton, jusqu'à présent inexploré dans ce système, que le régime natif des TO à caractère purement mécanique, ont été explorés en utilisant des géométries de diffusion Raman appropriées, i.e., avant et en-arrière, respectivement, mises en œuvre sur des faces (110) orientées par clivage. La discussion des données Raman est étayée par des calculs ab initio effectués dans le régime TO purement mécanique, avec un double apport. Tout d'abord, les calculs ab initio effectués sur des motifs d'impureté prototype de percolation (x~0.1) à l’aide du code Siesta ont permis d’assigner de visu les modes Raman sur la base des déplacements atomiques. Deuxièmement, les spectres Raman ab

initio obtenus par application du code AIMPRO à de grandes supercellules (~200 atomes) ont

fourni un aperçu décisif sur les intensités Raman relatives des modes TO mécaniques (x~0.3 et x~0.5). Cela a permis d’élucider la sensibilité de la vibration Zn-Se à son environnement local, finalement identifiée à l'échelle des second-voisins. Nous concluons à un comportement de percolation à trois modes {𝑇𝑂𝐶𝑑−𝑆𝑒, 𝑇𝑂𝑍𝑛−𝑆𝑒𝑍𝑛 , 𝑇𝑂𝑍𝑛−𝑆𝑒𝐶𝑑 } pour CdxZn1-xSe, tel que Kozyrev avait pu l’anticiper à partir de son étude IR approfondie [24].

L’anomalie apparente portant sur l'inversion LO-TO quasi négligeable à composition intermédiaire (x~0.5) relative au mode mineur/intrabande de faible intensité Raman trouve une explication naturelle en considérant une franche déviation par rapport à la substitution Cd ⇿ Zn aléatoire. Cette déviation reflète une instabilité microstructurale à l'approche de la transition structurale zincblende ⇿ wurtzite (x~0.3). Le taux de ségrégation est estimé en adaptant à la structure zincblende une version du modèle de percolation équipée d'un paramètre d'ordre pertinent, dans le même esprit que déjà réalisé pour le cristal mixte Si1-xGex de structure diamant [19,20]. Les calculs ab initio AIMPRO apportent un soutien décisif à cet égard en permettant de réaliser un suivi des intensités Raman (TO) en fonction du paramètre d’ordre 𝜅.

De manière générale, ce travail permet d’apprécier comment le signal Raman nominal des cristaux mixtes semi-conducteurs communs de structure zincblende peut être exploité dans le cadre du schéma de percolation pour diagnostiquer, sur une base quantitative (de façon simple et non destructive), tout écart par rapport à la substitution aléatoire idéale - la question centrale dès que l’on se voit confronté à l’étude des cristaux mixtes [5,19]. Un tel diagnostic n'était tout simplement

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pas possible avec les modèles traditionnels MREI (par construction) et à Cluster (du fait d’un biais dans la conception du modèle, comme discuté en détail dans la Ref. [80]). À cet égard, le modèle de percolation permet de combler une lacune, et peut-être d’ajouter un item à l’éventail des problématiques susceptibles d’être traitées par diffusion Raman.

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IV Chapitre 3

Etude Raman sous pression du cristal

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IV.1 Introduction

Dans ce chapitre notre objectif est d’explorer quel peut être l’apport du modèle de percolation opérant par construction à l’échelle mésoscopique à l’étude à une échelle sous-macroscopique du comportement vibrationnel sous pression des cristaux mixtes semiconducteurs de structure zincblende, notamment à l’approche d’une transition de phase structurale. Plus précisément il s’agit de tester dans quelle mesure le doublet de percolation Raman associé à la liaison courte du cristal mixte peut constituer une sonde chimique sensible pour « voir » comment le cristal mixte engage sa transition de phase structurale sous pression à l’échelle inhabituelle du mésoscopique.

Des mesures Raman prospectives ont d’ores et déjà été réalisées dans ce sens avec Zn1-xBexSe [21] (x<0.52) et ZnSe1-xSx [23] (x=0.32), sans cependant pouvoir être en mesure à ce jour, d’expliquer les phénomènes observés, listés ci-après :

(i) Les doublets Raman Be-Se (Zn1-xBexSe) et Zn-S (ZnSe1-xSx) se ferment sous pression, du fait d’une convergence du « mode 2 » basse fréquence vers le « mode 1 » haute fréquence. (ii) Durant le processus de convergence, le mode 2 s’effondre progressivement jusqu’à extinction complète au croisement avec le mode 1, apparemment dû à une perte sèche de force d’oscillateur.

(iii) Le croisement entre les modes 1 et 2 advient sensiblement autour de la même pression critique 𝑃𝑐 quelle que soit la composition x, avec 𝑃𝑐 proche de la pression critique de transition de phase zincblende→rock-salt du cristal pur ZnSe.

(iv) Au-delà de 𝑃𝑐, seul le mode 1 « survit », le mode 2 « gèle », comme indépendamment vérifié par calcul ab initio.

