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D.9 Théorème de fluctuation-dissipation

II.3. B Spectres de vibration (diffusion Raman)

Contrairement aux cristaux purs de structure zincblende présentés dans la première partie de ce mémoire, caractérisés par un seul oscillateur (la liaison chimique), les cristaux mixtes sont des systèmes multi-oscillateurs du fait de la multiplicité des liaisons chimiques. Cela étant, la forme générique de la section efficace Raman établie pour un cristal pur [cf. l’Eq. (II.49)] reste valable,

en principe. Simplement, il faut adapter son expression en sommant sur tous les oscillateurs ioniques du cristal, p au total, selon

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(II.55) Iωs/LO,TO,PP~ Im { −1

∆(ω,q,x)[1 + 1 + ∑ Cp F−H(x)Lp(ω, xp)]2+ ∑ CF−H2 (x)ωT,p2 Zp−2Lp(ω, xp)−1

p } ,

𝜀(x) décrit une variation linéaire de la constante diélectrique haute fréquence en fonction de

la composition d’alliage x :

(II.56) 𝜀(x) = (1 − x)𝜀∞,AB+ x 𝜀∞,AC,

les indices AB et AC se rapportant aux matériaux parents en question. Les constantes diélectriques à l’infini (𝜀) des composés purs dont relèvent les cristaux mixtes étudiés dans ce mémoire sont reportées dans le Tableau II-2.

Les forces d’oscillateurs (𝑆𝑝) ainsi que les coefficients de Faust-Henry (CF−H) varient linéairement avec la fraction d’oscillateurs p présents dans le cristal. L’Eq. (II.55) permet de

calculer les formes de raies Raman TO et LO dans le cas du cristal mixte semiconducteur AB1−xCx . L’expression ∆( 𝜔, 𝑞, x) prend différentes formes selon le mode considéré ainsi :

 ∆(𝜔, 𝑞, x) = 𝜀𝑟(𝜔, x) −𝑞2𝑐2

𝜔2 , pour les modes phonons TO à caractère purement mécanique (𝑞 → ∞) et pour les modes phonon-polaritons (PP) de volume.

 ∆(𝜔, 𝑞, x) = 𝜀𝑟(𝜔, x) −𝜔2𝑞−𝑞2𝑐22𝑐2, pour les modes phonon-polaritons se propageant en surface du cristal. (Ces modes ne seront pas étudiés dans ce mémoire).

∆(𝜔, 𝑞, x) = 𝜀𝑟(𝜔, x), pour les modes LO,

où 𝜀𝑟(𝜔, x) est obtenue par sommation sur tous les oscillateurs ioniques du cristal selon

(II.57) εr(ω, x) = ε(x) + ∑ εp ∞,p Sp(ω, x) Lp(ω, x),

Le calcul de la section Raman peut être mis en œuvre, en connaissant les lois de variations des fréquences TO, ainsi que l’angle de diffusion θ entre 𝑘⃗⃗𝑖 et 𝑘⃗⃗𝑑 à l’intérieur du cristal.

46  Mode TO vs. Mode LO

Pour présenter les différents modèles de comportement vibrationnel des cristaux mixtes, l’attention se porte sur les modes TO à caractère purement mécanique détectés, typiquement à partir d’une expérience de diffusion Raman réalisée dans la géométrie classique de rétrodiffusion. La raison est que ces modes à caractère purement mécanique se couplent difficilement et de ce fait préservent toute la richesse du comportement vibrationnel d’un système complexe tel qu’un cristal mixte.

Rappelons que la fréquence TO détectée par diffusion Raman renseigne directement sur la constante de force de rappel effective à caractère purement mécanique. Une règle intuitive, validée par les expériences de diffusion Raman sous pression [8] est que la constante de force en question

varie inversement à la longueur de liaison (ainsi l’approximation harmonique, qui veut qu’une liaison chimique se comporte comme un pur ressort, i.e, avec une raideur indépendante de l’étirement, n’est pas strictement valable). Cette correspondance peut être mise à profit pour sonder les environnements locaux au sein d’un cristal mixte. En substance, différents environnements locaux d’une liaison chimique donnée sont susceptibles de correspondre à différentes distorsions locales de cette liaison, et devraient de ce fait produire autant de modes TO dans les spectres Raman et IR. Il existe une limite cependant. En effet une telle localisation de phonons n’est observée en réalité que si les fluctuations de fréquence TO sont plus importantes que la dispersion du mode TO lui-même, selon le critère dit d’Anderson [18] – la dispersion du mode TO dans le cristal pur constituant dès lors une référence naturelle.

