En regard de la littérature scientifique, le choix d’étude qualitative par IPA pour évaluer
l’acceptabilité d’une intervention préventive est pertinent mais reste à ce jour original. Quelques
études se sont intéressées à l’acceptabilité d’un dépistage du risque suicidaire chez les adolescents
aux urgences. L’étude d’O’Mara et al.
23
était une étude quantitative avec des résultats statistiques.
Les études de Horowitz et al.
20
et de Ballard et al.
21,22
utilisaient des méthodes mixtes avec des
données statistiques et des données qualitatives, ces dernières étaient peu nombreuses.
Environnement délétère
- mauvaises fréquentations, consommation de drogues
- médiatisation du suicide, information sur les moyens létaux
- absence d'écoute de l'entourage
- sujets tabous
→ISOLEMENT
→ISOLEMENT
→ISOLEMENT
→ISOLEMENT
Evènements de vie douloureux
- harcèlement scolaire
- violences intrafamiliales, abus sexuel
- conflits familiaux, séparation parentale
- rupture sentimentale
- décès, suicide d'un proche
- maladie chronique handicapante
…
MAL-ÊTRE
- consommation de drogues
- scarifications
- jusqu'à la dépression
- .idées suicidaires
PROBLÈME : difficultés et isolement
SOLUTION : Parler des difficultés et
sortir de l'isolement
TENTATIVE DE COMMUNICATION
ÉCHEC…
ÉCHEC…
ÉCHEC…
Nouvelle tentative
Nouvelle tentative,
Tentative du suicide
SUICIDE
↗souffrance +++
↗isolement +++
L'adolescence, transition instable
▪ modifications physiques
▪ modifications psychiques
▫ apparition d'idées suicidaires, de cognitions dépressives
▫ difficulté de gestion des émotions
▫ imitation de groupe
▪ modifications relationnelles
▫ relation conflictuelle avec les parents
▫ difficulté à communiquer, repli sur soi
Personnalité et caractère vulnérables
Psychisme instable, "folie"
Les données quantitatives permettent d’illustrer numériquement le taux de participation à une
intervention, le taux d'acceptation pour participer à une intervention, etc. Ces résultats sont acquis
via des questions fermées. Pourtant, les réponses binaires, si elles semblent permettre de conclure à
la question d'acceptabilité sans hésitation, n'explorent en aucun cas la complexité de cette notion.
Par exemple, l’étude d’O’Mara et al.
23
évaluait, sous forme d’un questionnaire avec des cases à
cocher, l’acceptabilité par 294 adolescents âgés entre 13 et 17 ans d’une part, et par 300 parents
d’autre part, du dépistage aux urgences du risque suicidaire des adolescents. Parmi les résultats, 89%
des adolescents et 91% des parents avaient consenti à l’étude (un bon d’achat leur était donné en
échange de leur participation). 86% des adolescents et 92% des parents jugeaient important de
questionner aux urgences sur le suicide, 70% des adolescents et 57% des parents de manière
routinière. Néanmoins, si un dépistage leur était proposé lors d’un passage aux urgences, seulement
45% des adolescents et 51% des parents opteraient pour le faire. Ceci montre le décalage entre
l'opinion générale et l’implication personnelle a priori. L'étude d'O'Mara s'intéressait également aux
inquiétudes des adolescents et des parents face au dépistage, en leur demandant de cocher parmi
une liste d'inquiétudes établie au préalable (dont les références n’étaient pas données) et de
quantifier leur intensité. Les adolescents validaient plus d’inquiétudes que leurs parents, excepté le
fait que les parents disaient être préoccupés, plus intensément que leurs enfants, par l’état de
souffrance de leurs enfants au moment du dépistage. Ces résultats statistiques, pourtant nombreux,
ne permettaient donc pas de conclure sur l'acceptabilité des enfants et des parents et d’en décrire
les raisons et les limites. Les auteurs reconnaissaient que leurs résultats avaient peu de pertinence
pour la pratique clinique. La méthode qualitative, en explorant les différents critères composant
l'acceptabilité (pour rappel : le vécu, les perceptions et opinions concernant l’utilité, la faisabilité, la
validité, les représentations socioculturelles des participants du dépistage), révèle la complexité de
cette notion. Les résultats décrivent l’existence, et non l’incidence, d’idées et de thèmes en rapport
avec la compréhension du phénomène. La méthode qualitative, conduite sur un échantillon restreint,
ne vise pas une généralisation statistique des résultats à une plus large population. Elle aide le
chercheur et le clinicien à avoir une vision plus large des enjeux du phénomène étudié et, par une
généralisation théorique prudente, à décider de l’implication de ces résultats dans la pratique
clinique. Dans notre étude, des critères favorisant la représentativité statistique de l’échantillon
étaient néanmoins rassemblés : le nombre de participants inclus (20 adolescents et 16 parents) était
important pour ce type d’étude, le recrutement de cet échantillon était consécutif et dans deux sites
géographiques différents.
Parmi les différentes méthodes d’analyses qualitatives, l’IPA nous a semblé la plus adaptée et
correspondre précisément à l’objectif principal de l’étude. L’acceptabilité de la passation du
questionnaire dépend directement de la façon dont les individus vivent, perçoivent et donnent sens
à cette expérience particulière. Comme le souligne Starks et al.
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, à la différence de la théorisation
ancrée, qui cible une explication générale plus conceptuelle d’un phénomène observé dans
différentes conditions, l’IPA permet d’obtenir des analyses plus détaillées et nuancées des vécus
autour d’une expérience particulière en valorisant les caractéristiques convergentes et
divergentes. Une étude par théorisation ancrée pourrait s’intéresser plus spécifiquement par
exemple, dans un second temps, aux déterminants socioculturels de l’acceptabilité. Quant à l’analyse
du discours, cette méthode a pour but de rendre compte comment les ressources linguistiques et le
discours sont utilisés pour façonner les identités, les activités et les relations. Elle s’intéresse à
l’organisation cognitive des participants, reflétant les pratiques dynamiques politiques et
socioculturelles. En comparaison, l’IPA cherche, à travers l’analyse d’entretiens, à accéder aux
interconnections entre l’expérience vécue, les réactions émotionnelles, la construction de
significations et enfin la communication de cette expérience
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