Les phénomènes (i-iv), originellement mis en évidence avec Zn1-xBexSe, ont été qualitativement attribués au fort contraste existant entre les pressions de transitions de phase de ZnSe (vers la structure rocksalt [22], à 𝑃𝑍𝑛𝑆𝑒~13 GPa) et BeSe (vers la structure NiAs [22], à 𝑃𝐵𝑒𝑆𝑒~56 GPa). Cela a paru cohérent avec la tendance ab initio mise en évidence avec GaAs1-xPx

– caractérisé par des pressions critiques de transitions de phase presque identiques pour ses composés parents [22] (~15±3 GPa, zincblende→Cmcm) – selon laquelle l’écartement (en cm-1) du doublet Raman de percolation relatif à la liaison courte Ga-P reste quasi stable sous pression. Cependant, c’était d’une mauvaise piste puisque les phénomènes (i-iv) ont persisté plus tard avec

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le doublet Raman de percolation Zn-S de ZnSe1-xSx alors que le contraste invoqué est supprimé dans ce système (ZnS transite vers la structure rock-salt [22] à ~13 GPa, comme ZnSe). Depuis lors, nous sommes à court d’explication pour chacun des phénomènes (i-iv).

Dans ce qui suit, l’origine des phénomènes (i-iv) est explorée plus avant en étendant notre étude en cours des cristaux mixtes à base de ZnSe à Zn1-xCdxSe pris dans la phase zincblende (x<0.3, la structure est wurtzite autrement) et élaboré sous forme d’un cristal massif. Le comportement Raman de percolation à trois mode {1 × (𝐶𝑑 − 𝑆𝑒), 2 × (𝑍𝑛 − 𝑆𝑒)} de ce cristal mixte a été clarifié dans le chapitre précédent, sur une base quantitative, ce qui est un prérequis à son étude Raman sous pression. Comme les phénomènes (i-iv) ne sont pas dépendants de la composition x, nous nous focalisons pour l’étude en cours sur le cristal mixte Zn0.83Cd0.17Se dont le comportement Raman a été étudié en détail. Ce système est en outre intéressant du fait que son gap optique est quasi résonant avec la raie laser verte utilisée pour exciter les spectres Raman. Cette particularité offre la possibilité de jouer avec la singularité dans la dispersion de l’indice de réfraction associée au gap optique en vue de détecter les modes phonon-polaritons en plus des phonons « classiques » de manière à obtenir un panorama Raman complet (une telle approche employée avec Zn1-xMgxSe [14] s’était avérée extrêmement payante de ce point de vue). Rappelons que les phonon-polaritons se propageant en volume au sein des cristaux mixtes semiconducteurs demeurent inexplorés expérimentalement dans la littérature – sans parler sous pression, hors mis dans nos travaux récents [14, 23, 104] (et voir références dans les travaux cités). Le jeu existant des cristaux mixtes semiconducteurs de structure zincblende à base de ZnSe comprenant Zn1-xBexSe et ZnSe1-xSx dorénavant complété avec Zn1-xCdxSe recouvre une vaste gamme de contrastes entre les propriétés physiques des liaisons chimiques :

(v) Les ionicités des liaisons Be-Se (0.420), Zn-S (0.764) et Cd-Se (0.841) sont plus petite, similaire et plus grande, respectivement, que celle de Zn-Se (0.740) [63]. De ce fait, les incorporations de Be et Cd tendent à renforcer et fragiliser le réseau de type ZnSe, respectivement, alors que l’incorporation de S est neutre de ce point de vue. Les pressions critiques de transition de phase structurale zincblende→rock-salt s’en trouvent accrue, diminuée et inchangée par rapport à 𝑃𝑍𝑛𝑆𝑒 [22], respectivement.

(vi) La liaison Zn-Se occupe une place à part parmi les liaisons de type II-VI en cela qu’elle possède la plus faible capacité de renforcement sous pression, si l’on en juge par la valeur minimale de la dérivée de l’ionicité de liaison par rapport au volume (𝑑𝑓𝑖⁄𝑑𝑙𝑛𝑉=0.127),

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sensiblement moitié de celles de Zn-S et Cd-Se et six fois plus faible que celle de Be-Se [63].

(vii) Les cristaux mixtes considérés couvrent à eux trois une large variété de comportements Raman de percolation, correspondant à des singlet (liaison longue) et doublet (liaison courte) bien séparés (~200 cm-1, Zn1-xBexSe), proches (~50 cm-1, ZnSe1-xSx) et quasi dégénérés (~0 cm-1, Zn1-xCdxSe) – à tel point dans ce dernier cas que l’écartement est plus grand entre les deux sous-mode du doublet de percolation (𝛿~20 cm-1) qu’entre le doublet et le singlet (∆~10 cm-1) – une illustration est donnée dans le corps du chapitre.