Au contraire des modes TO, les modes LO détectés par diffusion Raman et absorption IR ne vibrent pas indépendamment les uns des autres. Cela est dû au fait qu’ils transportent un champ de polarisation macroscopique par l’intermédiaire duquel ils sont susceptibles de se coupler s’ils vibrent à des fréquences proches. Dans ce cas, la richesse du comportement vibrationnel se trouve alors quasi-totalement occultée par l’effet de couplage (cela est également vrai pour les phonon-polaritons, pour la même raison). Aussi, si l’on se cantonne à la symétrie LO, ce qui est l’usage en général avec la nouvelle génération d’échantillons élaborés sous forme de couches épitaxiées [seuls les modes LO sont permis dans la géométrie usuelle de rétrodiffusion sur la face de croissance, de type (100) en général], le comportement vibrationnel se trouve outrageusement simplifié et ne reflète plus toute la richesse du comportement vibrationnel telle qu’elle peut être observée en symétrie TO.

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Compte tenu de ces éléments, notre position dans l’équipe pour ce qui concerne l’acquisition de spectres Raman, ou le réexamen des spectres Raman et IR existants dans la littérature, a été de se focaliser sur les modes TO à caractère purement mécanique, comme indiquée en début de ce paragraphe. Les modes polaires de type LO et phonon-polaritons « suivent ». Tous les schémas génériques de comportement vibrationnel discutés ci-après sont donc exclusivement décrits dans la symétrie TO-mécanique, par souci de simplicité. Le problème clé qui se pose dès lors est : quel est le nombre p d’oscillateurs TO-mécaniques à considérer par liaison dans un cristal mixte ? La réponse à cette question n’est pas évidente en soi, et nous verrons ci-après que plusieurs types de sommations sur p ont été proposés, correspondant à autant de modèles phénoménologiques (MREI, à clusters et de percolation).

Deux modèles phénoménologiques sont traditionnellement disponibles dans la littérature pour décrire le comportement des modes TO purement mécaniques d’un cristal mixte de structure zincblende. Tous deux ont été élaborés dans les années soixante, à l’émergence des cristaux mixtes. Le modèle ‘‘modified-random-element-isodisplacement’’(MREI), développé par Chang et Mitra [7], propose un comportement phonon générique du type 1-liaison → 1-TO pour les cristaux mixtes aléatoires, ce qui correspond en quelque sorte à une transposition directe aux spectres Raman/IR (dynamique de réseau) du comportement 1-liaison→1-longueur détecté par EXAFS (relaxation de réseau) (cf. Fig. II-12) . La transposition est réalisée en se basant sur la règle

intuitive selon laquelle la constante de force d’une liaison chimique – et donc la fréquence du mode TO à caractère purement mécanique – chute lorsque la liaison est étirée, et au contraire augmente lorsque la liaison est comprimée. A noter que ce modèle sous-tend une insensibilité des vibrations des liaisons chimiques de chaque type à leur environnement local puisque toutes les liaisons d’un type donné vibrent à la même fréquence TO-mécanique à une composition donnée du cristal mixte. Il s’ensuit que selon le modèle MREI, il n’est pas possible pour les spectroscopies optiques vibrationnelles d’apporter une information utile sur la nature du désordre chimique au sein d’un cristal mixte, à savoir si la substitution atomique est aléatoire ou due à des effets d’agrégation ou de dispersion.

Le second modèle, dit modèle à agrégats ou à clusters, développé par Verleur et Barker [44], propose un comportement générique de type 1-liaison→4-TO qui distingue entre les vibrations d’une liaison chimique donnée selon son environnement premiers-voisins, parmi quatre possibles dans un cristal mixte de structure zincblende. Le modèle à cluster est présumé s’appliquer dans le

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cas des cristaux mixtes non aléatoires (ségrégés ou anti-ségrégés, cf. [44]). Un problème d’ordre technique cependant est que ce modèle à agrégats opère à une dimension, en cela que les équations du mouvement relatives à chaque oscillateur sont scalaires, tandis que les oscillateurs élémentaires sont identifiés dans le cristal réel à trois dimensions.

Ces deux modèles se sont trouvés inadaptés pour décrire en particulier le comportement vibrationnel de la liaison Be-Se du cristal mixte Zn1-xBexSe, manifestement de type 1-liaison→2-TO. Tandis que le modèle MREI [7] est sous-dimensionné au regard du nombre de modes observés, le modèle à agrégats (ou à clusters) se trouve quant à lui surdimensionné, selon le même critère. C’est pour cela qu’O. Pagès a développée au sein de l’équipe depuis quelques années

(2002) un nouveau modèle phénoménologique, dit de percolation [17], qui sous-tend un comportement vibrationnel générique de type 1-liaison→2-TO pour un cristal mixte aléatoire, calculs ab initio à l’appui menés dans les limites diluées par A. Postnikov. En substance, ce

modèle distingue entre les liaisons chimiques de même type selon qu’elles vibrent dans leur propre environnement ou dans l’environnement de l’autre espèce. Les environnements en question sont définis à 1D et non pas à 3D comme dans le cas du modèle à clusters.