(viii) Selon le cristal mixte, Zn-Se peut être soit la liaison « passive » (singlet, Zn1-xBexSe et ZnSe1-xSx) soit la liaison « active » (Zn1-xCdxSe) ; la liaison active peut être sensible à son environnement local soit à l’échelle des premiers voisins (Zn1-xBexSe) soit à l’échelle des second-voisins (ZnSe1-xSx, Zn1-xCdxSe), et la liaison active peut être soit minoritaire (Be-Se, Zn-S) soit majoritaire (Zn-Se dans Zn1-xCdxSe) [21,23,103].

Nous avons bon espoir qu’une telle variété de contrastes (v-viii) puisse nous aider à gagner suffisamment de recul – ce qui a fortement manqué jusqu’alors – pour être en mesure d’élucider les phénomènes (i-iv). Une telle avancée est nécessaire afin de pouvoir valider le doublet Raman de percolation de la liaison courte en tant que « mésoscope » fiable pour l’étude des cristaux mixtes semiconducteurs sous pression.

Une vue d’ensemble de la dépendance en pression des divers doublets Raman de percolation pour notre série de cristaux mixtes à base de ZnSe est reportée en Fig. IV-1. Cette figure révèle

par avance le résultat principal de notre étude à savoir que le doublet Zn-Se (Zn1-xCdxSe) s’ouvre sous pression, contrairement aux doublets Be-Se (Zn1-xBexSe) et Zn-S (ZnSe1-xSx) qui se ferment [21,23]. Nous indiquons par le détail dans le corps du chapitre comment la tendance à l’ouverture du doublet sous pression pour Zn1-xCdxSe a pu être mise en évidence en combinant études expérimentales et études ab initio portant sur les modes de vibrations optiques à caractères polaire et non polaire, respectivement. En outre, la variété des tendances reportées en Fig. IV-1

s’avère suffisante pour être en mesure d’entrevoir un mécanisme permettant d’expliquer l’ouverture/fermeture du doublet de percolation Raman sous pression.

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Fig. IV-1 : Dépendance en pression du doublet de percolation TO (purement mécanique) de divers cristaux mixtes semiconducteurs à base de ZnSe. (a) longueur de liaison et dépendance en volume de l’ionicité de liaison pour les espèces constituantes des cristaux mixtes étudiés (représentés via des connections en pointillés) – données extraites de la Ref. [63], aidant à visualiser la liaison courte pour chaque système (axe des abscisses) et la dépendance en pression du doublet Raman de percolation associé (ouverture vs. fermeture) sous pression (axe des ordonnées). (b) Dépendance en composition théorique des intensités Raman des doublets TO (purement mécanique) relatifs à la liaison courte des cristaux mixtes Zn1-xBexSe, ZnSe1-xSx and Zn1-xCdxSe tels qu’ils peuvent être détectés à pression ambiante par diffusion Raman dans la géométrie classique de rétrodiffusion. (c) Dépendance en pression des doublets Be-Se (ce travail), Zn-S (Ref. [23]) et Zn-Se (ce travail) en question – reflétant des sensibilités de ces vibrations à leur environnement local à l’échelle des premiers- ou seconds-voisins (comme indiqué) – à des compositions données. En cas de « fermeture » du doublet (Zn1-xBexSe, ZnSe1-xSx), le gel de l’oscillateur basse fréquence – dû à la vibration des liaisons self-connectées le long de la chaîne (panneau central) – à la résonance (Res.) conduit à une extinction Raman (effondrement) qui se transpose en « inertie » à 1D (panneau gauche). En cas d’« ouverture » du doublet (Zn1-xCdxSe), les deux sous-oscillateurs vibrent indépendamment à toute pression (panneau droit). Les dépendances en pression des constantes de force des liaisons chimiques (𝑘𝑖) et des amortissements phonon (𝛾𝑖) – qui gouvernent les processus d’ouverture/fermeture et d’effondrement, respectivement – sont schématiquement indiqués (via des flêches), ainsi que les pressions critiques de transitions de phase zincblende⇾rock-salt (𝑃𝑇) pour chaque système.

Par ailleurs, les phénomènes déconcertants (i-iv) dans le cas de la fermeture sous pression du doublet Raman de percolation sont ré-examinés dans le cadre d’un modèle basique d’oscillateurs harmoniques 1D – par souci de cohérence avec le modèle de percolation qui opère à 1D, en se focalisant sur le système Zn~0.5Be~0.5Se comme étude de cas. Un ingrédient pivot de ce modèle est le « point exceptionnel » [104,105], caractérisé par un compromis parfait entre « gain »

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(couplage mécanique) et « perte » (dû à un sur-amortissement). De tels points singuliers sont activement recherchés en optique et photonique comme sources de comportements exotiques [106], et aussi en phononique, notamment en vue de minimiser la conductivité thermique des dispositifs à base de semiconducteurs [107,108] (ce qui est réalisé par le biais d’une nanoarchitecturisation dans les travaux cités).